Lettre de conjoncture 2023 Grandes Cultures Bio

Publié le : 21 mai 2024

Eléments de contexte 2023 : préambule

Face à une inflation alimentaire de + 8% en un an en novembre 20231, et de +12% en 20231 les Français ont considérablement réduit leurs dépenses alimentaires afin de préserver leur budget (-10% en volume en deux ans entre 2021 et 2023). « Les ménages ont réduit les quantités consommées, changé de gamme de produits ou diversifié les magasins pour leurs courses alimentaires » indique l’INSEE.

 

1 INSEE – Indice des prix à la consommation – Base 2015 – Ensemble des ménages – France – Alimentation

Le marché du bio, dans ce contexte, est impacté lui aussi. D’une valeur de 12 milliards d’euros en France en 20212, il est en recul de -4,6% par rapport à 2022. Les volumes de produits bio achetés ont quant à eux baissé de -8% en deux ans entre 2021 et 2023. La part des produits bio dans le panier des ménages est en baisse (6% en 2022 vs 6,4% en 2021).
Cependant, même si le marché bio est touché par l’inflation (+4% en 20223), il l’est moins que le marché non bio (au 1er semestre 2023 en GMS, +7% produits bio vs +12% produits non bio4). L’inflation n’est pas le seul facteur explicatif du recul du marché du bio.

 

2 Agence Bio, les chiffres du bio, panorama 2022
3 ANDI
4 Agence Bio, 3èmes Rencontres des Grandes Cultures bio

Le baromètre des produits biologiques en France en 20225 montre, d’une part, que les convictions des Français quant aux qualités environnementales des produits bios sont en recul par rapport aux précédentes éditions du baromètre et d’autre part, que les labels axés sur l’origine France et le local sont les grands gagnants de la confiance des consommateurs. Un déficit de communication et d’information aux Français à l’égard des produits bio ces dernières années constitue probablement un autre facteur explicatif de ce recul du marché du bio.

5 Baromètre des produits biologiques en France, 2022 – Agence Bio – ObSoCo

 

Synthèse

En synthèse : un marché du bio en recul depuis deux ans, en lien avec :

  • un recul général de la consommation alimentaire des ménages dû à l’inflation
  • une dégradation de la connaissance de l’impact environnemental et sanitaire de l’AB chez les consommateurs, probablement due à un manque de communication régulière ces dernières années
  • la concurrence des labels « origine France » ou « local »

La production de grandes cultures bio en France

Chiffres-clés de la production bio en France en 2022
10,7% de la surface agricole française totale est cultivée en Agriculture Biologique en 2022, représentant 2,88 millions d’hectares (certifiés + conversion), soit + 3% par rapport à 2021 (après +10-12% en 2020 et 2021). On note un ralentissement des surfaces en 1ères années de conversion (-40% en 2022). Le cap des 60 000 fermes engagées en tout ou partie en AB a toutefois été franchi en 2022.

Chiffres-clés de la production de grandes cultures bio en France en 2022
Les grandes cultures bio représentent 27% de la SAU bio française, soit 780 000ha, et 6,9% des surfaces de grandes cultures françaises. Cette surface de grandes cultures bio a fortement progressé en 6 ans et a continué de progresser légèrement en 2022 (+4,4%). Cependant, la SAU de grandes cultures bio en conversion est en nette diminution en 2022 : -37% par rapport à 2021 (et -59% pour les surfaces en 1ère année de conversion).

Conjoncture Grandes Cultures bio 2023

Les régions françaises comptabilisant les plus grandes surfaces de grandes cultures biologiques sont : l’Occitanie (Gers et Haute-Garonne notamment), la Nouvelle-Aquitaine (Vienne et Deux-Sèvres notamment), la Bourgogne-Franche-Comté (Yonne et Côte d’Or notamment), le Grand- Est et les Pays de la Loire.

