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L’élevage des veaux sous la mère ou avec une nourrice questionne de plus en plus d’éleveurs, même l’INRAE qui a étudié la question. Sachant qu’en agriculture biologique, l’élevage des génisses doit se faire avec du lait maternel, pourquoi ne pas laisser les veaux téter ?
Voici le témoignage de deux élevages laitiers cantaliens ayant mis en pratique la tétée des veaux en parallèle de la traite des vaches, ainsi que les premiers résultats d’un projet mené par l’INRAE via l’Herbipôle de Marcenat (15).
Pourquoi avez-vous mis en place la tétée avec nourrices ?
Nous avons 45 vêlages en 2 mois dont 30 en février. Nous avions beaucoup de tétées au seau à effectuer, beaucoup de temps à passer sur l’apprentissage des veaux. Nous avons fait un essai, qui a bien fonctionné, donc nous avons continué.
Les veaux tètent leurs mères pendant 15 à 21 jours. Ensuite, les mâles sont vendus et les femelles sont adoptées par des nourrices.
Nous les faisons venir 4 par 4 dans l’aire attente, nous amenons les 4 veaux pour téter. Nous surveillons la tétée, ensuite nous passons les 4 vaches en salle de traite et ramenons 4 vaches pour téter. Nous faisons ce travail à 2, un en salle de traite et un avec les veaux.
Nous ne gagnons pas en temps de travail car nous passons du temps avec les veaux mais nous gagnons en simplicité. Nous n’avons pas de transfert de lait, de lavage de seaux, de tétines… ni de veaux qui ne veulent pas téter. Ce système nous convient bien.
Nous conduisons les nourrices avec le troupeau de vaches laitières, dans le même troupeau. Les veaux tètent donc pendant les heures de traite. Lorsque nous ramenons le troupeau, les nourrices vont dans le parc des veaux et les vaches à la traite dans l’aire d’attente.
Nous avons adapté le système à notre bâtiment (logement des veaux, aire d’attente et salle de traite) mais aussi au fait que les vêlages sont groupés.
Il n’y a pas forcément de recettes toutes faites, il faut le faire comme on le sent. Sur certains veaux ou certaines nourrices, cela ne fonctionne pas comme on le voudrait : une vache qui ne veut pas son veau ou qui ne veut pas être nourrice. Il est important de s’adapter, de faire avec nos envies et celles des animaux !
Depuis quelques années, David et Philippe travaillent avec un troupeau de tatas en plus du troupeau de vaches laitières pour élever les génisses de renouvellement. « Nous avons mis en place ce fonctionnement car nous souhaitions nous libérer du temps et nous simplifier le travail. »
Comment mettez-vous en place le troupeau de nourrices ?
Lorsque les veaux naissent, ils tètent leurs mères pendant 3 semaines à un mois. Elles sont traites matin et soir avec le reste du troupeau, avec qui elles sont en permanence. De temps en temps, les veaux suivent et viennent également en salle de traite ou à la pâture !
Ensuite, les mâles sont vendus et nous faisons adopter les femelles à des tatas. Chaque tata a 2 à 4 velles suivant sa production.
Quand nous rentrons le troupeau pour la traite, les vaches se séparent en deux. Une partie va en aire d’attente et l’autre partie va vers les parcs pour faire téter les adoptées.
Au fur et à mesure de l’avancement des naissances, nous constituons un troupeau de tatas. Quand l’adoption est acquise, les tantes et leurs protégées partent ensemble à la pâture comme en système allaitant traditionnel.
Comment choisissez-vous les nourrices ?
Le choix des tatas est important. Il faut qu’elles soient calmes et acceptent plusieurs veaux. Nous avons remarqué que les veaux élevés avec les tatas ruminent plus rapidement que les autres. Les tatas ont un rôle d’éducation sur les petites génisses très important, comme en système allaitant.
Ils nous arrivent de mettre « en réforme tata » une vache avec des soucis de quartier. On s’est rendu compte, avec plusieurs expériences, que les vaches ayant un souci à un quartier pouvaient repartir dans le circuit « traite » dès la lactation suivante. En fait, la tétée doit mieux vider le quartier et celui-ci se remet beaucoup plus vite. Pour en avoir discuté avec d’autres éleveurs, nous ne sommes pas les seuls à avoir remarqué cela. Mettre une vache dans le circuit « tata » peut être une solution avant l’étape de la réforme pour des problèmes de cellules.
Avez-vous vu une différence sur la quantité et sur la qualité du lait ?
Nous sommes suivis par le contrôle laitier. Dès le départ, ils nous ont accompagnés dans la mise en place de ce système, par un suivi de croissance et une correction de la quantité de lait pour les premiers contrôles car le veau se sert avant nous.
Nous avons remarqué également une baisse du TB (environ 5 à 6 pts) dans le lait des vaches tétées qui passaient aussi à la traite mais il redevient normal quand il n’y a plus de tétée. Pourquoi ??? Malgré nos appréhensions pour les cellules pendant et après cette phase d’allaitement, avec nos 3 ans de recul, nos doutes sont levés.
Depuis 2017, l’INRAE, via l’herbipôle de Marcenat dans le Cantal, a mis en place une expérimentation sur l’élevage des veaux laitiers sous leurs mères.
Les objectifs de cette expérimentation sont de :
Plusieurs essais ont été menés sur 3 ans :
Lors de la phase de pâturage, les veaux des 2 derniers lots suivaient les mères à la pâture. Ils étaient séparés entre la traite du soir et celle du matin.
L’analyse des premiers résultats permet de dire que, comparées à un système laitier classique, les différentes options pour laisser les veaux sous la mère impactent la production laitière. Le volume de lait livré est plus faible (environ 6 %), les taux sont modifiés (diminution du TB et augmentation du TP). La croissance des veaux est plus importante avant sevrage sur les lots ayant tété que sur le lot témoin. Le stress à la séparation/sevrage est plus important pour les animaux ayant vécu avec leur mère.
Les apprentissages, comme la pâture, la rumination et l’approche des clôtures électriques ont été aussi mesurés. Les différents lots de veaux ont été testés seuls (sans les mères) sur des paddocks d’herbe fraîche et d’herbe montée en épis. Le lot témoin a mis 24h pour trouver le paddock d’herbe fraîche à pâturer, le lot ayant suivi les mères précédemment, 3 minutes. Les veaux ayant pâturé avec leurs mères sont plus dégourdis et en avance que le lot témoin.
Article rédigé et propos recueillis par Lise Fabriès – Bio15, initialement publié dans La Luciole n°30, hiver 2021
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