La filière viticole bio se mobilise pour son développement

Publié le : 13 juin 2017

A l’occasion du Salon de l’agriculture, nous avons interrogé Jacques Carroget, vigneron bio en Pays de Loire et Sylvie Dulong, viticultrice bio en Gironde, secrétaires nationaux de la FNAB sur la situation de la filière et ses enjeux d’avenir. Retours des secrétaires nationaux sur leur rencontre avec la directrice générale adjointe de l’ANSES en charge des produits réglementés, Françoise Weber, et Mme Alima Marie, directrice de l’information, de la communication et du dialogue avec la société de l’agence.

Rencontre de l’ANSES au salon de l’agriculture

Quels constats pour la filière viticole bio aujourd’hui?

Sylvie Dulong : La filière viticole bio se développe en superficie, le marché suit, progression de +37% entre 2013 et 2015 en surface (68000 hectares à fin 2015, soit le troisième vignoble bio européen après l’Italie et l’Espagne), et dans le même temps le marché du vin bio en France a augmenté de 33%. Dans le cadre du plan Ecophyto et de la réduction des pesticides, le développement de la bio est la réponse à cette demande publique.

L’année 2016 a été très difficile sur le plan climatique, est-ce que la filière peut passer ces moments ?

Jacques Carroget : Oui, clairement, dans le cadre de la réglementation actuelle concernant l’usage des produits minéraux (souffre et cuivre) ; on peut passer sans problème ; on voit même que la bio dans certaines situations peut avoir une meilleure maitrise sanitaire que le conventionnel (black rot et mildiou par exemple). On a pu constater que les attaques mildiou n’étaient pas corrélées au fait d’être bio ou conventionnel mais plutôt en lien avec le bon usage des techniques préventives. Les conventionnels utilisent d’ailleurs du cuivre pour sauver leurs récoltes, il est important de bien observer son vignoble ; très important aussi de dire que le réseau FNAB s’est doté de compétences techniques en viticulture ce qui a permis de répondre aux attentes des vignerons sur ces points là.

Les conventionnels demandent-ils du transfert de connaissance de la part des bio ?

Jacques Carroget :Ooui, on peut citer l’exemple notamment des journées « Tech et bio » spéciales viti où Guy Vasseur, alors président de l’APCA, a revendiqué la bio comme moteur pour tous les vignerons. Attention les techniques bio s’inscrivent dans une logique systémique pour fonctionner.

Sylvie Dulong : L’utilisation des produits bio ne suffit pas en effet, beaucoup de conventionnels utilisent les méthodes de la bio, comme le désherbage mécanique par exemple.

Jacques Carroget : Les vignerons veulent pouvoir disposer de produits phyto de synthèse pour « sauver leurs récoltes » mais dans leur grande majorité ils voudraient pouvoir s’en passer.

Quel est le problème avec l’usage du cuivre aujourd’hui, est-il menacé à terme par la réglementation ? les bio peuvent -ils s’en passer ?

Jacques Carroget : Pas pour l’instant. C’est ce qu’on a appris lors du colloque international sur le cuivre en Allemagne en novembre 2016. La molécule est à nouveau validée pour les prochaines années.  Ce qui est menacé, c’est les quantités d’usage.

Sylvie Dulong : C’est la seule molécule fongicide utilisée en agriculture bio, un produit minéral qui n’est pas un produit chimique de synthèse. Non, les bio ne peuvent pas s’en passer à ce stade.

Qu’est-ce que vous revendiquez au niveau français et européen ?

Jacques Carroget : Dans les années soixante, nous utilisions 30Kg/hec/an ; aujourd’hui on rentre bien dans les contraintes réglementaires des 6Kg/hec/an  (en lissé sur 5 ans) ; on est bien en dessous dans les années plus faciles comme cela a été montré dans l’étude ITAB-IFV de 2013. On ne connait pas clairement la position officielle de la France. Aujourd’hui, nous constatons que les fabricants de produits cupriques anticipent une possible évolution de la réglementation avec des demandes d’AMM à 4kg auprès de l’ANSES, avec des limites de fréquence de traitement et de dose, par exemple 5 fois dans l’année…

Sylvie Dulong : Nous avons rencontré plusieurs fois les vignerons allemands, ils sont d’accord pour défendre la même position que nous sur le cuivre avec le statut quo à 6kg/hec/an, c’est une avancée notable qui est due à notre travail au niveau européen.

Diane Pellequer (chargée de mission viticulture, FNAB) : Les quantités utilisées varient aussi d’une région à une autre, donc il est difficile d’avoir une réglementation européenne qui défavoriserait des régions plutôt que d’autres.

Sylvie Dulong : Jusqu’en 2018, la France via l’ANSES est rapporteur pilote avec l’Allemagne sur la réévaluation des produits cupriques auprès de la Commission européenne. Nous avons rencontré Françoise Weber de l’ANSES sur le salon de l’agriculture afin d’en savoir plus sur l’agenda de la révision réglementaire sur ce sujet.

Que retenez-vous de cette rencontre ?

Sylvie Dulong : Le point positif c’est que l’ANSES a écouté les inquiétudes des producteurs bio de la FNAB. Ils nous invitent à participer activement à leur dispositif de pharmaco vigilance et à faire remonter un maximum d’observations de terrain sur tous types de produits. Ils sont disposés à recevoir nos observations et toutes autres études sur la toxicité ou non toxicité du cuivre dans les sols. Ils nous proposent un deuxième rendez-vous afin de détailler le calendrier d’évaluation et les procédures de cette institution afin que nos avis de professionnels responsables puissent être pris en compte. Nous avons conclu sur la nécessité d’un statu quo à 6kg/hec/an avec lissage afin de maintenir les conversions à l’agriculture biologique et diminuer les pesticides de synthèse en réponse aux objectifs de politiques publiques.

Propos recueillis le 28 février au salon de l’agriculture à Paris.

Depuis, le dossier de réévaluation de la substance active cuivre a été publié en février 2017 sur le site de l’EFSA avec possibilité d’envoi de commentaires jusque mi-avril. La FNAB a donc envoyé ses commentaires. A suivre…