Les Greniers Bio d’Armorique : des producteurs de céréales bio se réapproprient leurs filières dans l’Ouest

Publié le : 6 février 2017

Dans le contexte de changement d’échelle de la bio, notamment en grandes cultures, les producteurs s’interrogent sur la valorisation de leur production. L’ association « les Greniers Bio d’Armorique » (GBA),  créée en 2005 pour fournir localement des céréales bio pour l’alimentation humaine en Bretagne et Pays-de-la-Loire, travaille à structurer des filières « justes » garantissant une valeur ajoutée acceptable.

Les Greniers Bio d’Armorique rassemblent début 2017 une quarantaine de producteurs bio, qui produisent pour les GBA 750 tonnes de céréales (avoine nue, blé, orge, seigle et sarrasin – ou blé noir). Pour collecter, stocker et transformer ces céréales, les GBA travaillent avec deux partenaires de la région. D’autres projets sont en cours, pour se doter de leur propre unité de stockage et développer de nouvelles filières. Ils sont accompagnés par Agrobio 35 pour l’animation du collectif, et par la FRAB Bretagne pour la communication à l’extérieur.

Un partenaire transformateur bio régional : Céréco

Tout le volume actuel traité par les GBA est vendu à Céréco, qui produit des céréales pour le petit déjeuner et les commercialise dans toute la France, notamment via le réseau Biocoop. Les GBA ne sont pas les seuls fournisseurs de Céréco, qui s’approvisionne auprès d’autres coopératives sur plusieurs bassins de production, en France et à l’étranger.

C’est un partenariat gagnant-gagnant pour Céréco et les GBA. Céréco est intéressé par l’engagement des producteurs, et par l’approvisionnement local qui correspond à leur objectif. Les GBA demandent à leurs adhérents de fournir si possible une 2e céréale en plus du blé, comme l’avoine et le seigle, pour répondre aux besoins de Céréco.

L’histoire de Céréco

En 1989, Gérard Le Goff, agriculteur bio à Domagné (35), commence à fabriquer du muesli bio dans son four à bois, avec un associé. En 1991, il crée la structure Grillon d’Or pour s’y consacrer à plein temps. En 2000 celle-ci devient Céréco. Elle emploie 140 salariés en 2017.

Une contractualisation pluriannuelle des prix

Les GBA ont passé avec Céréco un contrat d’engagement sur plusieurs années. Il permet de lisser les prix, d’éviter les fortes variations et la dépendance aux prix d’import. L’idée est d’avoir une fourchette de négociation : « Lorsqu’il y a une mauvaise récolte et un manque de produit comme cette année, le prix est en haut de la fourchette pour compenser les faibles volumes, et les années où la récolte est bonne, on accepte un prix en bas de la fourchette. Cela permet de maintenir un prix moyen satisfaisant sur plusieurs années, de ne pas passer son temps à négocier, et d’avoir un revenu satisfaisant tous les ans. Mieux vaut gagner correctement sa vie tout le temps que la gagner très bien une année et très mal l’année suivante ! » confie Michaël Renoult, le président des GBA. « Et si les transformateurs savent à combien ils vendent en rayon, ils peuvent fixer un prix d’achat ! « 

Un partenaire collecteur : la SA Pinault

Les GBA travaillent avec la SA Pinault pour collecter, stocker, trier, nettoyer et livrer leurs céréales, afin d’obtenir un produit vendable au transformateur. La SA Pinault paye les céréales directement au producteur, en déduisant le coût de sa prestation logistique (50 € par tonne).

Un projet d’unité de stockage … et un changement de statut

La SA Pinault manque cependant d’infrastructures de stockage. En Bretagne, le besoin de stockage est estimé à 10 000 tonnes supplémentaires. Les GBA ont donc le projet d’investir dans leur propre unité de stockage (2500 tonnes environ, opérationnelle en 2018), complémentaire de leur partenariat avec la SA Pinault. Cet outil leur permettra également de gagner en autonomie dans la vente de leur production et le choix de leurs acheteurs.

Si le statut d’association permet aux GBA de stocker les céréales de leurs adhérents, ils devront, pour stocker pour d’autres agriculteurs, être agréés Organisme Stockeur (OS). Cela leur permettrait de payer directement les producteurs et d’accéder à des prêts annuels à court terme de FranceAgriMer. Ces avances de trésorerie sont indispensables pour payer les producteurs rapidement après la récolte, et pouvoir attendre la période la plus favorable pour vendre les céréales collectées.

Nouvelles filières en projet : sarrasin et chanvre

Ce futur silo permettra notamment de développer de nouvelles filières, pour diversifier les débouchés des GBA : oléagineux (cameline, tournesol, soja), chanvre, sarrasin. Cela suppose la mutualisation d’outils de production ou de transformation et des rotations adaptées.

Pour l’instant, deux projets sont en cours de construction avec des partenaires : pour le sarrasin, transformé en farine ; et le chanvre, avec transformation des graines en huile pour l’alimentation humaine, et valorisation de la paille. Afin de relancer la production de chanvre par leurs adhérents, les GBA ont créé une CUMA en 2016 pour mutualiser l’achat d’un outil de séchage du chanvre. Beaucoup de producteurs avaient en effet cessé la production à cause des contraintes et du coût lié au séchage.

Pour ces nouvelles filières, les GBA souhaitent payer directement les producteurs. Ils envisagent 2 options : soit les GBA créent leur filière et vendent à leur nom, le transformateur étant leur prestataire ; soit ils vendent à un transformateur qui vend sous sa marque propre.

Les projets des GBA grâce à leur future unité de stockage : Faire les autres filières tous seuls, on apprend le métier petit à petit, et cela nous ouvre des portes sur 15-20 ans. Et pourquoi pas embaucher quelqu’un d’ici quelques années.

On veut rester proche des agriculteurs, et aller vers les filières de «niche». On ne compte pas notre temps pour l’instant, quand on est une petite structure, on a plusieurs casquettes mais on est plus efficace.

Michaël Renoult, président des GBA

Doubler les volumes en 2 ans, mais rester une structure à taille humaine

Les GBA refusent aujourd’hui des demandes de transformateurs qui veulent des céréales. La future unité de stockage permettra d’accroître les volumes collectés, notamment auprès des nombreux producteurs qui se sont convertis en 2015-2016 (les récoltes des surfaces converties seront bio en 2018). Les GBA envisagent de doubler leur activité, en passant de 750 à 1500 tonnes.

Les GBA souhaitent rester une structure de taille modeste, où les agriculteurs conservent un pouvoir de décision : « Le jour où on doit embaucher un directeur, c’est que l’on devient trop gros. » souligne Michaël Renoult. L’idée est de reprendre les principes de création des premières coopératives agricoles, en évitant de tomber dans les mêmes travers que les coopératives conventionnelles, qui ont grossi et se sont rachetées entre elles, et où les dirigeants se sont éloignés de la base des producteurs.

Si les GBA décident d’augmenter encore leur capacité de stockage, ils créeront plutôt un deuxième silo ailleurs afin de drainer les productions d’une autre zone.

Car la gestion du séchage et du stockage par les producteurs permet de maîtriser la qualité des produits vendus, et donc de ramener du pouvoir de négociation ou de la valeur ajoutée aux paysans. Une expérience à suivre !