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« Nourrir le sol pour nourrir la plante » est l’un des principes fondateurs de l’AB. Les apports organiques ont pour objectif d’augmenter la fertilité des sols en favorisant l’autonomie du cycle de la matière organique. Un apport de compost sur les prairies permet de favoriser l’activité biologique du sol, d’assainir le fumier (destructions des pathogènes et des graines adventices par le compostage), d’en réduire son volume et donc de diminuer les doses à épandre. Le compost a aussi l’avantage de ne pas nuire à l’appétence de l’herbe ce qui permet de mettre rapidement les animaux en pâture après épandage. De plus, les prairies sont moins fragiles à la sécheresse et à l’excès d’eau.
François Dumas, éleveur bio depuis plus de 20 ans, a accueilli des collègues éleveurs de Bio63, le temps d’un après-midi, afin de partager son savoir-faire sur la fertilisation agro-écologique des prairies.
François Dumas, éleveur bio de Limousine à Voingt dans le Puy de Dôme.
La rencontre se veut technique et concrète. Pas de temps pour le blabla. Le groupe est invité à s’exercer au diagnostic prairial sur quatre parcelles de prairies naturelles qui présentent des natures prairiales différentes (prairies sèches ou humides) combinés à des historiques de fertilisation différents (2 ans, 1 an, 1 mois). Pour François Dumas, « c’est en aiguisant son sens de l’observation que l’on progresse et c’est en observant des prairies performantes que l’on peut être convaincu par la méthode ! »
Pédagogie gagnante, car la qualité des prairies de François Dumas fait bien envie. Les prairies sont denses, aucun trou. Les vers sont présents et laissent les traces de leur passage. La proportion de légumineuses par rapport aux graminées est importante.
Ce dernier est épandu en lune descendante et croissante, en moyenne quantité (6T/ha) « dès que les prairies se libèrent », soit à partir du mois de septembre. « Avant, j’épandais au printemps, mais les fourrages étaient moins intéressants, l’apport riche en azote d’un compost jeune favorisait le développement des poacées. En réalisant l’apport en automne, la concentration en azote est moins importante ce qui valorise mieux une flore diversifiée ». La fréquence d’épandage sur chaque parcelle dépend de l’utilisation qui est faîte de la prairie : environ une fois par an sur les prairies fauchées, et une fois tous les deux ans sur les prairies uniquement pâturées. On peut mettre les vaches au pré trois semaines après l’épandage (absence de refus). Au bout d’un mois, les apports de compost sont quasiment invisibles dans la prairie. Pour garantir une bonne pousse de l’herbe, François Dumas met un point d’honneur à faire sortir les vaches le plus rapidement possible après l’hiver, c’est-à-dire dès que la pousse de l’herbe débute à partir de 8°C (en 2017, son premier lot est sorti dès le 17 mars) et à alterner les séquences de fauche et de pâture. C’est quasiment un passage d’animaux gratuit sur la saison par parcelle.
Pour François Dumas, la pratique du sur semis est une aberration. « C’est seulement une solution pour pallier aux erreurs que l’éleveur a répété pendant x années. Mieux vaut réactiver les bonnes graines dormantes en mettant du compost ! » En effet, le compost favorise un meilleur équilibre entre graminées et légumineuses, en limitant le développement trop rapide de la graminée en début de printemps. On peut alors observer une diversité de légumineuses comme la Vesce, la Gesce, la Minette, deux sortes de Lotier (corniculé et des marais), trois ou quatre sortes de Trèfles (dont le Trèfle violet mellifère), gage d’un écosystème prairial équilibré ainsi que d’un bon fonctionnement du sol. Les prairies laissent place à une diversité de plantes. On y trouve notamment le Pâturin des près (graminée très riche en protéine) ou encore le Plantain lancéolé (riche en oméga 3). Un comptage effectué il y a quelques années révélait 25 à 30 espèces différentes sur la prairie.
Dès son passage en bio en 1996, François Dumas a tout misé sur la qualité de ses 73 ha de prairies naturelles. Son raisonnement est simple : « L’herbe, c’est la base d’une bonne alimentation et donc de la bonne santé du troupeau. Si l’on prend soin du premier maillon c’est une chaîne vertueuse qui se met en place. » Et toujours d’après l’expert, en appliquant ces techniques, il est tout à fait possible de « faire relever la tête » à une prairie assez rapidement !
François Dumas utilise deux méthodes de fabrication de compost en fonction de la provenance de son fumier, le bâtiment étant composé de deux parties distinctes, aire bétonnée couverte et aire bétonnée non couverte, ce qui nécessite une gestion différenciée.
François Dumas réalise ses fourrages sans faucheuse conditionnée. Il privilégie l’alternance fauche-pâture qui améliore la biodiversité et les rendements. Un déprimage est réalisé quasi systématiquement sur chaque parcelle, ce qui stimule la croissance végétative tout en homogénéisant la vitesse de repousse de la végétation. En laissant plus de place aux rayons lumineux, les légumineuses peuvent alors mieux se développer. Le passage est rapide et la durée est estimée à l’œil en fonction du nombre de bêtes et de la pousse de l’herbe. Avec ce déprimage, la date de fauche est alors reculée ce qui permet à François Dumas d’être dans une zone météo plus favorable au chantier de récolte. Les stades de fauches sont évalués en fonction de la maturité générale des plantes. Comme la prairie est très diversifiée, les plantes ne sont pas toutes au même stade, mais cette diversité garantie toujours une bonne moyenne. François Dumas se base généralement sur le stade des graminées à montaison pour réaliser un fourrage précoce et miser sur la qualité. Qualité que l’on peut observer dans les analyses de fourrages réalisées (cf. tableau ci-dessous). La deuxième coupe est effectuée 6 à 7 semaines après la première en enrubannage (de type foin enrubanné lorsque l’année le permet). Cette qualité de l’herbe, associée à une sélection Limousine conservant une souche très laitière, permet à François Dumas de produite une quarantaine de veaux rosés chaque année.
Article rédigé par Elodie de MONDENARD, animatrice technique polyculture-élevage à Bio 63.
Parution initiale dans La Luciole n°19 (mars-avril 2018), le bulletin des pratiques bio en Auvergne-Rhône-Alpes.
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