Gestion de la qualité : témoignage de Tijlbert Vink, dirigeant de l’Herbier du Diois

Publié le : 28 avril 2017

La filière PPAM a une exigence qualité très élevée, l’obligation de résultat est requise. Les producteurs se retrouvent parfois avec un retour de marchandise car une contamination a été détectée suite aux analyses réalisées par leur client. Il existe notamment la problématique actuelle des alcaloïdes présents dans certaines adventices (un seul plant de séneçon par hectare peut contaminer tout un lot !). Comment sont gérés ces risques de contamination par les opérateurs de l’aval ? Quels sont les impacts pour l’entreprise ?

Agribiodrôme a interrogé Tijlbert Vink, dirigeant de l’Herbier du Diois (Drôme).

Comment est gérée la qualité au sein de l’Herbier du Diois (HDD) ?

La politique qualité de l’HDD s’appuie sur trois paramètres : la traçabilité, le plan de contrôle et les relations avec les fournisseurs. Les différentes certifications de l’HDD imposent la mise en place d’un système de traçabilité avec un numéro de lot et un suivi durant toutes les étapes depuis son achat chez le fournisseur jusqu’à sa vente au client.

Le plan de contrôle est construit sur la base de la méthode HACCP qui identifie 3 principales classes de dangers : dangers biologiques (bactéries…), dangers chimiques (pesticides, allergènes…), dangers physiques (bois, verre, cailloux…). Enfin, les relations « fournisseurs » sont des collaborations de confiance tissées avec les producteurs qui nous permettent de suivre la qualité des productions.

Vous avez identifié 3 catégories de dangers, pouvez-vous en dire plus sur les dangers physiques ?

Les dangers physiques sont principalement les corps étrangers et les nuisibles. Pour les corps étrangers, nous réalisons un contrôle visuel, un contrôle à la sonde aimantée à chaque agréage et présence d’aimants sur les lignes de production. Pour les nuisibles, le suivi rongeurs est fait par une entreprise externe qui réalise des relevés 3 fois par an. Le suivi insectes est réalisé en interne, basé sur l’utilisation de bandes collantes et de pièges à phéromones.

Et qu’en est-il des dangers biologiques et chimiques ?

L’entreprise applique son plan d’analyses lors de la réception des matières premières. Le plan de contrôle définit les poids à partir desquelles les analyses sont systématiques. Tout nouveau fournisseur verra ses matières analysées avant acceptation définitive. Des contrôles pointus sont ainsi réalisés : résidus de pesticides, de métaux lourds, microbiologie, taux de cendres, dosage de principes actifs, allergènes, hydrocarbures… Il faut savoir que ce suivi analytique est un réel coût pour l’entreprise qui dépense autour de 100 000 euros de frais d’analyses par an.

Que se passe-t-il lorsque le seuil est dépassé ?

Pour les analyses microbiologiques, les seuils se basent sur la pharmacopée européenne. Pour les contaminants de type pesticides, métaux lourds, mycotoxines, hydrocarbures, les seuils sont réglementés à l’échelle européenne.

Systématiquement, en cas de contamination pesticides, le fournisseur est informé, puis la matière première lui est retournée et enfin il y a une demande d’investigation et d’action corrective, indispensables pour les futures livraisons.

Sur d’autres contaminations, si des solutions internes sont envisageables, elles sont validées avec nos clients et appliquées le cas échéant. Par exemple, certaines contaminations physiques peuvent être solutionnées par du tri matière, des contaminations biologiques par de la débactérisation. Cela a un impact sur le prix d’achat pour le producteur et des mesures d’amélioration seront alors mises en place pour la suite.

Comment faites-vous pour minimiser les risques de pollution des productions ?

L’entreprise se réserve le droit de choisir ses fournisseurs. Les parcelles éloignées des sites industriels, des grands axes routiers et des productions agricoles conventionnelles constituent un critère de choix prédominant. Un planning d’audits fournisseurs permet également de surveiller et de suivre les sites de productions primaires.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la problématique des alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP) présents dans certains adventices ?

Senecon commun

Les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP) sont des substances naturellement produites par plusieurs espèces de plantes, pour la plupart des mauvaises herbes, qui peuvent contaminer les récoltes et se retrouver dans les denrées alimentaires. Certaines molécules ont des propriétés cancérogènes et génotoxiques, c’est-à-dire susceptibles d’occasionner des lésions dans l’ADN. En France, il n’existe pas de texte réglementaire en vigueur. Seule une recommandation de la commission européenne publie de données de contamination des denrées alimentaires. Cette publication est le résultat d’un travail scientifique au long court. Aujourd’hui, trop peu de données chiffrées sont disponibles et ne permettent pas de statuer sur des seuils réglementaires. On se trouve dans une phase de sensibilisation des opérateurs à un danger encore peu connu.

Quelles sont les mesures mises en place par l’HDD sur cette problématique ?

Nous travaillons avec un client étranger qui exige des analyses AP systématiques. Ce qui a permis à l’entreprise de se constituer une base de données internes, utile pour l’élaboration de son plan de contrôle analytique. Le risque n’est pas créé au sein de l’entreprise. D’où la nécessité de sensibiliser les producteurs de matières premières très en amont. La sensibilisation porte sur les points suivants: prise de conscience du risque, prise de conscience de la responsabilité du producteur, identification des adventices toxiques (séneçon, vipérine, morelle noire), suivi avant récolte des lignes de plantation pour enlever les adventices toxiques.

Cette exigence de résultat de la filière PPAM vous semble-t-elle complexe à gérer pour les producteurs ?

Ce n’est pas simple. Mais si le producteur travaille bien, en étroite collaboration avec l’entreprise, dans les règles de l’art, dans le respect des bonnes pratiques agricoles et du cahier des charges bio, il n’y aura pas de souci. Les solutions les plus efficaces et les plus justes possibles seront trouvées ensemble.

Propos recueillis par Julia Wright, Agribiodrôme

Pour aller plus loin

Consultez la note de conjoncture de France Agrimer de mars 2017 et notamment le focus HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques)