Céréales anciennes : de la diversité dans les champs… et dans les échanges en Haute-Loire

Publié le : 16 décembre 2016

Depuis 2015, un groupe d’échange porté et animé par Haute-Loire Biologique rassemble des agriculteurs autour des céréales anciennes. Visites d’essais, réunions, formations, connaissance de la réglementation, organisation collective… les sujets ne manquent pas ! Ce groupe est actuellement constitué de 20 agriculteurs bio, ayant tous des pratiques et des objectifs différents, mais se rejoignant autour de leur passion pour les céréales anciennes et l’expérimentation. Témoignage croisé de deux membres de ce groupe.

Grégory Arbogast, 33 ans, est installé en bio en 2013 sur une ferme en bio depuis 1992.
GAEC du buisson à Veille Brioude (43), altitude : 600 m, 3 associés et 1 conjointe collaboratrice, SAU 105 ha, 54 vaches laitières + 19 ha de céréales dont 10 ha de céréales de vente.

Pascal Lemaire, 45 ans, est technicien INRA depuis 1994, expérimentateur sur blé tendre depuis 2003, exploitant individuel installé en bio en 2014.
Exploitation individuelle à Blesle (43), altitude 830 m, SAU 35 ha, 12 ha de céréales et 23 ha de prairies temporaires (dont luzerne, sainfoin…).

Pourquoi vous êtes-vous intéressés aux céréales anciennes ?

Grégory : « Sur l’exploitation, il n’y avait pas de blé cultivé, donc quand je me suis installé, j’ai fait 1 ha de blé moderne… et j’ai compris pourquoi ils avaient arrêté. Puis j’ai vu des blés population en Haute-Loire, chez un producteur bio et ça m’a plu. Les blés étaient quasiment aussi hauts que les seigles, donc je ne prenais pas de risque de perte de paille pour mon autonomie. J’ai donc commandé des semences à l’INRA de Clermont-Ferrand et à Kokopelli pour faire des essais. »

Pascal : « Mon expérience d’expérimentateur sur blé tendre m’a permis de constater qu’il existait des blés anciens intéressants en termes de quantité et de qualité. En 2014, j’ai repris l’exploitation familiale et j’ai décidé de multiplier des variétés anciennes d’aprèsguerre. Pour moi, les variétés modernes ne sont pas adaptées à l’AB car elles n’ont pas été conçues pour ça mais pour une agriculture conventionnelle intensive dans un modèle de productivité. Je voulais repartir de la base et re-multiplier des variétés originaires d’Auvergne donc adaptées au territoire. »

 

Variétés anciennes ou variétés de populations : quelle différence ?

Grégory : « Pour moi, une population date d’avant 1920. C’est un groupe d’individus, ce n’est pas uniforme. C’est ce qui me plaît dans les blés anciens. Cultiver ces populations à grande échelle, ça les fait revivre et ça crée de la biodiversité. Après 1920, les variétés sont trop uniformes et plus exigeantes. Ça ne me plaît pas. »

Pascal : « Sans les populations, on n’aurait pas pu avoir les variétés. On a fait de la sélection variétale à partir de souches de populations pour répondre à différents objectifs de quantité et de qualité, créant ainsi un large panel de variétés. Mais l’intensification de la production avec l’arrivée des premiers intrants chimiques a entraîné l’arrêt progressif (entre 1950 et 1980) des variétés anciennes car elles n’étaient plus adaptées à cette intensification. Pour moi, l’intérêt des variétés anciennes par rapport aux populations, c’est qu’on maîtrise plus facilement leur conduite : on peut choisir une variété pour ses caractéristiques (paille, panification, résistance…) et le résultat de la récolte est davantage prévisible. Je trouve aussi intéressant de conserver les variétés qui sont le résultat d’un long travail de sélection et de création.»

 

Pourquoi cultiver des céréales anciennes ?

Grégory : « Ajouter une culture dans ma rotation et diversifier mes cultures de vente, avoir une céréale qui peut être transformée et vendue en farine, et pouvoir multiplier et échanger des populations. »

Pascal : « Je cultive des céréales anciennes pour retrouver de la diversité au sein de l’exploitation, pour répondre à une demande en agriculture biologique (pour les agriculteurs bio, mais aussi pour les opérateurs : orge de brasserie, seigle pour les toits de chaume, avoine pour la consommation humaine…), et enfin pour prolonger le travail de mes collègues de l’INRA qui ont collecté les différentes espèces au niveau mondial tout au long de leur carrière, en les faisant vivre en plein champ. »

 

L’intérêt de travailler au sein d’un groupe d’échanges

Grégory : « Quand j’ai démarré, j’aurais aimé avoir le retour d’expérience de ceux qui en cultivaient déjà. Le groupe permet cela, on peut faire gagner du temps à ceux qui débutent en leur donnant des conseils. Cela facilite aussi les échanges de populations. On peut voir qu’une population ne réagit pas pareil selon l’endroit dans lequel elle a été cultivée, c’est intéressant. »

Pascal : « Ce qui m’intéressait c’était d’intégrer une structure existante qui fonctionne, pour travailler collectivement et partager. C’est intéressant de mettre en place et suivre des essais sur un département qui présente une grande diversité (type de sol, altitude…), puis de partager et synthétiser les informations pour conserver les populations ou les variétés qui correspondent le mieux aux besoins de chacun. Je suis également heureux de pouvoir partager mon expérience d’expérimentateur au sein du groupe. »

Afin d’aller plus loin dans leur projet, le groupe réfléchit aujourd’hui à se structurer en GIEE, toujours au sein de l’association Haute-Loire Biologique.

Contact : Haute-Loire Biologique – association@ hauteloirebio.fr-Tél. : 04 71 02 07 18- www.facebook.com/ hauteloirebio