Note de conjoncture du lait bio en France et en Europe – Premier semestre 2022

Publié le : 29 avril 2022

Conjoncture du lait bio en France au premier semestre 2022

Collecte

1,228 milliards de litres de lait bio ont été collectés en 2021 (collecte cumulée sur les 12 mois de l’année 2021). La collecte bio a représenté 5,2 % de la collecte laitière nationale en 2021. Ce cumul annuel atteint 1,237 milliards en février 2022.

Cumul annuel mobile
La collecte de lait bio française atteint 1,23 milliards de litres en janvier 2022

Collecte de lait bio - Cumul annuel mobile

Graphique CNIEL – Source FranceAgriMer SSP

La collecte de lait de vache bio a ainsi augmenté de 10,6 % entre 2020 et 2021. Ces dernières années ont connu des hausses exceptionnelles de la production de lait bio : + 32 % entre 2017 et 2018, + 18 % entre 2018 et 2019, et + 12 % entre 2019 et 2020.

 

En moyenne, les livraisons mensuelles de lait bio en 2021 se sont élevées à 102 millions de litres par mois, contre 92 millions en 2020. Cela représente en moyenne 10 % de plus par mois qu’en 2020, avec des variations toujours importantes au cours de l’année. En décembre 2021, plus de 98 millions de litres de lait bio ont été collectés, soit seulement 2,5 % de plus qu’en décembre 2020. Mais entre mars et septembre 2021, les livraisons mensuelles de lait bio étaient en hausse de +11 à +19 % par rapport à 2020.

© FranceAgriMer

La collecte augmente moins fortement ces derniers mois. En février 2022, 93 millions de litres de lait bio ont été collectés, ce qui représente 4,4 % de plus qu’en février 2021.

Les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes ont même vu, en janvier 2022, leur collecte diminuer légèrement par rapport au même mois l’an dernier. Les collectes de lait bio dans les autres bassins, notamment les plus contributeurs (Bretagne, Pays-de-la-Loire…) continuent d’augmenter en janvier 2022 par rapport à janvier 2021.

Collecte de lait bio par région - Janvier 2022

Collecte de lait bio par région – Janvier 2022 – Source FranceAgriMer SSP

Prix du lait bio

Bilan 2021

Le prix réel du lait payé aux producteurs en 2021 (incluant l’effet qualité) a été en moyenne de 483 €/1000 litres. Cela correspond à une relative stabilité par rapport à l’année 2020 (baisse de 0,1 % par rapport à la moyenne mensuelle de 2020 qui était de 484 €/1000 litres) mais avec un décrochage qui s’observe à partir du mois de septembre. Le mois d’octobre a connu la plus forte baisse (- 1,7 %) par rapport au même mois l’an dernier.

Ce même prix pour un lait standard 38/32 (également prix toutes primes comprises et toutes qualités confondues, mais ramené à un lait standard à 38g de MG et 32g de MP) était estimé à 460 €/1000 litres en moyenne en 2021 (soit une baisse de 0,9 % par rapport à la moyenne de l’année 2020).

En 2021, le prix du lait non bio a été payé en moyenne à 389 €/1000 litres (prix réel), soit 363 €/1000 litres pour un lait standard 38/32.

Évolution sur les 4 dernières années

Évolution récente

En janvier et février 2022, le prix du lait bio est à un niveau un peu plus bas qu’aux mêmes mois en 2021 : il est de 484,9 €/1000 litres (prix réel) soit une baisse de 0,5 % par rapport à février 2021. Les moyennes cachent cependant des disparités importantes entre collecteurs et entre régions.

Notamment les quatre principaux collecteurs (Biolait, Lactalis, Sodiaal, Agrial), qui représentent 70 % de la collecte nationale bio, appliquent des baisses de prix du lait bio par rapport à l’an dernier (entre 5 et 15 €/1 000 litres), tandis que les opérateurs secondaires ont plutôt tendance à maintenir leur prix. Parallèlement le prix du lait conventionnel croît fortement. Avec la baisse saisonnière du prix du lait bio constatée annuellement au printemps, les prix du lait conventionnel et bio risquent de converger temporairement en avril-mai. (Source : Institut de l’Élevage)

Evolution des prix des laits bio et conventionnels

Graphique CNIEL – Source FranceAgriMer SSP

Fabrications et consommation

En 2021, malgré une collecte en progression de 10,9 %, les fabrications (en volumes) ont commencé à régresser pour certaines catégories de produits. C’est le cas du lait conditionné, en baisse de 4,5 % par rapport à l’année 2020, des produits laitiers frais (- 3,7 %) et de la poudre de lait (- 7,5 %). Certaines catégories de produits ont toutefois vu leurs fabrications augmenter : c’est le cas de la crème conditionnée (+ 1,8 %), du beurre (+ 3,8 %) et des fromages (+ 2,9 %) ; ce qui dénote d’une croissance de l’utilisation de la matière grasse du lait bio. En revanche en janvier 2022, toutes les fabrications étaient en diminution (- 7,7 % en lait conditionné, – 12,8 % en beurre, – 16 % en produits laitiers frais). (Source : FranceAgriMer)

