Liens entre choix de conduite, génétique et résultats techniques dans les élevages de bovins lait bio en France

Publié le : 5 juin 2017

Présentation des résultats du projet GenAB pour les troupeaux bovins laitiers

Contexte et méthodologie

Le projet GenAB, conduit par l’ITAB et l’Institut de l’Élevage (IDELE), avec le financement de France Génétique Élevage, a permis de croiser les données contenues dans les Systèmes Nationaux d’Information Génétique (bases de données nationales par filière), gérés par France Génétique Élevage, avec la base de données de l’Agence Bio, pour les filières bovines, ovines et caprines. Ainsi, les données de surfaces, de types de production, de nombre de têtes déclarées… ont pu être croisés avec les performances techniques (vêlages, production laitière, poids et croissance des veaux…), les choix de conduite (insémination, groupement de vêlages…) et les choix génétiques (index, effets troupeaux…) pour la campagne 2014.

Choix des races

Les choix de race en élevages laitiers bio sont différents de ceux du conventionnel, alors qu’ils sont relativement semblables en élevages allaitants. En effet, bien que 40 % des vaches conduites en bio soient des Prim’Holstein, on compte davantage de troupeaux multi-races, autrement dit moins de troupeaux de race pure Prim’Holstein (sachant qu’on considère un troupeau de race de pure quand 80 % des vaches sont d’une même race). Il y a plus de croisements laitiers qu’en conventionnel. On note également un taux de renouvellement moins élevé dans les troupeaux laitiers bio.

Répartition des troupeaux laitiers bio et conventionnels en 2014
selon la race dominante

Source : projet GenAB

 

Bien que les choix génétiques soient plus proches en élevage allaitant entre la bio et le conventionnel, on note une plus forte représentation dans les troupeaux bio des races Limousine, Salers et Aubrac, ainsi que des races diverses et troupeaux multi-races, et une moindre représentation des races Charolaise et Blonde d’Aquitaine.

Les races à petits effectifs sont aussi plus représentées, proportionnellement, en bio qu’en conventionnel.

Production laitière et effet troupeau

Sans surprise, dans les différentes races, la quantité de lait produite par vache est plus modeste dans les troupeaux bio que dans l’ensemble des troupeaux français. Les moyennes sont à interpréter avec précaution dans la mesure où certaines races restent peu représentées dans les suivis réalisés par France Conseil Elevage : sur les 58 000 vaches contrôlées dans les élevages bio, on ne compte que 300 vaches de race Vosgienne, contre 24 000 Prim’Holstein. On peut cependant noter que la différence de production n’est pas la même selon la race : elle est plus marquée en Prim’Holstein, avec -1 700 Kg de lait par vache et par an, qu’en Vosgienne, avec – 300 Kg. Les taux protéiques et butyreux sont également en moyenne légèrement plus bas pour les vaches conduites en bio par rapport aux moyennes nationales.

Production laitière moyenne par vache en fonction de la race en 2014

Source : projet GenAB

Taux protéique moyen par vache en fonction de la race en 2014

Source : projet GenAB

Ces performances sont en fait bien plus influencées par le milieu que par la différence de niveau génétique. L’écart lié au niveau génétique (entre -70 et -100 Kg de lait par vache et par an) est très faible alors que l’on note une différence de production liée à l’effet troupeau très significative (avec un écart allant de -1100 à -2200 Kg selon la race). L’effet élevage, ou effet troupeau, représente l’ensemble des conditions communes aux vaches d’une même race dans un même troupeau, telles que le système alimentaire, les conditions sanitaires, la fréquence de traite, l’ambiance du bâtiment… Si les conditions de milieu influencent autant les performances de production, c’est essentiellement dû à la conduite alimentaire, plus autonome et plus économe en bio : les potentiels génétiques sont très proches pour ces caractères mais le potentiel de production laitière ne peut pas être atteint avec une conduite d’élevage bio, qui privilégie l’autonomie alimentaire au volume produit. Les objectifs des éleveurs en bio sont différents : les critères de sélection génétique n’en tiennent peut-être pas encore suffisamment compte.

Niveau génétique et effet troupeau lait des troupeaux bio
en écart à l’ensemble des troupeaux de la même race (données 2014)

Source : projet GenAB

 

Reproduction

Dans les élevages laitiers bio qui pratiquent l’insémination artificielle (IA), les choix des taureaux d’IA ne sont pas très différents de ceux pratiqués en moyenne par les éleveurs laitiers : les taureaux choisis sont souvent des taureaux confirmés, un tout petit peu moins laitiers mais avec de meilleurs taux, et des index fonctionnels semblables. Les élevages bio se distinguent en revanche par des choix de races différents et davantage de croisements (comme déjà vu dans le paragraphe « choix des races »).

Bien que l’insémination artificielle reste majoritaire dans la conduite de la reproduction en élevage laitier, le recours à l’IA est en moyenne un peu moins important et un peu moins systématique en bio. On compte moins d’élevages bio qui pratiquent 100 % d’IA sur leur troupeau et la monte naturelle reste plus répandue en bio. En 2014, les semences sexées ont été utilisées essentiellement pour l’IA des génisses. En bio, 24 % des génisses inséminées l’ont été avec de la semence sexée, contre 37 % de l’ensemble des génisses laitières en France.

Répartition des élevages par classe de pourcentage de veaux nés d’IA (données 2014)

Source : projet GenAB

Les croisements effectués en élevage laitier sont proportionnellement plus nombreux en bio. En bio, 10 % des IA de vaches Prim’Holstein se font en croisement laitier, contre 1 % sur l’ensemble des 2,2 millions de vaches Prim’Holstein inséminées en France. Les vaches croisées élevées en bio le sont à 77 % pour du croisement laitier (vache croisée avec une autre race laitière) et à 23 % pour du croisement viande (vache croisée avec un taureau de race allaitante pour la production de viande). Les croisements se font donc souvent dans un objectif de renouvellement du troupeau laitier.

En ce qui concerne la fertilité, de meilleurs résultats sont démontrés en bio dans le cas de premières IA fécondantes (cela représente une amélioration de 5 % du taux de réussite des premières IA en vaches, toutes races confondues).

Pourcentage de premières IA fécondantes (données 2014)

Source : projet GenAB

Quant à la conduite des vêlages, elle suit globalement la même saisonnalité que dans l’ensemble des élevages laitiers, avec 70 % de vêlages étalés.

Conduite des vêlages en bio en 2014

Source : projet GenAB

 

Pour s’adapter à la conduite en bio, les éleveurs laitiers se définissent des objectifs qui se traduisent par des choix de races différents, des mélanges de races dans les troupeaux, et une pratique du croisement plus développée. On constate ainsi plus de diversité génétique pour les élevages laitiers bio. Par ailleurs, les choix de taureaux sont globalement les mêmes qu’en conventionnel mais il n’est pas possible via cette étude de déterminer s’il s’agit d’une conséquence des caractéristiques des taureaux disponibles sur le marché ou bien d’un choix réel en termes d’objectifs.

 

Les résultats détaillés de cette étude sont disponibles sur le site de l’ITAB.

Contacts

ITAB (Antoine Roinsard) : antoine.roinsard[at]itab.asso.fr

 

IDELE (Jean Guerrier et Pascale Le Mezec) : jean.guerrier[at]idele.fr – pascale.lemezec[at]idele.fr