Fertilisation agro-écologique des prairies à base de compost

Publié le : 8 octobre 2018

« Nourrir le sol pour nourrir la plante » est l’un des principes fondateurs de l’AB. Les apports organiques ont pour objectif d’augmenter la fertilité des sols en favorisant l’autonomie du cycle de la matière organique. Un apport de compost sur les prairies permet de favoriser l’activité biologique du sol, d’assainir le fumier (destructions des pathogènes et des graines adventices par le compostage), d’en réduire son volume et donc de diminuer les doses à épandre. Le compost a aussi l’avantage de ne pas nuire à l’appétence de l’herbe ce qui permet de mettre rapidement les animaux en pâture après épandage. De plus, les prairies sont moins fragiles à la sécheresse et à l’excès d’eau.

François Dumas, éleveur bio depuis plus de 20 ans, a accueilli des collègues éleveurs de Bio63, le temps d’un après-midi, afin de partager son savoir-faire sur la fertilisation agro-écologique des prairies.

La ferme en quelques mots

François Dumas, éleveur bio de Limousine à Voingt dans le Puy de Dôme.

  • Elevage de 60 Vaches mères allaitantes de race Limousine
  • Commercialisation : vente de reproducteurs inscrits et production de 40 veaux rosés par an
  • 76 ha morcelés tout en herbe
  • 750 m d’altitude
  • En bio depuis 1996
  • 3,5 T de foin en première coupe sur 40ha, 1,8 T d’enrubannage en deuxième coupe pour l’année 2017

La rencontre se veut technique et concrète. Pas de temps pour le blabla. Le groupe est invité à s’exercer au diagnostic prairial sur quatre parcelles de prairies naturelles qui présentent des natures prairiales différentes (prairies sèches ou humides) combinés à des historiques de fertilisation différents (2 ans, 1 an, 1 mois). Pour François Dumas, « c’est en aiguisant son sens de l’observation que l’on progresse et c’est en observant des prairies performantes que l’on peut être convaincu par la méthode ! »

Pédagogie gagnante, car la qualité des prairies de François Dumas fait bien envie. Les prairies sont denses, aucun trou. Les vers sont présents et laissent les traces de leur passage. La proportion de légumineuses par rapport aux graminées est importante.

Visite technique avec les éleveurs des Combrailles de Bio 63

Le secret ? Une fertilisation agro-écologique à base de compost

Ce dernier est épandu en lune descendante et croissante, en moyenne quantité (6T/ha) « dès que les prairies se libèrent », soit à partir du mois de septembre. « Avant, j’épandais au printemps, mais les fourrages étaient moins intéressants, l’apport riche en azote d’un compost jeune favorisait le développement des poacées. En réalisant l’apport en automne, la concentration en azote est moins importante ce qui valorise mieux une flore diversifiée ». La fréquence d’épandage sur chaque parcelle dépend de l’utilisation qui est faîte de la prairie : environ une fois par an sur les prairies fauchées, et une fois tous les deux ans sur les prairies uniquement pâturées. On peut mettre les vaches au pré trois semaines après l’épandage (absence de refus). Au bout d’un mois, les apports de compost sont quasiment invisibles dans la prairie. Pour garantir une bonne pousse de l’herbe, François Dumas met un point d’honneur à faire sortir les vaches le plus rapidement possible après l’hiver, c’est-à-dire dès que la pousse de l’herbe débute à partir de 8°C (en 2017, son premier lot est sorti dès le 17 mars) et à alterner les séquences de fauche et de pâture. C’est quasiment un passage d’animaux gratuit sur la saison par parcelle.

Laisser le stock semencier s’équilibrer naturellement

Prairie permanente à flore diversifiée

Pour François Dumas, la pratique du sur semis est une aberration. « C’est seulement une solution pour pallier aux erreurs que l’éleveur a répété pendant x années. Mieux vaut réactiver les bonnes graines dormantes en mettant du compost ! » En effet, le compost favorise un meilleur équilibre entre graminées et légumineuses, en limitant le développement trop rapide de la graminée en début de printemps. On peut alors observer une diversité de légumineuses comme la Vesce, la Gesce, la Minette, deux sortes de Lotier (corniculé et des marais), trois ou quatre sortes de Trèfles (dont le Trèfle violet mellifère), gage d’un écosystème prairial équilibré ainsi que d’un bon fonctionnement du sol. Les prairies laissent place à une diversité de plantes. On y trouve notamment le Pâturin des près (graminée très riche en protéine) ou encore le Plantain lancéolé (riche en oméga 3). Un comptage effectué il y a quelques années révélait 25 à 30 espèces différentes sur la prairie.

