Regard croisé des chercheurs et des éleveurs sur l’alimentation des porcs bio

Publié le : 11 juin 2019

Aperçu des retours d’expériences paysannes et des chercheurs (ITAB, INRA) sur la valorisation des fourrages et des concentrés (fermiers ou non) par les porcs bio.

Simplifier la conduite alimentaire des porcs charcutiers avec un ou deux aliments, c’est possible !

Afin d’éviter d’avoir à utiliser un aliment post-sevrage très riche en protéines, un engraissement simplifié des porcs bio avec un seul aliment complet croissance peut tout-à-fait fonctionner grâce à la croissance compensatrice des porcs sur la durée d’engraissement (cf. tableau ci-dessous).

Des fourrages ? mais pourquoi s’y intéresser en élevage porcin ?

Tout d’abord, parce que les porcs aiment ça ! Mais ce n’est pas la seule raison : il faut aussi s’intéresser aux fortes productivités en protéines/ha des fourrages. Cela fait de plus partie des exigences de la réglementation bio pour l’élevage des porcs, qui impose d’en intégrer dans la ration.

Retours d’expériences de l’ITAB et de l’INRA sur la valorisation des fourrages par les porcs bio :

Distribution d’enrubannage truies gestantes

ITAB et CRA* (49)

Pâturage truies gestantes

Ferme expérimentale des Trinottières CRA (49)

Distribution d’enrubannage porcs charcutiers

INRA GenESI, Lusignan (86)

 Dispositif expérimental  90 % ration classique + enrubannage d’herbe

Comparaison avec ration à 100%

 80 % d’un  aliment constitué uniquement de céréales et minéraux + pâturage

Comparaison avec ration à 100% sans pâturage

 85 % d’une ration classique + enrubannage de luzerne

Comparaison ration à 100 % + enrubannage de luzerne

 Observations et conclusions  Possibilité de compenser 10 % d’aliment avec enrubannage en gestation

Variabilité de la consommation et compétition avec alimentation à l’auge

Dans le cas étudié (50 truies) : économie de 2000 € pour la ferme

 Variabilité de la consommation et compétition à l’auge (aliment)

1,75 Kg de MS* ingérée par truie par jour au pâturage – préférence pour les légumineuses

Niveau équivalent de performances de croissance

Économie de 16 % du coût alimentaire

Moins de pâture en fin gestation

 Consommation d’enrubannage : 550 à 650 grammes par jour

Rendement carcasse équivalent à un aliment donné à 100% et taux de muscle supérieur

Possibilité de baisser de 10 à 15% la ration complète pour obtenir les mêmes croissances avec de l’enrubannage à volonté

Des éleveurs lorrains avec ateliers porcs bio en diversification témoignent

Description des fermes bio témoins

Ferme expérimentale, INRA de Mirecourt :

  • SAU Totale : 245ha. Dont : 135 ha de prairie permanente, 45 ha de prairie temporaire et 65 ha de SCOP (Surfaces en Céréales et Oléo-Protéagineux)
  • 90 vaches laitières + 10 nourrices + 25*2 génisses
  • 120 brebis (agneaux d’herbe)
  • 30 porcs charcutiers plein air

GAEC des Raillis :

  • 4 UTH
  • SAU Totale : 370 ha ; dont : 100 de PP, 100ha de PT et 160ha de SCOP
  • 180 vaches allaitantes dont 55 mères
  • 80 porcs (2018) ; projet : 16 truies et 300 porcs

Pour quelles raisons l’atelier porcs a été mis en place en diversification sur la ferme ?

Matthieu Godfroy (INRA) – © Bio en Grand Est

Matthieu Godfroy pour l’INRA :

L’atelier d’engraissement de porcs bio 100% en plein air a été créé d’une part pour valoriser les ressources non commercialisables et peu valorisées par les ruminants, c’est-à-dire les issues de triage de cultures et le colostrum de vaches, d’autre part dans une optique de moindre coût (1 bande de porcs plein air quand il y a de la luzerne à pâturer).