Conjoncture GC bio 3

A fin août 2023, l’Agence Bio faisait état d’un solde à l’équilibre entre « nouveaux engagements » et « arrêts » des exploitations en grandes cultures bio (507 nouveaux versus 503 arrêts). Les chiffres à fin décembre 2023 ne sont pas encore disponibles mais risquent de déboucher sur un solde négatif, une grande part des arrêts étant déclarés en fin d’année. A
noter que le terme « arrêts » recouvre différents cas de figure : des retours au conventionnel (40%), des arrêts d’activité agricole de l’exploitation (30%) et enfin des arrêts administratifs (30%) dus par exemple à des changements de statut, d’OC etc. pour lesquels dans la quasi-totalité des cas l’engagement en bio est maintenu.

Conjoncture GC 4

Synthèse :

  • Les grandes cultures bio françaises = 27% de la SAU bio française et 6,9% de la SAU de grandes cultures françaises ; = env. 10 000 exploitations
  • Forte progression des surfaces de GC bio ces dernières années, qui s’atténue depuis 2 ans (recul des surfaces en conversion)
  • Un développement important dans le Sud-Ouest, et également Nord Loire (Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Pays de la Loire…)
  • Un solde entre « nouveaux engagements » et « arrêts » d’exploitations en grandes cultures bio à l’équilibre à fin août 2023, qui sera probablement négatif à fin décembre 2023

Bilan de campagne 2022/23

Bilan agroclimatique

  • L’automne particulièrement doux et modérément arrosé a permis une bonne implantation des céréales à paille dans l’ensemble.
  • L’hiver doux et sec, ne rechargeant pas les nappes phréatiques, a généré un déficit hydrique dans bon nombre de régions.
  • Le printemps a été marqué par des pluies irrégulières et, en avril dans la moitié Nord de la France, par des températures fraîches compliquant les semis de printemps dans la plupart des régions (fenêtres de tir courtes, retard à la levée…)
  • Des conditions échaudantes en fin de cycle

Récolte et rendements6

  • Des rendements bons à moyens ; une teneur en protéines moyenne satisfaisante (11%) mais une forte hétérogénéité selon les régions ; un PS moyen très satisfaisant (77 kg/hl)
  •  Des bons rendements en Bourgogne-Franche-Comté, dans le Centre, Nord-Est et le Sud-Ouest de la France, malgré des récoltes compliquées dans la moitié Nord de la France (en raison des pluies de mi-juillet
  • Des récoltes moyennes, plus difficiles et tardives en PACA, due notamment aux pluies importantes à floraison (-20 à -25% de rendements en blé tendre et blé dur par rapport aux 5 dernières années en PACA selon Arvalis)
  • Une qualité parfois en-dessous de la moyenne nationale dans l’Ouest, le centre, le Nord de la France (1/3 des orges brassicoles déclassé en raison du taux de protéines dans le Grand-Est)

Conjoncture GC 5

 

6-7 Arvalis –Bilan de campagne 2022/ 2023 – céréales à paille – tour de France – partage en groupe bio Intercéréales-Terres Univia + enquête réseau Fnab 2023

Bilan agroclimatique

  • L’automne doux a été favorable à l’implantation du colza et des protéagineux d’hiver dans le Centre-Ouest et le Sud-Est grâce à des précipitations correctes ; la situation a été plus compliquée dans le Sud-Ouest à cause du sec.
  • Les pluies irrégulières de printemps ont compliqué certains semis de printemps (retard de semis de tournesol dans l’Ouest à cause des pluies, manque d’eau à la mi-printemps dans d’autres régions…)
  • Un déficit hydrique précoce et une fin de cycle chaude et sèche, particulièrement dans le Sud-Ouest, ont pénalisé croissance et/ou rendement
  • Niveau ravageurs/ maladies : des dégâts d’oiseaux sur tournesol et une pression limace importante dans la moitié Nord de la France au printemps. Sur soja, grosse inquiétude dans le Sud-Ouest, notamment dans le Gers, en raison des ravages de la pyrale du haricot (nombreuses parcelles non récoltées, y compris parcelles irriguées). Année à sclérotinia sur tournesol dans le Centre-Ouest. Problèmes d’altises sur moutardes en Charente.

