Adaptation au changement climatique en maraîchage biologique

Publié le : 15 janvier 2021

L’année climatique 2019 particulièrement agitée par une canicule précoce et des orages violents, a amené les maraîchers bio à se questionner sur la résilience de leur ferme et sur les évolutions possibles à mettre en œuvre dans les années à venir. Pour accompagner cette démarche, l‘ADABio a démarré l’année 2020 par des bilans de campagne maraîchage autour la conduite des légumes d’été sous abris et gestion climatique, lançant ainsi par la suite un programme de différentes rencontres techniques sur l’été. Retours sur ces différentes phases d’accompagnement et des perspectives techniques.

En février, 30 maraîchères et maraîchers ont pu échanger sur la conduite des cultures dans un contexte de changement climatique. La restitution d’une enquête préalable[1] sur « les impacts du changement climatique et les adaptations en cultures estivales sous-abris » a permis de poser des bases d’échanges et discussions sur le sujet.

Chaque groupe a identifié des causes potentielles aux problèmes rencontrés pour ensuite apporter des solutions déjà existantes ou des pistes de travail :

Popularisation de techniques existantes : Pistes de travail / tests :
Aération des serres (équipements et gestion de l’aération) Filets d’ombrage (matériel, technique de pose, effet)
Bassinage sous-abris (équipements et gestion dont automatisation) Ombrage végétal (agroforesterie)
Blanchiment des plastiques de serre (méthode d’application, produits, période) Serre mobile : itinéraires techniques innovants
Adaptation des calendriers culturaux Test de paillages pour réduire la température du sol
Adaptation par le choix variétal Transfert légumes d’été sous-abris vers le plein champ
Développement de la biodiversité fonctionnelle comme outil de gestion des bioagresseurs Automatisation de l’irrigation

Tableau 1 : Synthèse des solutions et pistes de travail comme levier d’adaptation au changement climatique identifiées lors des bilans de campagne

 

[1] Enquête menée par trois étudiants de la Licence Pro Eco-Conseil de la Côte St André auprès des maraîchers bio de la zone ADABio

De quoi donner de nombreuses perspectives d’accompagnement pour l’année 2020, passant par des visites de fermes en saison sur la gestion climatique, de l’acquisition de références d’itinéraires innovants et des tests chez des maraîchers ! Retours des visites techniques collectives organisées en juin et juillet 2020 par l’ADABio

Itinéraires techniques des cultures estivales conduites en plein champ

GAEC LA AMAPOLA, Moirans (38)

Aubergine et poivron plein champ au GAEC la Amapola

Dans la plaine de l’Isère, les aubergines, poivrons, tomates et concombres sont produites en plein champ depuis plus de 20 ans par les voisins maraîchers. Pierrick du GAEC La Amapola s’est lancé plus récemment sur ces cultures en plein champ.

A retenir de ses expériences, il ne faut pas se précipiter au printemps avec une plantation qui n’aura pas lieu avant la 2e semaine de mai. En effet, l’objectif est de renforcer les récoltes de mi-août à fin septembre correspondant aux retours de vacances des Grenoblois, il n’est donc pas nécessaire de chercher la précocité. L’usage de paillage plastique noir réchauffe davantage le sol et ainsi permet une meilleure reprise des plants. Cette couverture de sol répond aussi à la volonté de limiter l’entretien sur une culture où le rendement ne sera pas équivalent aux cultures sous-abris. Dans ce même esprit, aucun palissage n’est mis en place pour ces cultures et seulement une taille légère est effectuée sur aubergine (jusqu’à la 1ère fleur). La fertilisation sera elle aussi plus légère qu’en serre, avec un apport en engrais organique (équivalent à 90 N, 60 P, 150 K).

Des pressions de ravageurs globalement plus faibles qu’en serre : La pression pucerons est presque inexistante en plein champ par contre ce n’est pas le cas des punaises qui causent de nombreux dégâts sur fleurs d’aubergine (lygus).

Aubergine Tomate
Black gem (F1, fruit ½ long, noir brillant)

Rosa bianca (fruit rond, rose et blanche, très bonne qualité gustative, pas d’amertume)

Rania (F1, fruit allongé, zébrée violette et blanche)

Honey moon (F1, résistante mildiou, bonne au goût, rose)

Fantasio (F1, gros fruit rond rouge, tolérance mildiou)

Ferline (vieille F1, petit fruit rond rouge)

 

Concombre Poivron (types pointu, allongé)
Akito (F1, court épineux)

Tirano (F1, court épineux, plus long qu’Akito)

Lipari (F1, doux, vert/rouge vif)

Corno di Toro (un rouge et un jaune)

Nikita (doux, jaune pâle dès le démarrage, 1er poivron de couleur sur l’étale du marché !

Tableau 2 : Le choix variétal pour les cultures en plein champ (GAEC La Amapola)

EARL SAINT SAUVEUR, Anjou (38)

La tomate est la culture phare de l’exploitation Saint Saveur. 31 variétés sont produites chaque année dont 15 variétés en semence population destinées aux magasins Biocoop.