Sébastien Schmitt pour le GAEC des Raillis :

Cet atelier a été mis en place pour l’installation de Mathilde, et parce que les ventes de viande de bœuf en vente directe ont créé de la demande pour le porc. De plus, le méteil triticale-pois récolté, très présent dans les rotations céréalières bio, donc moins bien valorisé par la coopérative, est très bien valorisé via l’alimentation des porcs.

Niveau d’autonomie alimentaire pour l’élevage de porc sur la ferme

INRA :

100 % d’autonomie alimentaire grâce à la valorisation de prairies temporaires sur pied (pâturage) et des issues de tri des céréales (l’ensemble de l’emblavement est destiné à l’alimentation humaine). L’objectif est d’apporter de la protéine via le pâturage et donc que la croissance soit permise par le pâturage.

GAEC des Raillis :

Un aliment est acheté ; le post-sevrage et 2 aliments sont produits à la ferme avec 75 à 80 % d’autonomie alimentaire pour la croissance et la finition. Le triticale, le pois, l’orge et les déchets de lentilles sont auto-produits, la féverole et un aliment complémentaire sont achetés. Produire son aliment pour les animaux fait partie de la façon de faire de la ferme, dans le but d’être au maximum autonome.

Quelle utilisation des fourrages et des céréales dans la ration ?

INRA :

Un pâturage tournant a lieu sur prairies temporaires de mars à novembre. Au pâturage, les porcs laissent une bonne partie de la tige de luzerne ce qui lui permet une bonne repousse, mangent le dactyle quand ils ont vraiment faim et ne touchent presque pas la fétuque. Les porcs sont donc changés de parcelle quand ils attaquent le dactyle. Les porcs ont prélevé au pâturage entre 1,5 Kg MS (matière sèche) par porc par jour (2018) et 2,5 Kg MS (2017). Après le passage des porcs, la luzerne a redémarré en 2017. 1,5 Kg de petit grain sec est distribué par jour en un seul repas.

GAEC des Raillis :

L’aliment post-sevrage est à volonté jusqu’à 70 Kg, puis 2,7 à 2,8 Kg d’aliment sont donnés par porc par jour avec des fourrages (enrubannés de trèfle violet) et de la paille. La distribution de fourrages calme les porcs. Dans la paille, les porcs cherchent en premier le vert, c’est-à-dire les mauvaises herbes (liseron).

Croissance des porcs et observations sur la viande :

  Poids de carcasse (kg) Rendement de viande (%) TMP moyen

(Taux de Muscles par Pièce)

Age à l’abattage
INRA 85,5 73 65,3 7-9 mois
GAEC des Raillis 120 75 [56 – 62] 8-10 mois

INRA :

Les rendements carcasses ne sont pas trop hauts mais c’est normal car il y a plus de tripes et d’appareil digestif chez un porc qui pâture. Les taux de muscle sont très bons, la moyenne étant de 58 en AB. La boucherie n’a jamais vu de jambons qui perdaient aussi peu d’eau et le muscle est bien homogène.

Sébastien Schmitt (GAEC des Raillis) – © Bio en Grand Est

GAEC des Raillis :

Au-delà d’un TMP de 62, il n’y pas assez de gras pour la transformation en vente directe.

Quels sont les impacts économiques sur la ferme de cet atelier de diversification ?

INRA :

C’est compliqué car cet atelier est complémentaire des autres, en termes de travail du sol, de matière organique… Il est économe vis-à-vis des achats extérieurs grâce aux autres ateliers qui permettent de produire l’alimentation, donc d’être autonome. Pour en évaluer tous les impacts économiques, peut-être faudrait-il prendre en compte le prix d’une luzerne pressée à 120 €/T, le coût d’implantation d’une prairie…?

GAEC des Raillis :

La marge brute par porc abattu est de 600 €. L’atelier porc permet de compenser les mauvaises années en céréales, cet atelier en diversification équilibre bien les résultats économiques de la ferme.

Rédaction : Julia Sicard (Bio en Grand Est)