Produire du bœuf bio : une alternative à la production de broutards ?

Publié le : 19 août 2021

La production de bœufs baisse en France chaque année depuis l’intensification de l’agriculture dans les années 60. A l’inverse, la production de bœufs en bio, elle, augmente. Or en 2018, la majorité des mâles bio, issus du cheptel allaitant, était valorisée soit en broutards exportés (pour 43 %) soit en jeunes bovins (44 %) ou en veaux de boucherie (7 %). Seuls 3 % étaient valorisés en bœufs. Quels sont les avantages de la mise en place d’un atelier naisseur-engraisseur de bœufs à UGB constants ?

Témoignage - GAEC BESSON Michel et Pierre

« En 2016, nous avons réalisé la conversion de notre ferme en bio. Nous avons profité de ce changement pour en faire d’autres !

Avant la conversion bio, nous avions 175 ha de prairies naturelles et temporaires en rotations avec des méteils enrubannés. Nous faisions vêler 150 vaches limousines. L’ensemble des mâles et une partie des femelles étaient vendus en filière broutard pour l’Italie. »

Grâce au label bio, le GAEC a souhaité engraisser tous ses animaux. Il a fallu s’adapter aux demandes de la filière. « Nos broutards nourris en bio partaient en circuits conventionnels, cela ne nous convenait pas, nous avons donc choisi de modifier notre production. »

Pierre et Michel ont donc décidé d’entamer une conversion de race du cheptel afin d’obtenir des carcasses plus légères et des animaux plus précoces à l’engraissement. « Nous avons vendu la moitié de nos vaches limousines. Elles ont été, en partie, remplacées par des génisses Limousines croisées Angus et par des Angus. L’objectif était de diminuer le nombre de vêlages tout en conservant le même nombre d’UGB. »

Depuis 3 ans, une quarantaine de bœufs par catégorie est présente sur la ferme. « Nous avons castré tous les veaux mâles, à l’aide d’élastiques, dans les premiers jours de vie. Ces veaux sont restés avec leurs mères jusqu’au sevrage puis conduits comme les génisses d’élevage pour les 2 années suivantes. »

Pierre et Michel ont, aujourd’hui, l’ensemble de leurs parcelles en herbe. « Nous avons arrêté la production de méteil car nous souhaitons engraisser un maximum d’animaux uniquement à l’herbe. La race Angus permet une bonne valorisation de l’herbe. Sur la période hivernale, les bœufs sont nourris au foin ou à l’enrubannage. Nous faisons un enrubannage très précoce pour récolter un maximum de protéines dans la ration de base. Ces fourrages nous permettent de limiter au maximum nos achats en concentrés. »

Les prairies vont être ressemées avec des outils de semis directs et des méteils dans l’idée de faire des fourrages encore plus riches en protéines.

Qu’en disent les filières ?

D’après Emmanuel Desilles, référent technique régional en Bovins Allaitants bio à la chambre d’agriculture de l’Allier, « les filières bio ont des attentes précises. Les bœufs doivent peser entre 400 et 480 kg pour 30 à 38 mois. Ils doivent être bien conformés, au minimum R=/+ avec une finition de 3 en engraissement. ». Les ventes peuvent se faire tout au long de l’année avec une préférence pour le premier trimestre. Il précise qu’il est très important de consulter les différents opérateurs avant de se lancer dans la production de bœufs bio.

Approche économique

Calcul des marges de production de bœufs :

Sources : intervention de Christophe TROQUIER -INRA- 11/2018 à St Martin sous Vigouroux (15)

Comparaison entre un système naisseur et un système naisseur-engraisseur de bœufs :

Sources : intervention de Christophe TROQUIER -INRA- 11/2018 à St Martin sous Vigouroux (15)

Le système naisseur-engraisseur de bœufs est un peu plus rentable qu’un système broutards classique. Les données IDELE de 2014 montrent un produit supplémentaire de près de 7 600 € à UGB constant, pour le système bœufs.

Quelques points de vigilance

Conserver une autonomie fourragère importante : c’est essentiel en agriculture biologique, il faut donc diminuer le nombre de vaches et le nombre de vêlages pour maintenir un niveau d’UGB constant. La bonne gestion du pâturage, tournant si possible, permet de bien entretenir cette autonomie fourragère et de garantir un engraissement à l’herbe. La production de méteil, enrubanné ou moissonné, permet un apport de protéines indispensables à la bonne croissance des bœufs.

Besoin en trésorerie sur la période de transition : La diminution du nombre de vaches permet d’avoir une trésorerie supplémentaire lors de cette période de transition. Les premières ventes de bœufs n’arrivant que 3 ans après, certains éleveurs étalent la diminution des vaches sur les 3 ans en fonction des veaux mâles naissants. D’autres décident de vendre une majorité dès la première année.

Cette diminution du nombre de vaches entraînera forcément une diminution des ABA (Aides aux Bovins Allaitants). Si le nombre d’UGB est maintenu, le chargement ne changera pas et cela n’aura pas d’instance sur l’ICHN (l’indemnité compensatoire de handicap naturel).

Besoin de place dans les bâtiments : Cela implique également d’avoir des bâtiments adaptés à l’engraissement. Même si les bœufs peuvent être conduits avec les génisses d’élevages ou les génisses grasses, il faut avoir suffisamment de place pour loger l’ensemble des animaux et des lots en période hivernale.

La mise en place d’un atelier naisseur-engraisseur peut être une solution pour les éleveurs pratiquant l’attache. En effet, les bœufs de moins de 2 ans ne sont pas comptabilisés parmi les 50 « animaux productifs » au regard de la demande de dérogation permettant de conserver l’attache des animaux.

Pratiques d’élevages peu chronophages : La production de bœufs est peu exigeante en main d’œuvre. A UGB constant, le temps de travail est moins important qu’en système broutards, en dehors de la phase de finition.

Article rédigé par Lise Fabriès – Bio15, initialement publié dans La Luciole n°30, hiver 2021