Retour sur les bancs d’essai de houes maraîchères

Publié le : 13 décembre 2017

La houe maraîchère plus communément appelée pousse-pousse, poussette, cultivateur à pousser, vélo sarcleur ou encore binette à roue, est un outil manuel indispensable pour le maraîcher diversifié dans l’entretien des cultures. Par sa légèreté, sa taille modeste et sa maniabilité, il peut permettre, avec précision de désherber des inter-rangs là où des outils tractés ne passent pas, limitant ainsi le désherbage manuel. De nombreux modèles de houes et d’accessoires associés existent dans le commerce et en autoconstruction sur les fermes. Il est assez difficile de choisir son modèle en adéquation avec ses besoins sans avoir pu tester le matériel.

C’est pourquoi l’ADABio et ses partenaires (Bio&eau, CDA38, Atelier Paysan, GTPL) ont proposé au début de l’été 2017 deux démonstrations participatives où les maraîchers ont été invités à amener leurs houes et à tester l’ensemble des modèles présents

La houe à roue ne date pas d’hier

On retrouve encore dans les fermes quelques vestiges de vieilles houes à roue venues de l’autre continent. La société « planet JR » aux USA en a commercialisé dès la fin du 19e siècle pour les maraîchers-jardiniers de la cote Est lorsque les chevaux ont disparus des fermes. A l’époque ces outils étaient destinés à remplir de nombreuses fonctions rendus possible par une panoplie d’accessoires (butoirs, griffes, lames et même semoirs). Un siècle plus tard, les houes ont retrouvé leur place avec le maraîchage biologique et sont même redevenues indispensable pour l’entretien des cultures.

Selon les contextes, les maraîchers bio utilisent plus ou moins leur houe. Elles servent presque sur toutes les fermes pour les interventions où les binages mécaniques sont trop risqués (inter-rang étroit, cultures fragiles, légumes à pousse lente). Les carottes par exemple sont les plus concernées. Alors que d’autres maraîchers, peu mécanisés et sur petites surfaces, usent leurs houes sur presque toutes les cultures.

Cet outil est composé d’une roue à l’avant pour porter le poids de l’outil, d’un guidon au bout d’un manche pour permettre à l’utilisateur de travailler en gardant le dos droit et d’un système de fixation pour différents outils, facilement interchangeables : sarcloir oscillant, sarcloir patte-d’oie, griffe, buttoir, herse étrille, etc.

Des houes maraîchères mises à l’essai

BE houes maraîchères, crédit Adabio

Inspirées de leurs ainées les houes maraîchères « modernes » et leurs accessoires fleurissent chez les constructeurs et revendeurs de matériel agricole, mais il est plutôt difficile de s’y retrouver.

Pour tenter d’y répondre, des maraîchers bio se sont retrouvés au début de l’été autour de plusieurs modèles de houes pour tester, confronter et discuter des avantages et inconvénients de chacune. Au total ce sont 10 modèles différents qui ont été apportés par des maraîchers eux même. Ce large panel composé de vieilles houes, de modèles autoconstruits et de houes commerciales a permis un comparatif assez complet. Chaque propriétaire de houe a pu présenter son outil et l’utilisation qu’il en faisait avant de passer à la phase test au champ. A l’issu des tests et des échanges, les participants ont pu remplir une fiche avec leurs observations sur les différents critères de : maniabilité, ergonomie, robustesse, polyvalence, précision, prix…

BE houes maraîchères, credit Adabio

Tableau de synthèse : évaluation des houes maraîchères testées

Tableau d’évaluation des houes, source Adabio

Témoignage de Jacques Brochier, maraîcher à Montagnieu (38)

« J’utilise un pousse pousse depuis plus de 15 ans. Travailler avec ce type d’outil est un moment très agréable, on est debout avec le dos droit. De plus c’est très efficace, je gagne un temps fou par rapport au passage d’outil manuel de type « binette à manche ».

J’ai achetée une houe à pousser chez Tom Press très rustique car exclusivement métallique. Je l’équipe de lames oscillantes de trois dimensions différentes adaptées à la diversité des cultures. Sa légèreté me permet même de passer facilement en inter-plants (perpendiculaire à la ligne de plantation) pour les cultures espacées comme les courges, choux et blettes. En cours de sarclage, la lame et la ligne de culture sont bien visibles, je gagne ainsi en précision.

Je favorise l’implantation en plants mottes qui permet de passer quelques jours après très près des plants avec la lame oscillante sans avoir peur de les bousculer. Et le secret c’est d’intervenir tôt lorsque les herbes sont à peine sorties.

Sur semis c’est plus délicat mais cela reste très efficace. Par exemple sur mes carottes de conservation qui ont bénéficiées d’un bon faux semis avec occultation ou solarisation, je passe une première fois lorsque les lignes de semis sont bien visibles avec une lame oscillante pour épuiser les liserons et sarcler les jeunes adventices. Un second passage à la main permet de retirer les quelques liserons restants. Enfin un dernier passage avec ma deuxième houe équipée d’une griffe lorsque les carottes sont à un stade bien avancé permet de détruire les nouvelles adventices et d’aérer le sol.

Je reste cependant prudent sur l’utilisation à long terme qui peut causer des douleurs aux poignets, à quand la houe légère, maniable et à assistance électrique ? »

Témoignage de Philippe Metral, maraîcher à Montagny Les Lanches (74)

« Au Pré ombragé, nous utilisons depuis le début la houe maraichère que nous appelons « véloculteur » ou « vélo-sarcleur ».

Même si aujourd’hui, avec l’agrandissement de la surface cultivée et l’achat d’une bineuse tractée, nous ne l’utilisons plus pour les grandes surfaces (oignons, poireaux), nous apprécions encore sa précision et sa facilité d’utilisation dans les cultures fragiles (semis de carottes, navets, betteraves) et les minis-mottes (salades, épinards, fenouils).

Le test au champ collectif sur les houes maraichères qui a eu lieu chez nous m’a permis de tester plusieurs modèles anciens et récents et si le principe reste le même je constate que les matériaux utilisés aujourd’hui rendent l’outil plus léger.

Cela m’a donné l’envie de remiser mon vieux vélo bricolé pour fabriquer un nouvel engin en m’inspirant des bonnes idées vues sur les houes du commerce et d’essayer de le faire évoluer avec d’autres outils (doigts kress) ou aussi la possibilité de travailler en déporté. Résultats lors d’une prochaine réunion ! »

Article rédigé par Rémi Colomb, technicien maraichage à l’ADABio (FRAB AuRA).