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En 2015 et au début de l’année 2016, 85 éleveurs laitiers du Rhône et de la Loire ont fait la demande d’un diagnostic de conversion. 72 éleveurs, ayant réalisé ou non des diagnostics, se sont convertis entre mai 2015 et juillet 2016. Ces conversions soulèvent de nombreuses questions concernant l’évolution de ces exploitations. Afin d’apporter des éléments de réponse, une étude a été réalisée à l’ARDAB pendant six mois. Elle s’est déroulée en deux étapes : la réalisation d’une typologie des exploitations ayant réalisé un diagnostic de conversion en 2015 et début 2016 puis l’analyse des trajectoires suivies par les exploitations qui se sont engagées en agriculture biologique.
Au sein des exploitations ayant réalisé un diagnostic de conversion en 2015 et début 2016, on observe trois groupes distincts permettant d’établir une typologie de ces élevages :
Les exploitations du groupe A sont peu intensives (à la surface et/ou à l’animal) et ont une autonomie alimentaire élevée. Elles ont une production laitière par ha de SFP plutôt basse (de 2400 à 6500 L/ha SFP). Leur autonomie alimentaire totale est de 84 à 98%.
Dans le groupe B, on retrouve aussi des exploitations peu intensives avec une production laitière par ha de SFP allant de 4400 à 6500 L/ha SFP. En revanche, elles possèdent une autonomie alimentaire plus faible, de 69 à 84%, et une part plus faible de terres labourables.
Enfin, le groupe C est composé d’exploitations plus intensives à la surface (de 6500 à 11700 L/ha SFP) et qui possèdent une autonomie alimentaire élevée.
Des entretiens ont été réalisés dans 14 exploitations laitières des départements du Rhône et de la Loire qui sont aujourd’hui en bio et avaient toutes réalisé un diagnostic de conversion entre 2008 et 2010, afin d’analyser la trajectoire qu’elles ont suivi après leur engagement en bio. Le choix de ces exploitations a été fait pour plusieurs raisons. Tout d’abord, leur conversion s’est faite dans un contexte similaire : crise laitière en conventionnel en 2008-2009, forte demande du marché du lait biologique et incitations des laiteries à convertir les exploitations à l’agriculture biologique. De plus, il s’agit de systèmes d’exploitation semblables aux systèmes conventionnels actuels. Enfin, ces éleveurs sont en bio depuis 6 à 8 ans, ce qui leur permet d’avoir un recul suffisant par rapport à leur conversion, leur système ayant pu atteindre un rythme de croisière. L’analyse de ces entretiens a permis de mettre en avant trois trajectoires.
Elle est caractérisée principalement par une augmentation de la SAU. La production laitière totale augmente mais en plus faible proportion car on observe une diminution de la production laitière par hectare de SFP.
Les exploitations qui ont suivi cette première trajectoire ont donné une grande place aux cultures dans leur système. Ces systèmes se caractérisent par un ajustement de la production végétale à la production laitière qui veut être réalisée.
L’objectif à la conversion était l’augmentation de la production laitière. Le système fourrager est soit à base d’ensilage de maïs soit de foin séché en grange.
Elle se traduit par une augmentation de la production totale et par une SAU qui reste stable d’où une augmentation de la production en litres de lait par hectare de SFP. Les exploitations qui ont suivi cette trajectoire possédaient de nombreuses marges de progrès au départ. Elles ont optimisé leur système pour améliorer leurs résultats et ont réalisé un gain de production laitière.
L’objectif à la conversion était la recherche d’autonomie, mais ce n’est actuellement plus un objectif principal pour ces éleveurs. Les systèmes fourragers sont à base d’ensilage d’herbe et de foin.
Elle correspond à des exploitations ayant anticipé leur conversion. On observe donc une certaine stabilité ; elles ont notamment conservé leur autonomie alimentaire globale et fourragère. On observe une diminution du nombre de litres de lait produits par hectare de SFP.
Les choix réalisés par les éleveurs sont faits en fonction des contraintes de l’exploitation et en cherchant une cohérence entre productions végétales et animales. La priorité est donnée à l’autonomie fourragère, à défaut de pouvoir être autonome en concentrés.
L’objectif à la conversion était l’augmentation du revenu ainsi que la recherche de l’autonomie alimentaire totale et en particulier protéique. Ces systèmes, proches du bio et possédant peu de marges de manœuvre au départ, ont suivi une évolution progressive jusqu’à la conversion.
Aucune de ces trajectoires ne se rapporte à un des trois groupes de départ et aucun lien n’a été trouvé entre les caractéristiques des systèmes alimentaires au moment de la conversion et les évolutions qui ont eu lieu sur les exploitations par la suite. L’étude montre que les systèmes de départ ne définissent pas les trajectoires que vont emprunter les éleveurs ni la réussite ou non de leur conversion. C’est davantage l’objectif en début de conversion qui va définir la trajectoire.
On constate que la cohérence du système est un point clé des réussites d’exploitation en agriculture biologique. Très souvent les charges ont diminué après la conversion grâce à l’optimisation de l’alimentation ou la diminution des frais vétérinaires. Tous les éleveurs interrogés (à l’exception d’un seul dont le lait n’est pas valorisé en bio) ont exprimé avoir connu une augmentation de leur revenu disponible avec la conversion à l’agriculture biologique.
Etude menée par Charlotte DUMAS au sein de l’ARDAB, sous la direction de Marianne PHILIT