La Gartencoop, un exemple d’agriculture solidaire

Publié le : 26 mars 2018

Située à quelques kilomètres de la frontière franco-allemande, à Tunsel (Allemagne), la Gartencoop existe depuis 2009, emploie 4,5 équivalents temps plein et cultive 9 ha de légumes bio diversifiés perdus au milieu de champs de maïs et de légumes de plein champ. La Gartencoop distribue 48 semaines par an 70 espèces de légumes différents pour 280 foyers, dans le but de les fournir toute l´année en légumes bio et de saison. Lors du Mois de la Bio 2017, 25 maraîchers et porteurs de projet français ont eu l’occasion de découvrir cette ferme hors du commun.

Fuehrung, rencontre des sociétaires à Gartencoop, cr"dit Gartencoop

L’agriculture solidaire selon la Gartencoop

Dans les années 2000, des maraîcher.e.s de Piluweri, ferme allemande en biodynamie à la frontière française, réfléchissent à mettre en place un projet hérité de la vision de cette ferme innovante. En souhaitant renforcer encore le lien entre consommateurs et producteurs de nourriture, l’idée de créer une ferme qui appartienne à ses consommateurs germe dans la tête de l’équipe.

Après plusieurs réunions de travail, le projet prend forme en 2009 avec 150 personnes prêtes à devenir membres de la coopérative et à faire un premier dépôt financier. Après 18 mois de recherche, une ferme et des terres en location sont trouvées à Tunsel, un petit village de la plaine du Rhin à 20 km au sud de Freiburg. En 2011, la première saison démarre à Garten Coop. Le projet entame sa 8e saison en 2018.

 

Le principe est simple : chaque coopérateur paye un droit d’adhésion de 400€ (équivalent d´un crédit direct que l’on peut récupérer en sortant de la coopérative), et chaque année, au cours de l’AG, un budget prévisionnel pour l’année suivante est présenté et validé. Les coopérateurs financent l’intégralité des charges de la ferme (semences/plants, carburant, matériel, main d’œuvre, …).

 

Crédit Garten coop

La contribution est libre, mais un budget moyen par coopérateur est donné à titre indicatif, chacun ensuite décidant de financer selon ses moyens. Aujourd’hui, 280 coopérateurs contribuent à financer des charges pour environ 280 000€ soit une contribution annuelle moyenne de 1000€, soit l’équivalent de 20€ par panier hebdomadaire livré. Certains contribuent à hauteur de 1500€, quand d’autres ne peuvent payer que 500€, en raison de leur situation personnelle (étudiant, famille modeste, …).

Ce modèle ne fonctionne que grâce à un lien fort entre les coopérateurs et la ferme qui produit leurs légumes. Mais ce lien ne se fait pas tout seul : les coopérateurs s´engagent à participer physiquement aux travaux de la ferme et de distribution, à hauteur de 5 demi-journées par an. Les tâches sont diverses : désherbage, récolte de légumes, préparation des distributions, jusqu’à la livraison sur les sites de distribution par camion puis par vélo-cargo. L’organisation du travail bénévole n’est pas prise à la légère à la Gartencoop : un salarié dédie un quart-temps à la gestion et à la mobilisation des bénévoles, à la coordination de la distribution, et veille à ce que la communauté de coopérateurs reste vivante.

Une organisation du travail et une gouvernance originales

Crédit Gartencoop

Une partie des tâches est donc effectuée par les bénévoles-coopérateurs, mais la majorité des travaux de production sont réalisés par des maraichères et maraîchers salariés. L’originalité de cette ferme réside dans une organisation du travail horizontale : il n’y a pas de chef d’équipe au sein des salariés.

L’équipe salariée est constituée pour moitié de maraîcher.e.s confirmé.e.s, et pour l’autre moitié de maraîcher.e.s novices. Une hiérarchie de savoirs se met en place et des temps particuliers sont aménagés pour permettre la transmission de savoir-faire entre salarié.e.s.

Les salarié.e.s sont donc ainsi autonomes sur la production de légumes. Toutefois, les décisions courantes de la coopérative sont prises lors de la réunion de coordination bimensuelle, qui est ouverte à tous les membres. Les grandes décisions (ex : investissement matériel important, développement de l’élevage, …) doivent être validées lors d’une assemblée générale. Depuis 2016, un groupe de 5 bénévoles s´engage également à appuyer tout au long de l´année les salarié.e.s sur les problématiques liées au monde du travail et à l´autogestion de la ferme. (Embauches, congés, gestion de conflits, etc…)

Le fait de travailler dans une coopérative agricole autogérée m´apprend à fonctionner non seulement en équipe mais aussi avec des personnes qui ne connaissent pas le métier […]. J´ai aussi surtout réalisé qu´avec beaucoup d´organisation, de détermination et d´intelligence collective on peut mettre en œuvre nos idéaux et s´approcher de nos utopies.

Interview d’Héloïse, maraîchère à la Gartencoop par Camille de l’OPABA

La recherche d’autonomie version Gartencoop

La Gartencoop a depuis sa création eu à cœur de mettre l´agriculture paysanne, l´écologie et la justice climatique au centre du projet. Leur démarche s’inscrit dans le cadre de l’agriculture biologique bien sûr mais aussi dans la recherche d’autonomie énergétique en essayant de trouver un compromis entre faisabilité technique -temps de travail- et ambition environnementale. Les distributions de paniers aux coopérateurs se font principalement à Freiburg, l’agglomération située à une vingtaine de kilomètres de la ferme. Un camion dépose les paniers à un point relais unique, puis les coopérateurs bénévoles les acheminent en vélo-cargo sur quinze points de distribution. De même, la volonté de ne pas s’équiper en chambre froide et en abris chauffés (très répandus, y compris chez les petits maraîchers en Allemagne) concourt de cette même démarche.

L’autre aspect de cette recherche d’autonomie passe par l’autonomie en intrants. Les semences et plants sont non hybrides et issus de la ferme Piluweri située à 12km, de laquelle la Gartencoop est restée proche et qui leur garantit une production de plants conforme à leurs valeurs. L’autonomie en fertilisants a également beaucoup été travaillée au sein de la Gartencoop, et une des solutions a été de développer un troupeau de vaches allaitantes de petit gabarit, qui ont le double avantage de produire de la matière organique et de valoriser des prairies temporaires fraîchement implantées, sur lesquelles elles peuvent pâturer même si la portance n’est pas optimale en raison de leur faible poids. Ces prairies temporaires riches en légumineuses font partie de la rotation légumière et permettent au sol de se régénérer. Environ un tiers de la surface de la ferme est couvert par des prairies temporaires ou des engrais verts à un instant t, un autre tiers est constitué de céréales transformées en farine.

Pour en savoir plus :

  • Plus d’infos auprès de Camille Fonteny (OPABA) : camille.fonteny[at]opaba.org
  • Gartencoop est sociétaire de l’Atelier Paysan, pour voir leur réflexion sur les outils, allez sur le forum de l’Atelier Paysan