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Christine et Francis CHAIX, éleveurs de volailles et arboriculteurs bio à Manosque (04), combinent verger et volailles sur un même îlot. Une manière de faire des économies et d’assurer une production plus importante à l’hectare.
La présence de plusieurs ateliers et activités indépendants (élevage, verger, accueil à la ferme) les uns des autres contribuent fortement à la résilience économique de la ferme. La combinaison des ateliers d’élevage et de verger a plusieurs avantages : les bénéfices sanitaires sur le verger (diminution du carpocapse, de la mouche de la pêche) et sur les volailles (calmes, moins exposées aux intempéries), mais aussi les économies de charges pour l’entretien de l’enherbement du verger, la lutte phytosanitaire et l’alimentation des animaux.
L’autonomie alimentaire très faible sur la ferme, qui produit 8,7 5t d’aliments et en achète 40 t, la rend dépendante d’intrants extérieurs, aux prix volatiles. Les producteurs, arboriculteurs avant tout, soulignent que l’élevage est une activité bien différente, d’où leur choix d’acheter l’alimentation plutôt que de consacrer du temps et des savoir-faire à la produire. L’autonomie pourrait être renforcée en complétant la rotation engagée sur les 7 ha de parcelles de plaine, aujourd’hui découpés en 3,5 ha d’engrais vert et 3,5 ha de céréales. Un pois ou une féverole à graine dans l’assolement rapprocherait de l’autonomie alimentaire, à moindre coût économique et climatique. Une rotation à deux cultures, triticale et légumineuse (pois ou féverole, intéressantes pour l’alimentation animale, nécessitant peu d’énergie pour la production)(1), et un engrais vert serait envisageable.
Installés sur 30 ha à Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, Christine et Francis CHAIX associent sur le même foncier un atelier d’arboriculture à un atelier d’élevage de volailles, suscitant ainsi des interactions entre ces productions. En agriculture biologique depuis 1996, ils cultivent pommes, abricots et pêches et élèvent des volailles de chair (pintades, oies et poulets) vendues en direct à la ferme, via des AMAP et à un magasin de producteurs.
Les vergers sont enherbés, irrigués à 100 %, de manière gravitaire pour les pommiers et par aspersion sous frondaison pour les fruitiers à noyau (40-50 mm tous les 10 jours, de juin à septembre, soit 360 mm). La fertilisation apportée provient des bâtiments d’élevage à raison de 800 kg/ha de fumier pailleux composté de fientes de volailles.
Les volailles disposent d’un parcours de 2 ha de vergers.
L’élevage de volailles se résume à 3-4 bandes par an, de 3 mois chacune, suivies de deux mois d’abattage et 3 mois de vide sanitaire. Les poussins arrivent à un jour et sont élevés en poussinière où ils restent jusqu’à un poids d’1,8 kg et sont ensuite en poulailler et parcours de vergers jusque 4 kg.
L’alimentation des poulets est composée de triticale cultivé sur 3 ha de la ferme et d’aliments spéciaux (40 t/an). Trois autres hectares sont couverts d’un engrais vert de vesce/avoine. Ils assurent la rotation avec la culture de triticale.
L’alimentation des volailles est complétée par les apports, estimés à 2 kg/poulet, du parcours et du verger : fruits laissés au sol, insectes, feuillages. Le verger est pâturé par les volailles plutôt que d’être tondu.
Les volailles assainissent le verger et le verger protège les volailles.
En consommant les fruits pourris et les larves d’insecte après la récolte, les volailles participent à la régulation de la pression phytosanitaire. D’après l’agricultrice, le recours aux produits phytosanitaires est dès lors moins important. Moins soumises aux excès climatiques (froids et chauds) et protégées des rapaces par le verger, les volailles sont plus calmes et plus résistantes aux maladies.
L’alimentation qu’apporte le verger améliore la qualité gustative des volailles.