Les ventes des produits laitiers bio sont globalement en recul en 2021 par rapport à l’année 2020, qui a subi un effet “confinement” avec une progression très importante des achats en bio. Parallèlement la collecte de lait bio en 2021 a connu une très forte augmentation due à l’arrivée en bio de nombreux nouveaux éleveurs, avec des volumes de production importants, et à la bonne pousse de l’herbe du printemps 2021. C’est pourquoi le marché n’a plus été en capacité d’absorber la croissance de l’offre. Étant donné la particularité de l’année 2020 en termes de consommation, le CNIEL a comparé les tendances en 2021 par rapport à une situation pré-COVID, c’est à dire l’année 2019 :

Source : CNIEL (extrait de la note de conjoncture laitière bio du 1e trimestre 2022) – Panel IRI

La consommation de produits laitiers bio (l’ensemble des produits laitiers bio et sur tous les circuits de distribution) connaissait jusqu’en début d’année 2021 une croissance à un niveau particulièrement soutenu, qui s’est ralentie en 2021. Pendant 5 ans, de 2015 à 2020, les progressions des ventes de produits laitiers bio étaient même à deux chiffres sur certains segments (cf. graphique ci-dessous).

La stagnation de la consommation, observée en 2021, se poursuit en début d’année 2022. Comme la collecte continue d’augmenter avec la fin de nouvelles conversions (quoi qu’un peu moins qu’auparavant), le déséquilibre observé entre production et consommation perdure en 2022, engendrant des déclassements.

Les cours actuellement élevés du lait conventionnel permettent d’en atténuer les conséquences. Il conviendrait toutefois de communiquer davantage sur les bénéfices des produits laitiers bio, en matière d’environnement, de santé ou de bien-être animal, afin de limiter la concurrence des marques des produits laitiers conventionnels dont les allégations rassurent les consommateurs sans pour autant apporter les mêmes garanties que le label AB. Le débouché de la restauration hors domicile fait partie des pistes de développement pour la filière lait bio.

Source : CNIEL (extrait de la note de conjoncture laitière bio du 1e trimestre 2022)

Point de situation chez nos voisins européens : bilan 2021 et perspectives 2022

Allemagne

En 2021, la production de lait bio augmente légèrement (+2,6% par rapport à 2020) pour atteindre 1,266 millions kg, soit un peu plus de 4% de la totalité de la collecte nationale. La quasi-totalité est valorisée en bio, avec un prix moyen plus haut que les années précédentes à 50 cents/kg, soit 13,8 cents de plus qu’en conventionnel (payé en moyenne 36,2 cents/kg). Mais c’est moins que les 54,3 cents/kg qui sont payés pour le lait de foin, qui a le vent en poupe en Allemagne.

La production de lait (+3,6%), beurre (+0,6%) et fromage (+4,9%) en bio est en augmentation, alors que la production de yaourt s’est réduite. Dans l’ensemble, la demande en matières grasses bio est toujours très élevée, ce qui entraîne une surproduction saisonnière de lait écrémé et de lactosérum.

Les prévisions pour 2022 sont dans l’ensemble plutôt favorables avec un équilibre entre l’offre et la demande, une augmentation stable de la production (entre 2 % et 3 %) et un prix payé au producteur en augmentation (en moyenne 0,52 €/kg pouvant aller jusqu’à 0,54 € ou 0,57 €/kg). On peut noter l’initiative de la laiterie coopérative Hamfelder Hof qui prévoit de mettre en place dans le cadre d’un projet des contrats longs permettant de payer jusqu’à 0,66€/kg pour les éleveurs investis dans la protection de la biodiversité, du bien-être animal, laissant les veaux avec la mère, etc.

Même si le lait bio reste bien valorisé, l’écart de prix avec le lait conventionnel est de plus en plus faible. La raison principale est la baisse de production de lait conventionnel (-2,3 % en janvier 2022) et un prix sur le marché spot en augmentation. Avec la guerre en Ukraine qui influe sur les potentielles difficultés d’approvisionnement (tourteaux de tournesol) et l’augmentation des coûts de production, il se peut que la production conventionnelle reste baissière, maintenant les prix assez haut.

Côté aval, 2022 est aussi l’année de la mise en place par les GMS d’un nouveau système d’étiquetage des produits laitiers en faveur bien-être animal avec 4 étoiles. Les enseignes ont décidé d’arrêter de commercialiser du lait avec 1 seule étoile à partir de 2024. La bio qui est couronnée de 4 étoiles espère donc que ce système lui sera favorable, même si le lait n’est pas le seul à bénéficier de cette note maximale : le lait de pâturage est un exemple des autres systèmes bénéficiant des 4 étoiles.

Danemark

En 2021 la production danoise s’élève à 745,7 millions de kg de lait bio, soit 2,5% d’augmentation par rapport à 2020. Cette augmentation n’est pas le fait de nouvelles conversions, puisque les laiteries ne délivrent plus de nouveaux contrats bio, mais d’une augmentation de la production chez les éleveurs déjà en bio.

