Influence du stress hydrique et comportement variétal en blé bio

Publié le : 26 octobre 2016

Quelle adaptation variétale au stress hydrique et aux changements climatiques en Provence en mode de production biologique ? C’est à cette question que s’attellent depuis 2014 les producteurs bio des Alpes de Haute-Provence avec l’appui d’Agribio 04, d’Arvalis et du Parc du Luberon dans un programme d’expérimentation regroupant des variétés modernes et paysannes.

Pour la deuxième année consécutive, des essais de variétés de blé tendre en microparcelles ont été implantés par Arvalis et Agribio 04 à Mane, au sud des Alpes de Haute-Provence, dans un climat méditerranéen. L’essai comporte 32 variétés, dont 13 variétés modernes et 18 variétés paysannes au sec et à l’irrigué afin d’en mesurer le comportement en situation de stress hydrique. Ce dernier a en effet été très prononcé dans la modalité sans irrigation étant donné le printemps très sec (38 mm cumulés en mars et avril 2016).

Le stress azoté limite l’effet bénéfique de l’irrigation

Vue aérienne des essais

La moyenne des rendements sur les modalités en sec est de 34,8 quintaux/ha (pour 9,8 % de protéines) contre 37,1 sur les modalités irriguées (pour 10,5 % de protéines). Sur la modalité irriguée, 5 irrigations ont été réalisées pour un total de 90 mm. Cette différence de rendement toutes variétés confondues peut paraître faible. Néanmoins, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer :

  • Il a manqué une ou deux irrigations pour éliminer complètement le stress hydrique dans la modalité irriguée.
  • L’azote a été un facteur limitant important du rendement. Une simulation, grâce aux modèles Agrobox et CHN d’Arvalis, a montré, sur l’exemple de la variété moderne Soléhio, que le gain de rendement dû à l’irrigation et en l’absence d’autres facteurs limitants était théoriquement de 20 qx/ha. Ces écarts avec le rendement potentiel s’expliquent en grande partie par la faible nutrition azotée des blés.

Les variétés modernes et paysannes se comportent différemment en situation de stress hydrique

Si le gain de rendement des variétés modernes avec l’irrigation est statistiquement significatif (+ 6 quintaux), il est inexistant avec les variétés paysannes (+ 0,2 qx). Ces résultats s’expliquent probablement par les potentiels de rendement différents de ces deux types de variétés et par le climat de l’année. En effet, les variétés paysannes ont pour des raisons génétiques une plus faible fertilité d’épis (nombre de grains par épi) que les variétés modernes, sélectionnées essentiellement sur ce critère. Par ailleurs, 4 variétés paysannes de l’essai sont des blés poulards (Triticumturgidum L. subsp. Turgidum) et ont donc génétiquement un comportement différent sur la fertilité d’épis. Le climat de l’année a par ailleurs été plus favorable aux variétés modernes. Les quelques pluies du mois de mai 2016 ont en effet sauvé la composante non génétique de fertilité des épis et donc permis de davantage maximiser le rendement sur les variétés modernes. L’absence de différence de rendement pour les variétés paysannes, quelque soit leur régime d’irrigation, s’explique par leur capacité à compenser des régressions de talle par une augmentation du nombre de grains par épi en sec.

Dans tous les cas, le rendement des variétés modernes est significativement supérieur au rendement des variétés paysannes.

Rendements moyens par catégorie de variété

Les lettres représentent les différences statistiquement significatives. Lorsque deux modalités n’ont aucune lettre en commun, on peut affirmer avec certitude que la différence de rendement observée est due à la modalité.

ETR : 4.16.   Niveau de significativité : test de Newmann Keuls au seuil de 5%.

Plus de protéines à l’hectare dans les grains pour les variétés modernes

Les variétés paysannes font généralement moins de rendement et plus de protéines que les variétés anciennes, en sec comme en irrigué (figure ci-dessous). L’azote disponible dans le sol est donc plus dilué dans les variétés modernes, qui produisent plus de grains par m2 que les variétés paysannes. En revanche, les variétés modernes produisent plus de protéines à l’ha (taux de protéines X rendement) et ont donc une meilleure capacité à transférer de la protéine au grain. Cela peut s’expliquer par le fait que les variétés paysannes, plus hautes que les modernes stockent plus d’azote dans leurs pailles, au détriment des grains. Cette plus grande hauteur en paille des variétés paysannes est un atout recherché par des producteurs pour la concurrence vis-à-vis des adventices.

Teneur en protéines et rendement selon les variétés

Graphique de Stéphane Jézéquel, Arvalis

La courbe grise foncée représente la moyenne de protéines de l’essai 350 kg à l’hectare (35 qtx à 10%). Les variétés les plus à droite ont accumulé davantage de protéines. L’écart entre deux courbes grises représente 50 kg de protéines à l’ha.

Les variétés modernes sont représentées par les points bleus, les variétés paysannes par les verts et les blé durs par les points blancs.

On peut noter que les variétés récentes sont davantage aptes à transférer de la protéine au grain. Il est probable que le bon compromis (rendement protéines) soit  entre Valbona-Bologna et Pireneo-Rebelde. La grosse contre-performance de Florence Aurore est liée à la présence de carie et à la verse.

Aller plus loin dans la caractérisation des variétés

L’objectif du projet est désormais d’aller plus loin dans la caractérisation agronomique et technologique des variétés, les résultats actuels étant encore bien incomplets pour décrire les intérêts des variétés. D’un point de vue agronomique, cette saison a vu la décentralisation progressive des tests de variétés chez différents producteurs dont la conclusion principale est que l’azote reste le principal facteur limitant du rendement.

Ce processus d’évaluation va être prolongé pour identifier les variétés, notamment paysannes, adaptées aux terroirs variés de production des agriculteurs. D’un point de vue technologique, des tests de panification sont en cours par Arvalis et seront prochainement réalisés par les meuniers, boulangers et paysans boulangers locaux selon leurs pratiques usuelles. A suivre pour la suite des résultats.

Article rédigé par Mathieu Marguerie et Nicolas Latraye (Agribio 04), Stéphane Jézéquel et Guillaume Meloux (Arvalis)