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Malgré sa rusticité, le sainfoin reste assez peu cultivé aujourd’hui en agriculture biologique. A travers quelques témoignages, nous vous proposons de (re)découvrir cette plante qui a perdu au fil du temps du terrain face à la luzerne, mais qui présente notamment l’intérêt de bien valoriser le potentiel des terrains superficiels.
Le sainfoin est une légumineuse à racine pivotante profonde, comme la luzerne. La plante, via sa richesse en tanins condensés, présente des propriétés nutritionnelles intéressantes. Ces tanins :
La concentration et la composition des tanins varient en fonction des variétés, des conditions pédoclimatiques et du stade de récolte. Il semble que les fauches tardives, qui favorisent un rapport feuille/tige faible, limitent la concentration tannique. L’objectif pour une récolte en pur est d’obtenir un fourrage à plus de 5% de tanins condensés (2 à 2,5 fois plus élevées que la luzerne) pour assurer une efficacité sur les parasites gastro-intestinaux. Le FIBL – Institut de recherche en agriculture biologique Suisse – a mené un travail pour le conseil et la coordination de la production de fourrages de sainfoin (esparsette, autre nom du sainfoin) de qualité, garantissant notamment une teneur suffisante en composés antiparasitaires. De nombreuses informations techniques sont disponibles sur le site www.esparsette.ch (fiches techniques sur la culture, variétés, utilisation en alimentation animale…).
Dominique cultive du sainfoin pour l’alimentation de ses bovins et pour la multiplication de semences. Le sainfoin apprécie les sols calcaires (pH entre 6 et 8) et perméables.
« Cette plante rustique est très adaptée à notre terroir séchant et vient en diversification de la luzerne. Dans nos régions, la luzerne est très répandue et commence à souffrir de son monopole dans les rotations, notamment d’infestation de phytonomes (coléoptère affectant le développement végétatif de la luzerne). Pour les éleveurs, le sainfoin présente aussi l’avantage d’être non météorisant. Le pâturage, même en pur, ne présente pas de risque. »
Dominique reproduit des semences paysannes. « Les variétés commercialisées, importées sont peu productives et très couteuses. Il y a une vraie demande de semences paysannes. Les agriculteurs doivent remettre la main sur la production de leurs semences pour gagner en autonomie et en économie. Chez nous, aujourd’hui, sur les 130 ha cultivés, aucune semence n’est achetée. » Le semis de sainfoin est réalisé à la volée (100 kg/ha de graines en cosse) dans du blé au printemps, suivi d’un passage de cultipaker. L’implantation est assez facile mais la plante n’est pas très couvrante. Il convient de lui consacrer si possible des parcelles propres.
La variété utilisée par Dominique permet plusieurs coupes (variété dite double). « La première coupe est de loin la plus productive avec des rendements jusque 7 TMS/ha. La récolte des graines est réalisée sur une seconde coupe beaucoup plus modeste, mais qui peut être plutôt bonne en conditions arrosées. »
« Pour moi, et dans mon secteur très exposé aux dégâts de gibier, la contrainte de cette légumineuse est d’être très appétente. Sensible au piétinement, sa pérennité est affectée par un surpâturage. » La plus faible pérennité du sainfoin (2 à 3 ans) par rapport aux autres légumineuses peut être attribuée à sa moindre capacité à stocker les sucres.
Christian a acheté durant quelques années des semences de Sainfoin pour enrichir ses mélanges multi-espèces pour l’alimentation du troupeau laitier. Pour lui, le choix du sainfoin présentait comme intérêts :
« Nous sommes à la recherche de semences adaptées à nos terroirs de montagne (800-1000 m d’altitude) et économiques. Nous renouvelons régulièrement nos prairies temporaires (réduction de 4 à 3 ans de leur durée d’implantation) pour maximiser la restitution azotée permise pour les céréales suivantes, ainsi que pour rénover des parcelles abimées par des campagnols.
Le mélange est constitué de : 3 Trèfles (2 TB/1 TV), Luzerne, Sainfoin, Vesce annuelle, Dactyle, Fétuque élevée, Fétuque des prés, Fléole, RGA (Ray Grass Anglais) si pâture, RGH (Ray Grass Hybride) si fauche. La dose au semis n’excède pas 20 à 30 kg de sainfoin dans le mélange, ce sont de grosses graines. Cette proportion est satisfaisante.
Le sainfoin sera très productif en première coupe. Je trouve qu’il souffre davantage que la luzerne des gros coups de chaud. Sa production dans les coupes estivales est moins importante. »
Tao élève quant à lui des brebis et des vaches allaitantes dans le Valromey. Il a introduit du sainfoin dans une de ses prairies multi-espèces il y a 2 ans.
« Nous souhaitions essayer le sainfoin car il nous paraissait bien adapté à nos terrains calcaires et nous voulions profiter de ses vertus anti-parasitaires pour nos troupeaux ovins et bovins. J’ai semé la prairie au semoir à céréales en 2 passages car les graines de sainfoin n’étaient pas décortiquées, à une densité de 50 Kg /ha de sainfoin avec le semoir réglé sur grosses graines, puis 27 Kg /ha de mélange St Marcellin (RGA, fétuque, dactyle, lotier et trèfle blanc). En 2017, nous l’avons exploitée en fauche au printemps et en été, puis en pâturage pour les génisses en fin d’été.
Nous évitons la sur-exploitation en pâture car le sainfoin supporte mal le piétinement. J’ai aussi constaté qu’il fallait le faire pâturer à un stade pas trop avancé sinon les animaux ne le mangent pas. De plus sa concentration en tanins est plus importante avant floraison.
J’en suis très satisfait et je ne regrette pas de l’avoir mis en association car il occupe bien l’espace dans les parties les plus séchantes là où le trèfle a eu du mal à s’implanter, mais il a quasiment disparu dans les zones les plus humides. Pour moi, la principale limite du sainfoin reste sa difficulté à sécher lors des récoltes en foin. Nous privilégions ainsi une récolte en enrubanné pour la fauche du printemps afin de garder un maximum de feuilles car je trouve qu’il les perd encore plus facilement que la luzerne… »
A la demande de producteurs biologiques, Agribiodrôme a mis en place des suivis de parcelles de cameline en 2017, sur la région des Baronnies (sud-est de la Drôme). L’objectif est de déterminer les facteurs qui influencent le rendement de la cameline et la qualité de son huile.
L’un des facteurs testé est la pertinence de l’association entre la cameline et des légumineuses, dont le sainfoin.Les conditions climatiques 2017 ont été très pénalisantes pour la cameline avec un gel de fin avril qui a sérieusement freiné son développement. Les rendements ont été faibles et les parcelles assez sales, alors que la cameline est plutôt réputée pour être une culture propre. Mais certaines parcelles ont présenté des résultats corrects, notamment celles en association avec du sainfoin. A conditions identiques, les développements y étaient plus homogènes et plus importants qu’avec d’autres associations ou que la cameline seule. On ne sait pas encore si le bénéfice potentiel de l’association est lié à une interaction positive entre les deux plantes ou à une protection contre le gel apporté par la biomasse du sainfoin.
En revanche, il est certain que l’association sécurise la production. Même si la cameline donne de mauvais résultats, le producteur a la garantie de pouvoir récolter du sainfoin pour alimenter son troupeau ou pour la vente, le tout pour un coût relativement modéré.
Atouts et limites de la culture de Sainfoin :
Article rédigé par Catherine Venineaux – ADABio, David Stéphany – ADABio, Samuel L’Orphelin – Agrobiodrôme, initialement publié dans La Luciole n°20, juin-juillet 2018
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