La demande n’ayant que légèrement augmenté, cette gestion prudente de la production par les laiteries permet un équilibre dans lequel l’intégralité de la collecte bio est valorisée en bio, au prix moyen de 45cents/kg contre 37,6cents/kg en conventionnel. Le différentiel entre bio et conventionnel payé au producteur a baissé jusqu’à atteindre 8 cents et Arla (principale laiterie) vient même de mettre un place un bonus de 2 cents pour les producteurs conventionnels pâturant.

En 2022, la situation pour le lait bio devrait perdurer faute de grands changements prévus par les laiteries.

Belgique

En 2021, les quelques 335 fermes bio ont assuré la production de 104 millions de kg de lait bio en Belgique. Le prix bio moyen fluctuait autour de 0,47 €/kg, contre 0,37 €/kg en conventionnel. Les laiteries sont globalement réticentes à augmenter le prix payé aux producteurs, puisque les distributeurs ne sont pas prêts à augmenter leurs prix.

Le marché est à l’équilibre avec une production qui reste stable et une légère baisse dans les ventes de produits laitiers bio en 2021 après plusieurs années de forte progression.

On peut noter qu’en Flandres de nombreux élevages vont être impactés par des mesures de réduction du cheptel, afin de limiter la pollution aux nitrates notamment dans les zones à enjeu eau. Les plus touchés seront les élevages intensifs de porcs et de veaux. Il semblerait que les fermes laitières bio soient épargnées, ce qui ne devrait pas déstabiliser la filière.

Autriche

En Autriche en 2021, la production annuelle de lait bio à 643 millions kg a légèrement augmenté (+2,1%). Cette situation d’excédent structurel du lait autrichien ne peut être absorbée par le marché intérieur. Ce sont environ 30 % de la production qui sont exportés, principalement vers l’Allemagne, la Suisse et l’Italie.

L’année 2021 a été une bonne année pour la filière lait bio, avec un prix payé au producteur en nette hausse, en moyenne 48,5 cent/kg, contre 37,5 cents/kg pour le lait conventionnel. A l’instar de l’Allemagne, il faut noter que les prix du lait en Autriche sont très segmentés (jusqu’à 8 prix différents) : par exemple lait bio, lait de foin, lait des fermes avec stabules à l’ancienne.

Malgré tout, pour les années à venir, les perspectives semblent plutôt favorables pour la filière lait bio puisque certaines laiteries ne proposent plus de contrats conventionnels, uniquement des contrats bio.

Suède

En 2021, la production de lait bio en Suède s’élève à 102 millions de kg, soit 15 % de la collecte nationale. La totalité de la production bio est valorisée en bio et payée au producteur autour de 0,47 €/kg, contre 0,37 €/kg en conventionnel. Le marché reste excédentaire, si bien qu’un projet d’export de poudre de lait demi-écrémé vers la Chine a été lancé.

Ce marché déséquilibré s’explique notamment par un recul de la demande. Depuis plusieurs années, l’intérêt des consommateurs pour les produits laitiers bio, surtout des plus jeunes générations, décline (les produits carnés sont également concernés) au fur et à mesure que les préoccupations liées au changement climatique augmentent. Depuis 2018, la consommation de lait bio a baissé de 20 %, alors que le marché du lait conventionnel a augmenté de 10 %, porté principalement par les produits « locaux » ou « régionaux ». Une des principales explications repose sur le décalage entre la demande des consommateurs, plutôt tournée vers les produits laitiers (beurre, fromage, glace) et la transformation bio axée en grande majorité (60 % des produits laitiers) vers le lait et les yaourts. L’offre de produits bio ne correspond donc pas à la demande. La situation devrait à terme trouver une issue, avec le projet de laiterie dans le Sud-Ouest du pays porté par Arla, pour diversifier la transformation de produits laitiers bio.

Suisse

La production de lait bio en Suisse a atteint plus de 288 millions de kg. Elle a progressé de +6 % en un an, malgré une augmentation plus importante du prix conventionnel à +5,8 % (pour atteindre 0,66 €/kg) contre +1,3 % en bio (pour atteindre 0,79 €/kg). Cette hausse de la production devrait quelque peu ralentir en 2022, principalement du fait de l’augmentation des coûts de production (prix de l’énergie, de l’aliment). Il se peut que la demande dépasse l’offre d’ici 2023.

Côté prix payé aux producteurs, les perspectives 2022 laissent entrevoir une hausse de 4 à 5 cents/kg que les éleveurs bio suisses ont négocié suite à l’instauration d’un cahier des charges plus restrictif pour la production laitière bio : aliment 100% suisse, limitation des concentrés dans les rations, etc.

(Source : informations recueillies en date du 3 mars 2022 via le réseau européen des producteurs de lait bio)

Le témoignage de Fabien Chauveau

Fabien, éleveur de lait bio en Maine-et-Loire, répond à Marion Bastit sur RCF Radio :