Pour comparer les modèles, sur une base de 2,5 ha, on considère :
Système élevage/verger | Système élevage seul | Système verger seul | |
Fertilisation | Fumier composté de fientes produit sur place Achat de paille |
Aucune fertilisation Fumiers à évacuer |
Achat de fumier bovin : 20 t/ha |
Lutte phytosanitaire |
Contre carpocapse : Bacillus thuringiensis 2 passages sur pommier, 1 passage sur pêchersContre puceron cendré : 2 passages argile calcinée 50 kg/ha |
Aucune | Contre carpocapse : Bacillus thuringiensis 2 passages sur pommier, 1 passage sur pêchersContre puceron cendré : 2 passages argile calcinée 50kg/ha |
Gestion de l’enherbement |
Passage volailles + 2 fois gyrobroyage bois de taille |
Pas d’enherbement | 2 tontes par an + 2 fois gyrobroyage bois de taille |
Alimentation des volailles |
Pour 3000 poulets/an Herbe, fruits et grains (10 kg/ poulet soit 20 t achetées) |
Pour 3000 poulets/an Herbe et grains (11 kg/poulet) soit 22 t achetées |
Aucune |
Rendement | Fruits 38 t / Viande 12 t | Viande 12 t | Fruits 47,5t |
Chiffre d’affaires |
Fruits : 61 600 euros (perte 5 %, 1,80 euros/kg pomme ; 3,80 euros/kg pêche) + Viande : 38 580 euros (12,86 euros/poulet)
Total : 118 760 euros |
Viande : 38 580 euros (12,86 euros/poulet) | Fruits : 100 180 euros (perte 5%, 1,80 euros/kg pomme ; 3,80 euros/kg pêche) |
La double activité de la ferme est très prenante. L’attention apportée à l’élevage est quotidienne et à la conduite des vergers étalée sur l’année. Par ailleurs, ses bons résultats permettent d’alléger la charge de travail en recrutant plusieurs personnes.
Note de 1 à 4 donnée par l’agriculteur sur la qualité de travail* :
* (Pénibilité du travail (1: très pénible -> 4: pas du tout pénible) – Stress (1: très stressant -> 4: pas du tout stressant) – Week-end / Vacances : (1: peu de vacances -> 4 : vacances normales) -Lien social (1 : faible -> 4 : très bon) – Résilience : (1 : faible -> 4 : très bonne))
L’électricité représente 31 % de l’énergie consommée, notamment pour l’irrigation et les chambres froides. L’achat de nourriture, important, représente 30 % des énergies consommées pour sa fabrication. Le fioul représente seulement 20 % des consommations d’énergie.
La ferme émet peu de GES/ha par rapport aux élevages de volailles capitalisés dans la base Dia’terre®. Les 15 ha de collines diluent les émissions par deux à l’échelle de l’exploitation, mais les émissions restent faibles (2,4 t CO2/ha) si ces surfaces sont retirées du calcul. Les émissions sont alors légèrement plus importantes que pour la moyenne des émissions des 11 exploitations arboricoles. Toutefois, la forte présence de milieux naturels (collines) et de surfaces enherbées permet de stocker plus de 16 t de carbone par an, ce qui compense pour plus d’un tiers le bilan GES. La fabrication des aliments compte 30,6 tonnes de CO2 émises : c’est une part importante du bilan brut (53,48 tonnes).
Les émissions nettes de GES par hectare sont supérieures pour le système enquêté car combiner arboriculture et élevage de volailles sur un même espace intensifie le système et augmente les émissions de GES par unité de surface. Il est plus pertinent de regarder les émissions de GES nettes par tonne de fruits et viande produites et pour 1 000 euros de chiffre d’affaires. Dans ce cas, le système combiné émet 4 fois moins que le système unique d’élevage mais 20 fois plus que le système unique arboricole, qui émet très peu. Il émet donc environ moitié moins que la moyenne des deux systèmes séparés : il est dès lors plus intéressant pour le climat de fusionner ces deux systèmes sur un même espace plutôt que d’avoir deux exploitations distinctes.
A rendement égal, élevage et verger combinés émettent deux fois moins de GES que séparément.
Retrouvez d’autres témoignages, pratiques et innovations de producteurs et productrices en faveur du climat au sein du tome 2 du recueil « L’agriculture biologique s’engage pour le climat ».
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