Le tout à l’herbe en lait bio

Publié le : 8 février 2022

Un exemple de pratique innovante favorable au climat

Hervé LOURY est éleveur bovin laitier bio à Vitré (35), sur 75 ha de prairies. Il a modifié son système pour être tout à l’herbe, avec des apports de son de blé. L’investissement dans un hangar à foin l’affranchit des contraintes climatiques pour la fenaison. Enfin, il travaille à améliorer la valorisation de son lait, en direct notamment.

Chiffres clés

  • SAU : 75 ha en prairies
  • Cheptel : 75 vaches laitières
  • UTH : 4 (Hervé, 2 vendeurs, 1 ouvrier pour la traite)
  • Chiffre d’affaires : 282 410 euros – Faible dépendance aux aides (21 % du CA)
  • Production : 482 126 litres de lait par an – 6000 à 6500 litres/vache

Résilience de la ferme

La ferme d’Hervé tire sa résilience de l’autonomie alimentaire.

Il produit 100 % de l’herbe consommée. Des aléas climatiques peuvent faire varier la production annuelle, mais la production de l’herbe coûte peu, nécessite peu d’intrants, de matériel et de temps de travail. Une année moyenne pour la production de foin est donc moins délétère qu’une mauvaise récolte de maïs ou de céréales, qui auront nécessité plus d’investissements pour être produits.

De plus, avec le bâtiment de séchage du foin, Hervé s’affranchit de la dépendance aux fenêtres climatiques favorables pour la fenaison. L’influence du climat est ainsi réduite.

La résilience s’exprime aussi via le circuit de commercialisation. Tout le volume n’est pas consacré à la laiterie et 25 % font l’objet d’une bonne rémunération qui limite l’influence des variations du marché du lait sur la stabilité financière de sa ferme. De manière générale, des systèmes de production à bas intrants et sans trop d’investissement sont moins soumis à la pression des variations des prix du marché.

Zoom sur le système

Du son de blé, de la paille et pas d’autres intrants.

Vaches laitières d'Hervé Loury

©FNAB

Hervé a repris la ferme familiale en 1990. Le système de production intensif, sans autonomie tant pour l’alimentation des animaux que pour la vente du lait, ne lui convenant pas, il a choisi de convertir sa ferme à l’agriculture biologique en 1997, de mettre 100 % de ses surfaces à l’herbe et d’abandonner le maïs ensilage, les compléments alimentaires et la betterave. Aussi n’achète-t-il plus que de la paille pour la litière et 27 tonnes de son de blé.

Une vache par hectare, pour une autosuffisance en herbe.

Les prairies sont pour 2 ha permanentes, les autres ont été semées de 40 % de légumineuses et 60 % de graminées. Les 3 ha semés le plus récemment sont de 2016. 55 ha sont consacrés au pâturage et les 20 ha restants sont utilisés pour la fauche. Pour faciliter le séchage, le foin est installé dans une grange de 600 m2 équipée d’un système d’aération et d’un déshumidificateur.

Avec cet équipement, Hervé est indépendant de la météo. L’équipement lui permet de souffler de l’air sec froid ou chaud sur le foin. En fonction des années, il lui arrive de vendre l’excédent de foin ou d’en acheter en complément. Le foin sert à l’alimentation des vaches de novembre à mars lorsque les vaches sont en stabulation.

« La vache est faite pour manger de l’herbe, mettez-la dans un champ de maïs : elle ne mangera rien. »

Hervé explique qu’avec un système d’alimentation au maïs, il faut compter un hectare de maïs pour 3 ha de soja du Brésil. Le soja est adjoint broyé à l’ensilage, après avoir été traité à la soude pour séparer l’huile de ses protéines qui sont ensuite chauffées. Un système dans lequel il ne se reconnaît pas.

La vente directe permet de communiquer sur la qualité du lait.

Le lait produit est vendu pour 75 % à la coopérative, le tarif étant soumis aux prix du marché (en 2017, lait vendu à un prix de 0,445 euros le litre). Les 25 % restants sont vendus en direct avec une rémunération 77 % supérieure.

Hervé s’est constitué son réseau en commençant par des boulangeries qui utilisent son lait et le vendent en sachets. Aujourd’hui il fournit également des restaurants et des cantines.

16 vaches et 44 veaux sont vendus chaque année. 19 génisses sont envoyées à la naissance chez un éleveur voisin où elles passent 2 ans et reviennent prêtes à vêler.

Le fumier est composté 6 à 9 mois, son jus et les eaux associées aux bâtiments sont épandus sur les prairies, à raison de 12 tonnes/ha sur les prairies de fauche et 5 tonnes/ha sur les prairies pâturées.

Avec le système à l’herbe, l’équipement est simplifié.

L’équipement se résume à un tracteur et le matériel de fenaison (faucheuse autochargeuse qui ramasse directement le foin), ainsi qu’un racleur hydraulique dans la stabulation. L’épandeur à fumier est en CUMA.

Avantages du système

Les deux paragraphes suivants permettent de comparer le système avec la pratique « tout-herbe » de 75 ha et 75 UGB avec un système « type » (cas-type Inosys 2013) composé de 75 UGB, pour 75 ha, dont 59 ha de prairies, 8 ha de maïs, 5 ha de mélange céréalier, 3 ha de céréales immatures.

Cette comparaison considère que l’ensemble du lait est vendu à coopérative. Attention, les références utilisées pour les prix et le calcul des coûts sont de 2017.