Dès son passage en bio en 1996, François Dumas a tout misé sur la qualité de ses 73 ha de prairies naturelles. Son raisonnement est simple : « L’herbe, c’est la base d’une bonne alimentation et donc de la bonne santé du troupeau. Si l’on prend soin du premier maillon c’est une chaîne vertueuse qui se met en place. » Et toujours d’après l’expert, en appliquant ces techniques, il est tout à fait possible de « faire relever la tête » à une prairie assez rapidement !

Règlementation stockage – andain composté :

  • Andain au min à 35 m de distance d’un cours d’eau
  • Zone de stockage non inondable et sans forte pente
  • A 10 m d’un tiers

Deux méthodes de fabrication du compost en fonction de la provenance du fumier :

François Dumas utilise deux méthodes de fabrication de compost en fonction de la provenance de son fumier, le bâtiment étant composé de deux parties distinctes, aire bétonnée couverte et aire bétonnée non couverte, ce qui nécessite une gestion différenciée.

  • Compost aéré « chaud », technique réservée au fumier de l’aire bétonnée non couverte : curage toutes les trois semaines et dépôt en andain de 3,5m de large à l’aide d’un épandeur à fumier sans hérisson (toujours débuter l’andain au Nord de la parcelle, et l’exposer Est-Ouest dans la grande longueur). L’alignement est effectué tout l’hiver au fur et à mesure du curage. Puis deux retournements sont réalisés à l’aide du retourneur d’andain de la Cuma à trois semaines d’intervalle. Enfin, le compost est écarté dans le mois qui suit à l’aide de l’épandeur à fumier (10m), réglé sur un faible débit et associé à un passage à grande vitesse, soit une quantité épandu de 6T/ha environ en un seul passage. Un test de saturation en eau est effectué au préalable : le compost doit être humide, mais sans écoulement lorsqu’on le presse entre les mains. François Dumas reconnait que l’idéal serait de pailler/bâcher l’andain tout au long de la campagne afin de limiter les pertes d’azote par volatilisation.
  • Compost « à froid », technique réservée au fumier de l’aire bétonnée couverte : absence de curage pendant l’hiver dans le bâtiment, pulvérisation de produit de type Latisym (poudre ou granulé) de la société Latis deux fois par semaine (ce produit favorise l’humification des litières et permet de diminuer de 50% du volume). Le curage est cette fois-ci effectué au moment de la mise à l’herbe des vaches. Le compost à froid reste en bâtiment d’avril à août pour être ensuite épandu dès la fin de l’été.

Conditions favorables à la réalisation d’un compost : équilibre entre les teneurs en azote et en carbone dans un milieu aéré (source Joliet, 1994)

De très bons fourrages analysés !

François Dumas réalise ses fourrages sans faucheuse conditionnée. Il privilégie l’alternance fauche-pâture qui améliore la biodiversité et les rendements. Un déprimage est réalisé quasi systématiquement sur chaque parcelle, ce qui stimule la croissance végétative tout en homogénéisant la vitesse de repousse de la végétation. En laissant plus de place aux rayons lumineux, les légumineuses peuvent alors mieux se développer. Le passage est rapide et la durée est estimée à l’œil en fonction du nombre de bêtes et de la pousse de l’herbe. Avec ce déprimage, la date de fauche est alors reculée ce qui permet à François Dumas d’être dans une zone météo plus favorable au chantier de récolte. Les stades de fauches sont évalués en fonction de la maturité générale des plantes. Comme la prairie est très diversifiée, les plantes ne sont pas toutes au même stade, mais cette diversité garantie toujours une bonne moyenne. François Dumas se base généralement sur le stade des graminées à montaison pour réaliser un fourrage précoce et miser sur la qualité. Qualité que l’on peut observer dans les analyses de fourrages réalisées (cf. tableau ci-dessous). La deuxième coupe est effectuée 6 à 7 semaines après la première en enrubannage (de type foin enrubanné lorsque l’année le permet). Cette qualité de l’herbe, associée à une sélection Limousine conservant une souche très laitière, permet à François Dumas de produite une quarantaine de veaux rosés chaque année.

* UFL : Unités fourragères laitières

Article rédigé par Elodie de MONDENARD, animatrice technique polyculture-élevage à Bio 63.

Parution initiale dans La Luciole n°19 (mars-avril 2018), le bulletin des pratiques bio en Auvergne-Rhône-Alpes.