Récolte et rendements8

> Colza : des rendements moins bons qu’en 2022 mais qui restent corrects dans le Centre-Ouest. Rendements également corrects dans le Sud-Est, dans les Hauts-de-France ; plus faibles en revanche dans le Sud-Ouest
> Tournesol : une bonne année pour le tournesol globalement, un peu plus mitigé dans le Sud-Ouest
> Soja : une bonne année pour le soja, sauf pour les parcelles non récoltées dans le Sud-Ouest (cf. problème de pyrale ; des arrêts de production à prévoir en 2024)
> Féverole / pois : une bonne année dans le Centre-Ouest, hétérogène dans
le Nord-Est (selon températures échaudantes et retour des pluies)
> Légumes secs (lentilles, pois chiches) : résultats hétérogènes selon les régions. Corrects : en AuRA, Charente (lentilles), Occitanie (pois chiche).
Mauvais : dans les Hauts-de-France (lentilles), Occitanie (lentilles, problèmes de verse, de bruche et de fin de cycle chaude)
> A noter enfin en PACA le problème du phytonome de la luzerne.

Conjoncture GC 6

8-9 Terres Inovia – Bilan de campagne 2022 Oléoprotéagineux – partage en groupe bio Intercéréales-Terres Univia + enquête Fnab 2023

Bilan agroclimatique

  • Des chantiers de semis perturbés par le printemps froid et les pluies
  • Des dégâts d’oiseaux dans la moitié Nord de la France
  • Des conditions climatiques de juin favorables au désherbage mécanique
  • Pas de stress hydrique
  • Des pluies qui ont retardé les chantiers de récolte

Récolte et rendements

Des bons, voire très bons rendements en sec comme en irrigué, dans la grande majorité des régions, pour ce qui a pu être récolté. Début décembre, du maïs encore sur pied non récolté dans les Hauts-de-France et en Normandie.

Synthèse

  • Bons rendements pour les céréales à paille, avec une teneur en protéines satisfaisante en moyenne mais qui cache de fortes disparités entre régions
  • Bons rendements en tournesol, soja ; un peu plus mitigés dans le Sud-Ouest (fin de cycle chaude, sèche et problème de pyrale)
  • Résultats en pois/ féverole corrects à bons
  • Résultats légumes secs hétérogènes selon les régions
  • Bons à très bons rendements en maïs

Conjoncture marché des grandes cultures bio

La collecte nationale de blé tendre bio est en forte croissance depuis 2016.

Conjoncture Grandes cultures bio

Données partagées en groupe bio Intercéréales-Terres Univia

La France est passée d’une situation de « dépendance » (43% du blé tendre bio importé en 2016/17) à « l’autonomie » (2% du blé tendre bio importé en 2022/23). On remarque depuis 2 ans des stocks qui s’alourdissent et qui pèsent sur les marchés (+15% de stock prévisionnel final au 30/06 entre 2021/22 et 2023/24).

Conjonctures Grandes Cultures 8

Données partagées en groupe bio Intercéréales-Terres Univia

 

 

Des débouchés à l’export ont été trouvés par les opérateurs en 2022/23(+65% par rapport à 2021/22).
Les utilisations du blé tendre bio (hors déclassements), pourtant multipliées par 2 en 7 ans, ne suivent pas la collecte. On note des utilisations en baisse ces deux dernières années (entre 2021/22 et 2023/24) pour la meunerie (-14%) et pour la vente directe (-15%)

En 2023/24, en raison du marché saturé, la part de déclassement de la récolte en conventionnel pourrait atteindre 15% de la collecte (+150% entre 2022/23 et 2023/24).

Conjoncture GC 9

10 Données France Agrimer, Données économiques sur la filière des céréales biologiques / Bilans prévisionnels.
* pour 2023/24 : estimation sur base des données disponibles au 01 septembre 2023

Données partagées en groupe bio Intercéréales-Terres Univia

Ce phénomène ne se limite pas au seul marché du blé tendre bio.
La collecte globale nationale de grandes cultures bio a été multipliée par 3 en 5 ans, avec une progression irrégulière due à l’effet rendement. Le seuil de 1 million de tonnes de grandes cultures bio récoltées a été franchi en 2021.

