Engraisser des bovins charolais à l’herbe, c’est possible !

Publié le : 21 mai 2019

Engraisser les bovins viande (quasi) sans céréales : un objectif à atteindre pour optimiser la rentabilité de l’atelier viande et conserver des cultures de vente si l’on a des surfaces labourables. Julien Bourgeois, éleveur bio dans l’Yonne, nous ouvre les portes de sa ferme dont l’élevage est conduit en bio depuis son installation en 2006.

Chiffres clés de la ferme

Quelques dates : 2006 installation et conversion des prairies et du troupeau en bio, puis conversion progressive des surfaces cultivées. Ferme 100 % bio depuis 2011.

Main d’œuvre : 2,5 UTH (Julien Bourgeois +1 salarié à temps partiel + 1 saisonnier)

SAU : 170 ha

  • 50 ha de prairies permanentes
  • 35 ha de prairies temporaires à flore variée
  • 85 ha de cultures annuelles (5 à 10 ha pour la consommation du troupeau)

50 Vaches allaitantes (Charolaises)

Julien Bourgeois, éleveur bio dans l’Yonne

L’EARL des Chats Ferrés se trouve sur la commune de Sainte Colombe sur Loing dans l’Yonne. Depuis quelques années, le choix a été fait de réduire la consommation de céréales et protéagineux dans la ration des bovins.

Un gros travail a été fait sur les prairies afin d’améliorer le pâturage et de favoriser la récolte d’un foin de qualité. Car ici, pas d’enrubannage, sauf pour sauver une coupe, tout repose sur le foin, il doit donc être bon ! Les chantiers de récolte de fourrages sont toujours prioritaires. Les prairies sont hersées, les refus fauchés et les zones d’abreuvement empierrées.

La rotation intègre des prairies à flore variée, produisant un fourrage équilibré en énergie et protéines, des cultures de vente et 5 à 10 ha d’orge et de triticale/pois pour l’alimentation des bovins.

Les prairies sont toujours semées au printemps, sous couvert d’une céréale. Elles sont semées en ligne et le semis est suivi d’un passage de herse étrille et d’un passage de rouleau afin de favoriser le contact sol/graine.

Rotation type de la ferme

Conduite du troupeau

Le chargement est volontairement limité à 1 UGB/ha de surface fourragère pour assurer l’autonomie alimentaire du troupeau dans toutes les conditions pédoclimatiques. Toutes les parcelles en herbe sont pâturables grâce à l’utilisation de clôtures électriques. Au printemps, le pâturage se fait au fil avant, puis les vaches passent de paddocks en paddocks.

Les vaches ne reçoivent plus de grain : seule la qualité du foin permet d’ajuster la ration : elles reçoivent du foin de pré avant vêlage et du foin de prairie temporaire lorsqu’elles allaitent.

80 % des vêlages sont groupés sur décembre.

3 taureaux assurent la reproduction du troupeau : 2 Charolais pour les vaches, 1 Limousin pour les génisses. Julien Bourgeois travaille sur la génétique afin d’améliorer la facilité de vêlage et la production de lait des mères.

Toutes les génisses sont gardées sur la ferme pour le renouvellement ou l’engraissement. Elles n’ont plus de grain non plus, elles reçoivent par contre le meilleur foin disponible afin de favoriser leur croissance dans de bonnes conditions.

Pour accélérer la finition de certains animaux et les sortir quand le marché est demandeur (entre janvier et avril), de la farine de triticale/pois/orge est encore utilisée à raison de 6 kg par jour distribués en deux repas aux cornadis après le foin pour limiter tout risque d’acidose.

Les broutards n’ont plus de nourrisseur au pré. Julien Bourgeois estime qu’il perd à 30 à 50 kg de poids vif par broutard en ayant arrêté de distribuer des céréales d’avril à septembre. Les broutards sont vendus en début d’automne à 330 kg vif. La marge est identique à celle qu’il faisait auparavant.

En plus d’une alimentation de qualité, la prévention est un facteur clé de réussite de cet élevage. Un soin tout particulier est donné à la complémentation minérale et vitaminique des animaux, formulée à partir d’analyse de poils et distribuée tout l’hiver.

L’éleveur réalise également des cures de chlorure de magnésium (10 jours/mois en hiver) et des cures homéopathiques de drainage hépatique (1 semaine/mois en hiver) afin de stimuler l’immunité naturelle des animaux.

Ceux-ci ne sont jamais vaccinés et rarement déparasités (au coup par coup, uniquement sur analyse coprologique à la rentrée en bâtiment).

Commercialisation

Les céréales sont stockées à la ferme et vendues en filière longue (COCEBI). Toutes les femelles (vaches de réforme et génisses) sont engraissées et vendues soit en filière longue (UNEBIO) soit en vente directe en caissette (5 génisses/jeunes vaches + 7 veaux rosés par an). Seule une partie des broutards continuent à partir sur le marché conventionnel.

La mise en place de ces pratiques cohérentes permet une diminution des charges économiques ainsi qu’un allègement du travail. Le chiffre d’affaire s’équilibre entre l’atelier viande et l’atelier cultures de vente et la stabilité de la marge par hectare donne au système une grande souplesse, en particulier dans un contexte climatique incertain (ex : années de sécheresse).

Article rédigé par Aurélie Billon, Bio Bourgogne