Alimentation des volailles bio en circuit court : retour d’expérience

Publié le : 6 mars 2019

L’alimentation des volailles, notamment en circuits courts, soulève de nombreuses questions : Comment avoir une ration équilibrée ? Faut-il acheter l’aliment ou préférer la fabrication à la ferme ? Comment être autonome et indépendant du soja avec fabrication de l’aliment à la ferme ? Pour aider à la prise de décision, trois demi-journées ont été organisées dans des fermes en Lorraine pour échanger sur les pratiques d’alimentation, la composition des aliments et les besoins des volailles.

Retour d’expérience de Tristan Schmitt, à la ferme bio d’Alteville à Tarquimpol (57), éleveur de volailles en diversification sur une ferme de polyculture-élevage (céréales et vaches allaitantes).

Pour Tristan, la stratégie d’alimentation des volailles de chair est orientée sur un maximum d’autonomie alimentaire lors des phases de croissance et de finition. Il favorise l’approvisionnement en local. Cependant en fonction de la réponse des volailles à l’aliment fermier, il a fait évoluer sa stratégie.

Quels ont été les choix de conduite d’élevage et d’investissements liés à l’aliment fermier, sur cette ferme diversifiée ?

La souche des volailles, un choix adapté à la vente directe et à l’utilisation d’un aliment fermier

Tristan et Ghislain

Selon Tristan, le poulet de chair blanc (JA 57) répond mieux en croissance à l’aliment fermier (moins performant qu’un aliment du commerce) que la souche « cou nu », qui est plus rustique, donc plus tardive en croissance. Ce sont des poussins non sexés (mâles et femelles) qui sont élevés, l’engraissement étant différent en fonction du sexe, de manière à étaler les abattages pour la vente directe.

Les outils utilisés en 2016 pour la fabrique d’aliment fermier

En 2016, un aplatisseur est utilisé et le mélange des céréales est fait au godet. La distribution de l’aliment est manuelle.

Sur la ferme, les outils de fabrication de l’aliment pour volailles sont issus d’un compromis entre simplification du travail, économie et performances techniques des volailles en atelier de diversification. Par exemple, l’aplatisseur a été rentabilisé depuis longtemps par l’atelier bovin.

La conduite d’alimentation

Les poussins mangent 1 kg d’aliment de démarrage du commerce jusqu’à 21 jours (en miettes). Puis l’aliment de démarrage est mélangé à l’aliment fermier de croissance-finition pendant 5 à 6 jours pour assurer la transition. L’aliment fermier de croissance-finition est ensuite donné de la 4ème semaine jusqu’à l’abattage. Au total, les poulets mangent 10 à 15 kg de céréales chacun pendant leur vie.

Une ration fermière 2017 adaptée et une stratégie d’alimentation modifiée pour des volailles en meilleure santé

Des changements nécessaires

Jusqu’en 2017, Tristan Schmitt formulait lui-même son aliment fermier en fonction des matières premières disponibles sur la ferme et sur les fermes bio locales. Sa stratégie d’alimentation des volailles a changé suite à une plus grande mortalité (20 %) et un amaigrissement des volailles. Après réflexions et autopsies, un problème d’équilibre de la ration a été pointé.

Suite à ce constat, des décisions ont été prises :

  • un prestataire vient à la ferme tous les 3 mois pour broyer et mélanger les matières premières pour un aliment moins grossier et plus homogène
  • un aliment complémentaire de Probiolor est acheté pour ré-équilibrer la ration. Il est formulé en fonction des valeurs nutritionnelles des matières premières de la ferme et de celles achetées.

Observations en élevage suite à ces adaptations

© Bio en Grand Est

Suite à ces changements de pratiques, les volailles ont eu de meilleures croissances et de meilleures conformations. Elles ont pu être abattues en 90 jours au lieu de 120 jours pour les dernières. La consommation d’aliment a été la même sur un cycle plus court. Les volailles ont tendance à moins sortir et explorent moins le parcours. Et la mortalité est descendue à un niveau plus acceptable, entre 5 et 10 %.

Les poulets pèsent aujourd’hui 2,5 Kg carcasse en moyenne et sont vendus à 11 euros le kilo. Quant à l’aliment fermier, son coût est estimé à 550 € la tonne en prenant en compte l’aliment complémentaire à 24 % et la prestation de broyage.

Présentation de la ferme

  • 2 associés (Tristan et Ghislain) et 1 salarié boucher et agricole polyvalent
  • SAU : 170 ha dont 80 ha de PN, 40 ha de PT, 50 ha de SCOP
  • Animaux :
    • Vaches allaitantes : Blondes d’Aquitaine
    • Volailles de chair : canards (1 x 150/an), poulets et pintades (6 x 250/an)
  • Transformation : Laboratoire (non CE) de découpe et transformation des productions animales – Tuerie de volailles
  • Débouchés : vente à la ferme, AMAP, commandes groupées, magasin collectif, PROBIOLOR (pour les céréales non autoconsommées)

En résumé, quand on formule son aliment en choisissant ses matières premières, Tristan pense qu’il faut faire des choix pour trouver le meilleur compromis entre :

  • Utiliser le maximum de matières premières bio locales et le moins de soja possible ;
  • Trouver l’équilibre énergétique et protéique de la ration qui correspond aux besoins de l’animal en termes de santé et de croissance ;
  • Avoir une viande de qualité et de bonne conformation, ce qui peut être liée entre autres au comportement de la volaille, tel que l’exploration du parcours) ;
  • Limiter les investissements et le coût économique de la ration fermière en utilisant des outils polyvalents sur les différents ateliers d’une ferme diversifiée.

Composition de l’aliment unique fermier 2017 (croissance-finition)

  • 18 % Blé autoproduit
  • 5 % Orge autoproduit
  • 4 % Féverole autoproduit
  • 15 % Triticale autoproduit
  • 4 % Pois autoproduit
  • 10 % Tourteaux de tournesol bio local
  • 20 % Maïs bio local
  • 24 % Aliment complémentaire Probiolor (soja + vitamines et minéraux)

En conclusion, les compromis qu’a fait Tristan pour aboutir à une ration équilibrée amènent à penser qu’il est difficile de se passer du soja avec les souches modernes de volailles. Utilisé généralement sous forme de tourteau, la présence de soja reste importante et nécessaire pour éviter les carences. Travailler avec des races locales peut permettre de réduire au maximum le recours au soja, voire de le supprimer de la ration. De plus, fabriquer plusieurs aliments différents pour les adapter au mieux aux besoins, avec au moins un aliment pour la croissance et un autre pour la finition, permet de limiter la quantité de soja… Mais cela pose ensuite la question de la faisabilité dans un petit élevage, et le rapport entre bénéfices et contraintes supplémentaires.

Rédaction : Julia Sicard (Bio en Grand Est)