Faire évoluer les critères de sélection pour les variétés de fruitiers en bio

Publié le : 27 février 2018

Selon leur patrimoine génétique, les arbres sont plus ou moins sensibles à certains ravageurs et maladies, mais aussi sont plus ou moins adaptés à certaines conditions pédo-climatiques et donnent des fruits aux caractéristiques variées en termes de goût, de saisonnalité, de calibre. Le choix de la variété est un levier majeur dans la diminution du recours aux intrants et dans la gestion des bio-agresseurs en arboriculture. Comment mieux prendre en compte les besoins des arboriculteurs pour la conduite en bio ? Quelles variétés pour les fruitiers en bio ?

Partant du constat que très peu d’arboriculteurs se lancent dans la production biologique d’abricots et de pêches à cause du manque de variétés adaptées (avec tolérance à Monilia laxa sur fleur pour l’abricot et sur fruit pour la pêche), le groupe de travail arbo bio du Sud Est a décidé d’avancer sur ce sujet.

Etapes de la création variétale en arboriculture, source AgribioArdeche

Fonctionnement de la sélection fruitière

La création variétale en arboriculture (voir schéma ci contre) est un processus long du fait de la pérennité de l’espèce et du délai pour atteindre la période de production. Cela consiste à la recherche et à l’évaluation d’une longue liste de propriétés : sensibilité ravageurs, conditions pédo-climatiques, goût, calibres…

Autant de facteurs qui définissent l’idéotype, c’est-à-dire l’ensemble des caractéristiques idéales pour une variété que l’homme manie pour sélectionner des arbres qui correspondent à ses attentes. La sélection variétale demande donc beaucoup d’observation du comportement des arbres. Il faut en moyenne 20 ans pour créer une nouvelle variété de pommier et les cycles de sélection peuvent durer de 5 à 15 ans[1]. La durée du processus de création sera d’autant plus long que l’idéotype recherché est éloigné du standard commercial actuel.

Évolution des critères de sélection

Des travaux conduits dans les années 1950 par la recherche[2], notamment sur le pêcher, décrivent de manière très fine les caractères agronomiques de différentes variétés (nos variétés anciennes !), dont les sensibilités à certains bio-agresseurs. Ce dernier aspect a ensuite été mis en arrière plan dans la définition des idéotypes, qui se sont alors tournés vers des critères liés à la productivité, à l’aspect esthétique et à l’homogénéité des fruits.

Les outils pour comparer des variétés de pêches et nectarines

Une base de données des variétés de pêches et nectarine est actuellement disponible sur le site du CTIFL (gratuit, mais il faut s’identifier pour y avoir accès) : c’est ici

Le CITFL a aussi développé un comparateur de variétés de pêchers, le COVARFEL. Construite à partir des informations obtenues dans le cadre du réseau CTIFL et des stations régionales (Centrex, Sud Expé et Sefra) d’évaluation du matériel végétal, cette application permet de comparer différentes variétés selon des critères de niveaux de productivité. Ces informations seront actualisées année par année en prenant en compte les influences de la climatologie (chute de bourgeons, sensibilité aux maladies de conservation, teneurs en sucres…) la précocité du vieillissement des arbres qui peut, pour certaines variétés, modifier leur comportement (dénudement…) ou encore la répartition de calibre des fruits.

 

 

Aujourd’hui, les critères de sélection sont fixés par la Charte Nationale d’Expérimentation Fruitière qui préconise l’évaluation du comportement agronomique des variétés et porte-greffes en condition d’alimentation abondante et de protection phytosanitaire conventionnelle. Ce dispositif laisse de côté les caractères liés à la sensibilité de l’arbre aux maladies ou à sa rusticité. Les critères de sélections énoncés par la Charte Fruitière sont basés sur les attentes des opérateurs en circuit long (productivité, calibre, tenue au transport, coloration…).

Plus récemment, certains organismes ont évalué de nouveau la sensibilité aux  bio-agresseurs des variétés de toutes origines, nouvelles ou anciennes[3] (voir document ci-contre). Ces dernières présentent un certain potentiel dans la réduction de l’usage des intrants mais leur potentiel de production est parfois limité et il est difficile d’anticiper leurs comportements dans un contexte de réchauffement climatique. Ainsi, en se basant sur l’ensemble des variétés connues et en explorant la diversité génétique des espèces fruitières, la création variétale permettrait de faire émerger des variétés d’arbres productifs dans des conditions de bas intrants.

Le travail du groupe technique sud est

Un groupe interrégional d’échanges techniques en arboriculture biologique du Sud Est, soutenu par la FNAB, travaille depuis 2017 sur un projet visant à faciliter la création de variétés d’abricots et de pêches adaptées à la bio.

Partant du constat que très peu d’arboriculteurs se lancent dans la production biologique d’abricots et de pêches à cause du manque de variétés répondant à leurs besoins (notamment tolérance à Monilia laxa sur fleur pour l’abricot et sur fruit pour la pêche), ce groupe, à l’initiative du Référent en arboriculture biologique de PACA, Gilles Libourel, travaille sur plusieurs axes :

  • d’une part il recueille les besoins des arboriculteurs bio, via une grille d’enquête sur les critères qu’ils jugent prioritaires ;
  • d’autre part il rencontre des sélectionneurs et obtenteurs afin de connaître leur fonctionnement et par la suite de leur faire prendre connaissance des résultats de l’enquête auprès des arboriculteurs.

Un voyage d’étude en Italie ou en Espagne est aussi prévu pour voir si d’autres expériences peuvent nous apporter des éléments intéressants.

L’objectif est de provoquer une création variétale en abricots et pêches dédiée à une production bas intrants biologique mais pas exclusivement (à plus long terme, l’ensemble de la filière pouvant bénéficier de ce travail).

De plus les informations recueillies par cette enquête pourront également modifier le regard des créateurs et sélectionneurs de variétés sur certains hybrides qui auraient été écartés précédemment.

 

[1] Dosba F., Lespinasse Y., 2002, L’amélioration génétique des arbres fruitiers, Le sélectionneur français, 53

[2] Cavaillet M., Souty J. : Monographie des principales variétés de pêchers, 1950, INRA

[3] Ondet S-J, Carillo E, Evaluation de varieties anciennes fruitières pour l’AB, 2014, GRAB, disponible sur Internet : http://www.grab.fr/wp-content/uploads/2015/09/A14PACA02_VarietesAnciennes.pdf