Avec la pratique

Séchage en grange chez Hervé Loury

Séchage en grange chez Hervé Loury – ©FNAB

> Des charges en plus

  • Foin (fauche, fanage, andainage, chargement) = 145 euros/ha soit 2900 euros au total
  • Achat 27 tonnes de son de blé (2970 euros/an)
  • Consommation d’électricité plus importante pour sécher le foin : 112 663 kW/an (12 393 euros/
    an)
  • Coût d’investissement : hangar et équipement de séchage 213 000 euros, amortis sur 30 ans = 7100 euros/an

> Des charges en mois

  • Gain de temps avec l’auto-chargeuse et le séchage en bâtiment
  • Absence de cultures fourragères (temps de travail, matériel, semences, intrants)
  • Achat de minéraux et tourteaux de soja : 9885 euros
  • Achat de fumier de volaille : 4000 euros

> Un gain financier

  • Gain brut à la vente : 9345 euros/ha
  • 2,5 m3 en moyenne/arbre, vendus en moyenne 133 euros/m3
  • Coût écimage et abattage 15 à 20 euros HT/m3
  • Gain net à la vente : 6534 euros/ha

> Moins de volume produit

  • 200 litres/VL/an soit 6750 euros = 90 euros/ha/an

> Un gain de temps de travail

Sans la pratique

> Des charges en plus

  • Maïs 8 ha : semences 162 euros/ha + mécanisation 329 euros/ha + temps de travail 8,4 h/ha = 491 euros/ha soit 3928 euros au total
  • Mélange céréalier 5 ha : semences 185 euros/ha + mécanisation 333 euros/ha + temps de travail 7,5 h/ha + fumier 43 euros/ha = 461 euros/ha soit 2305 euros au total
  • Céréales immatures 3 ha : semences 170 euros/ha + mécanisation 290 euros/ha + temps de travail 7,5 h/ha = 460 euros/ha soit 1380 euros au total
  • Ensilage d’herbe 12 ha : mécanisation 16 euros/ha + récolte (fauche, ensilage, tassage) 165 euros/ha + temps de travail 7,5 h/ha = 181 euros/ha soit 2172 euros au total
  • Plus de temps de travail et d’incertitude pour la fenaison
  • Achat correcteur 70 % soja + 30 % colza, 10,5 tonnes/an (9000 euros)

> Des charges en moins

  • Gain de temps pour les fourrages ensilés

Performances sociales

Depuis qu’il a repris la ferme familiale, Hervé ne cesse de parfaire son exploitation sur les plans environnementaux (en adoptant une alimentation cohérente pour ses vaches), économiques (en travaillant sur ses débouchés et ses charges) et sociaux (il a recruté 3 salariés).

« Le travail ne manque pas mais ce n’est pas un problème. La ferme peut tourner sans moi. Je peux
partir en vacances quand je le souhaite. »

Notes de 1 à 4 données par l’agriculteur sur la qualité de travail :

  • Week-ends & vacances : 3/4
  • Pénibilité du travail : 4/4
  • Stress : 4/4
  • Lien social : 4/4
  • Résilience : 3/4

NB : Pénibilité du travail (1: très pénible -> 4: pas du tout pénible) / Stress (1: très stressant -> 4: pas du tout stressant) / Week-end & vacances : (1: peu de vacances -> 4: vacances normales) / Lien social (1: faible -> 4: très bon) / Résilience : (1: faible -> 4: très bonne).

Performances environnementales

Bilan des consommations énergétiques

Total pour la ferme : 20,7 GJ/ha soit 9714 litres de fioul/ha

La consommation globale d’énergie de la ferme est composée à 75 % par l’électricité, en raison du séchage du foin (50 % de cette consommation est compensée aujourd’hui par la production photovoltaïque et Hervé prévoit l’installation d’une éolienne). 7 % correspond à l’achat de son et de paille, 6 % au fioul et gazole (faible consommation du fait notamment de l’utilisation de deux véhicules électriques) et 2 % par les bâtiments et le matériel.

Bilan net gaz à effet de serre (GES)

Total net avec la pratique : 215,8 T de CO2 soit 2,87 T de CO2/ha
Total net sans la pratique : 267,8 T de CO2 soit 3,57 T de CO2/ha

Les émissions de gaz à effet de serre sont identiques pour la ferme d’Hervé et pour la ferme-type pour la fermentation entérique. Elles diffèrent significativement pour la fabrication du matériel et des intrants, quatre fois plus importantes pour le système-type avec des cultures fourragères et elles sont augmentées de presque 4 tonnes pour la consommation de fioul.

Les émissions de CO2 des sols sont aussi supérieures de 9 tonnes du fait des mises en culture. Consécutivement, le stockage de carbone dans les sols est supérieur de 27 tonnes de carbone/an pour le système tout à l’herbe.

La différence entre le stockage et le déstockage du carbone dans les sols montre un bilan net de 65,69 tonnes stockées dans les prairies d’Hervé contre 29,43 tonnes stockées dans les sols de la ferme type.

Indicateurs

  • Potentiel d’atténuation : 0,4 tonne équivalent CO2/ha évitée
  • Indicateur d’intensité énergie : 5,5 GJ/1000 euros de CA
  • Bilan environnemental : 88/100 (note Dialecte)

Ce retour d’expériences est extrait du recueil « L’agriculture biologique s’engage pour le climat » : retrouvez les autres à ce lien. Les enquêtes ont été réalisées en 2017.