Changement climatique : comment sécuriser son système fourrager ?

Publié le : 11 novembre 2020

Le changement climatique est une réalité qui s’est perceptiblement renforcée ces dernières années avec des périodes de sécheresse inhabituellement longues ou encore des canicules répétées. Il amène l’éleveur à 2 réflexions : Comment adapter mon système fourrager aux incidents climatiques de plus en plus fréquents ? Et comment réduire l’impact de mes pratiques sur le réchauffement climatique ? Cette seconde question fera l’objet d’articles spécifiques : pour l’heure, voici quelques pistes visant à conforter l’équilibre fourrager des systèmes d’élevage bio à travers les exemples de 2 fermes bio.

Didier et Alexandre PICHON sont éleveurs laitiers dans le sud de la Dombes (01) et font partie du groupe Dephy Polyculture Élevage porté par l’ADABio dans l’Ain. Le démarrage de leur conversion bio en mai 2017 s’est accompagné d’une hausse de la surface en herbe de la ferme et de la mise en place du pâturage tournant dynamique sur leur troupeau de vaches laitières. Ces mesures ne se sont toutefois pas avérées suffisantes pour pallier le manque d’herbe estival récurrent ces dernières années et les ont amenés à devoir trouver d’autres moyens de renforcer leurs récoltes fourragères. « Nous cherchons depuis 2-3 ans à récolter un maximum de stocks au printemps car les pousses estivales deviennent beaucoup trop aléatoires. En parallèle, pour compenser le manque d’herbe en été, nous avons tenté de diversifier la nature de nos fourrages récoltables sur la période estivale » précise Didier.

Du trèfle violet sous couvert d’un méteil ensilage

C’est ainsi qu’ils ont décidé de semer du Trèfle Violet en même temps que leur mélange de méteil ensilage à l’automne 2017. « Au départ c’était juste pour essayer, on ne savait pas trop ce que ça allait donner ! ». Mais l’expérience s’est avérée concluante. « Notre objectif était de gagner du temps pour avoir une récolte de trèfle violet le plus rapidement possible après notre ensilage de méteil au printemps » complète Alexandre.

« Dans la foulée de notre semis de mélange fourrager Féverole/Pois/Vesce/Avoine début octobre, nous avons donc semé 7 kg de Trèfle Violet à la volée, avec un rouleau à l’arrière du tracteur pour bien mettre les graines au contact de la terre. Le trèfle a levé en même temps que le méteil et il n’a pas été étouffé par celui-ci au printemps suivant malgré une densité de végétation importante (photos 1 et 2). Après l’ensilage réalisé mi-mai, nous avons trouvé que le trèfle a mis un peu temps à repartir, mais malgré un été 2018 extrêmement sec, nous avons réussi à récolter 3 coupes enrubannées entre juillet et octobre pour un total de 2 à 2,5 TMS/ha. Nous avons laissé le trèfle en place l’hiver suivant et l’année 2019 nous a permis de faire 5 coupes au total sur la parcelle avec un rendement de l’ordre de 7 à 8 TMS à l’hectare ».

Cette première réussite a motivé Didier et Alexandre à renouveler l’expérience à l’automne 2018. « Cette fois nous avons monté la dose de semis de Trèfle Violet à 10 kg/ha pour qu’il occupe encore davantage l’espace. Et après l’ensilage du méteil à début mai, nous avons réussi comme en 2018 à faire 3 coupes de Trèfle pour un total de plus de 4 TMS à l’hectare. Ajouté aux 3,5 TMS du méteil ensilé, nous approchons les 8 TMS/ha récoltées sur la parcelle, avec uniquement 25 m3/ha de lisier apporté avant implantation à l’automne. En outre la richesse en protéines du TV est vraiment intéressante pour équilibrer la ration de nos vaches laitières ».

© ADABio
Photo 1 (gauche) : Vue d’ensemble du méteil début mai, juste avant l’ensilage
Photo 2 (droite) : Présence du trèfle violet, sous couvert du méteil

L’expérience du sorgho multicoupes

Toujours dans l’idée de palier au trou d’herbe estival, le sorgho fourrager multicoupes a été introduit dans l’assolement de la ferme. « Nous semons notre sorgho au semoir à céréales courant mai après nos ensilages de méteil, à raison de 22 Kg/ha. Le bilan que nous en tirons est assez mitigé. Les implantations sont compliquées, avec notamment des levées importantes d’adventices. En 2018, malgré un fort déficit hydrique, nous avons réussi à récolter un peu plus de 3 TMS/ha sur 3 coupes.

Cette année nous n’avons réalisé qu’une seule coupe à 2 TMS/ha qui comportait au final davantage de repousses d’avoine de notre méteil que de sorgho ! Pas sûr que nous allons renouveler l’expérience l’année prochaine… ».

Article rédigé et propos recueillis par David Stephany, ADABio, initialement paru dans La Luciole n°26 (Hiver 2019-2020), le bulletin des pratiques bio en Auvergne-Rhône-Alpes, édité par la FRAB AURA

 

Réflexions du groupe Dephy PE01 visant à conforter l’équilibre fourrager dans les systèmes d’élevage

Global Printemps Été Automne
Importance de diversifier les sources de fourrages et de rendre son système d’exploitation le plus flexible possible.

Réduire le taux de renouvellement pour diminuer le chargement : viser 20 à 25%.

Systèmes plaine : difficulté à maintenir l’autonomie fourragère en cas d’année difficile si on dépasse 1 à 1,1 UGB / ha de SFP.

Limiter la production de lait sur la période estivale.

Valorisation maximale des dérobées récoltables au printemps : méteils ensilage (mais attention stade récolte / valeurs nutritives !) et mélanges fourragers type RGI/TV.

Sur terrains portants, faire pâturer le plus tôt possible en saison dès que les graminées sont au stade 2,5 feuilles, quelques heures par jour.

Valorisation maximale de la pousse d’herbe forte et rapide du printemps par le pâturage et par la récolte en fourrages précoces : ensilage, enrubanné, foin de séchage…

Enrubanné de luzerne : viser au moins 60% de MS sinon conservation difficile.

Diversifier le choix des variétés de maïs et étaler les dates de semis pour sécuriser le rendement.

Introduction de sorgho fourrager en complément du maïs : ne sécurise pas forcément le système fourrager mais le rend moins sujet aux attaques de corbeaux ; semences moins onéreuses ; davantage de « vert » à la récolte que le maïs (intéressant les années sèches).

Introduction de chicorée dans les prairies pâturées : bonne résistance au sec.

Semis de trèfle violet en mélange dans les méteils ensilés pour avoir des pousses estivales de TV après l’ensilage du méteil au printemps.

Semis de sorgho multicoupes (sudan-grass ou hybrides) après les ensilages de printemps : pousse d’été intéressante même par temps sec. Attention toutefois à la toxicité de la plante au stade jeune pour le pâturage ou l’affouragement en vert : attendre 40-50 cm pour le sudan-grass, 60-70 cm pour les hybrides.

Implantation systématique de couverts après moisson des céréales pour envisager une récolte automnale.

Introduction de colza fourrager dans les semis de PT fin d’été pour récolte automnale.

Betterave fourragère en pâturage de fin d’automne.