Conjoncture GC 10
11 Intercéréales – Terres Univia – 3èmes Rencontres des Grandes cultures Bio – session Marché

Cependant, 100 000 tonnes risquent d’être déclassées en 2023/2024, principalement les céréales. En effet, outre les baisses d’utilisation en meunerie évoquées plus haut, la demande en grandes cultures bio pour l’alimentation animale est également en baisse depuis 2 ans (-18%), en répercussion des difficultés rencontrées par ces filières animales bio. Pour rappel, la fabrication d’aliments pour animaux (poules pondeuses, poulets et porcs principalement) et la meunerie représentent respectivement les 1ers et 2èmes postes d’utilisation des grandes cultures bio.

Conjoncture GC 11

 

Des données d’un observatoire de prix d’Arvalis13 montrent un écart de prix important entre grandes cultures bio et conventionnelles jusqu’en 2022. En 2022, on constate sur le blé tendre un rapprochement entre le prix du bio (en baisse) et du conventionnel (en hausse, du fait d’une forte demande face à une offre plus étroite (cf. conflit en Ukraine et peur des marchés), cumulées à la hausse des prix de l’énergie, des intrants et du fret). Mais le prix des autres grandes cultures bio ayant progressé, cela a permis, à l’échelle des fermes bio, dans certaines situations, de maintenir les résultats économiques.

En 2023, la conjoncture s’annonce plus difficile, tant en bio qu’en conventionnel, du fait, d’une part du poids des stocks bios pour la 2ème année consécutive et d’une demande peu dynamique en bio, et d’autre part, d’un risque « Ukraine » moindre, de volumes de blé russe et ukrainien disponibles pour l’exportation, et d’une bonne récolte 2023 qui pèsent sur les prix du conventionnel.

 

Les informations remontées à travers le réseau Fnab confirment des prix prévisionnels pour la récolte 2023 historiquement bas pour les céréales, y compris fourragères, revenant à des niveaux d’avant 2016. Les premiers retours du terrain annoncent des baisses de prix par rapport à 2022 de l’ordre de -100€/t pour le blé meunier, soit des perspectives de prix définitifs départ ferme compris entre 250 et 350€/t. Les agriculteurs n’ayant pas contractualisé avec leur OS ne trouvent parfois pas d’acheteurs, même à ces prix, et sont contraints de stocker à la ferme, lorsqu’ils en ont la possibilité.

Des incertitudes demeurent d’une part sur le tournesol avec une demande présente mais une offre importante, et d’autre part sur le soja pour l’alimentation animale, avec une demande également présente mais une forte concurrence des imports de tourteaux de soja, moins chers que l’origine France.

Les protéagineux (féverole, pois protéagineux) sont toujours recherchés par les fabricants d’aliments, les cours ne devraient pas subir de baisse pour la récolte de l’été 2023.

Enfin, les cultures de lentilles, pois chiches, lin ou sarrasin sont toujours demandées.

Une remontée des prix départ ferme pour la récolte 2022 et des 1ers acomptes versés pour la récolte 2023, pour les principales grandes cultures bio, a été réalisée au sein du réseau Fnab. 9 régions ont participé. En guise de synthèse, le tableau ci-dessous présente les moyennes nationales recueillies. A lire et interpréter comme des « tendances », la méthodologie de collecte et d’analyse restant à consolider.

Conjoncture GC 13

 

13 Arvalis- Observatoire prix Arvalis à partir de données OS

Synthèse

  • Marché du blé tendre bio : une collecte supérieure aux utilisations depuis 2 ans, contexte de surproduction, stocks lourds qui pèsent sur les marchés. Part de déclassement – inédite – prévue pour 2023/24 = 15% de la collecte.
  • Marché des autres céréales bio sur la même tendance, souffrant de la baisse de la demande en alimentation animale et en meunerie
  • Des prix historiquement bas pour les céréales pour la récolte 2023/24
  • Des incertitudes sur les prix 2023/24 pour le tournesol et le soja (pour AA)
  • Des protéagineux, légumes secs et quelques autres cultures de niche (lin, sarrasin) toujours recherchés

Contact : Catherine Golden, chargée de mission Grandes Cultures à la FNAB, cgolden@fnab.org