Tomate plein champ tuteurée avec des grilles de fer à béton – EARL Saint Saveur

La tomate est produite en plein champ depuis deux ans sur l’exploitation, cette série complète deux autres implantées sous abris pour répondre au marché de la restauration collective à la rentrée scolaire en septembre. C’est pourquoi, Eric de l’EARL Saint Saveur cherche une variété de petit calibre (une tomate = 100 gr). Dans cet esprit, la variété « Défiant », résistante au mildiou,  a été testée, mais ce choix n’est pas complétement satisfaisant car le fruit est trop souple pour être tranché et peu homogène en couleur.

Plantation en semaine 20 sur paillage plastique noir. Un engrais organique contenant du Guano (5-2-8) est apporté avant la plantation jusqu’à 4 T/ha (200 N, 80 P, 320 K).

Sur sol léger, l’irrigation est réalisée au goutte à goutte de manière très régulière avec de faible quantité d’eau (tous les 2 jours).

Démarrage de la récolte mi-août, avec pic de production à mi-septembre correspondant au besoin de la restauration scolaire. Les excédents sont transformés en coulis.

Paillage/entretien Densité Tuteurage Taille
Aubergine

(GAEC la Amapola)

Plastique PE noir

Motobineuse dans les allées

2 lignes par planche (40 cm en quinconce) et 1 m entre plant Non Oui jusqu’à la 1ère fleur
Tomate

(GAEC la Amapola)

Plastique PE noir + toile hors sol dans les allées 1 ligne par planche Non Non
Tomate

(EARL Saint Sauveur)

Plastique PE noir

Vibroculteur dans les allées

1.80 entre ligne et 60 cm entre plant Oui (treillis à béton) Oui jusqu’au 1er bouquet
Poivron

(GAEC la Amapola)

Plastique PE noir

Motobineuse dans les allées

2 lignes par planche, 50 cm entre plant Oui Non
Concombre

(GAEC la Amapola)

Plastique PE noir + toile hors sol dans les allées 1 ligne par planche Non

 

Non

Tableau 3 : Itinéraire technique en bref des cultures en plein champ

Pour conclure, les cultures rencontrent globalement moins d’aléas en plein champ, les productions sont assez stables d’une année à l’autre. Sauf peut-être pour l’aubergine qui est de plus en plus attaquée par les punaises en plein champ. Le choix de basculer ces différentes cultures en plein champ vient du fait que la place est limitée sous-abris. Il y a certes un peu moins de rendements au m² mais ce sont des cultures qui demandent moins d’entretien que sous les abris. Ces cultures en plein champ vont prendre le relais des séries sous-abris, sauf peut-être le poivron et l’aubergine au GAEC La Amapola dont la proportion récoltée est largement plus importante en plein champ.

Gestion climatique sous-abris : comparaison filet d’ombrage VS blanchiment

EARL SAINT SAUVEUR, Anjou (38)

Réalisé chaque année depuis plus de 20 ans, le blanchiment est indispensable selon Eric ! L’opération est réalisée dès la fin du mois de mai sur tous les tunnels de cultures d’été à raison de 25 kg / 100 L (dosage léger) d’une peinture ombraflex horticole renforcé. Celle-ci apporte une bonne tenue sur l’ensemble de la saison. Cas particulier, les tunnels de fraises sont blanchis début mai au démarrage de la récolte pour améliorer le confort des saisonniers.

Dans un objectif de confort de travail, les filets d’ombrage sont testés depuis 2020 sur l’exploitation. Pour une couverture efficace, il faut compter 12 m de large de filet pour couvrir les plus grandes serres de 9.60 m de large. Avec ce dimensionnement les filets arrivent sur les côtés à 1.5 mètre du sol. Si la largeur est trop faible, à choisir, il faut préférer couvrir plus bas le côté le plus exposé au soleil (sud et ouest) pour éviter les coups de soleil sur fruits.

Deux types de filets sont testés : un gris aluminisé qui est plus diffusant en lumière ; un blanc plus ombrant et plus cher.

La pose des filets prend environ 1 heure à 3 personnes pour l’équivalent de 800 m2 de serres. Les filets sont plaqués sur le plastique à l’aide de ficelles qui enserrent les arceaux.

Filet d’ombrage à l’EARL Saint Saveur, système d’amarrage avec ficelle sur arceau

Ces ficelles sont accrochées au-dessus de l’ouvrant latéral pour ne pas l’entraver.

Ô P’TITS LEGUMES, Mésigny (74)

En lien avec l’augmentation de l’ensoleillement ces dernières années, Aurore a investi dans des filets d’ombrage. Avant cela, Aurore blanchissait à l’argile, mais elle n’était pas satisfaite par cette technique car l’argile était lessivée et elle devait repasser après chaque pluie de plus de 15mm.

Ces filets sont fixés avec des sangles à des amarres. C’est assez simple à installer, une fois les amarres implantées, c’est une opération à réaliser à deux personnes.

Le filet mesure 8m de largeur (à peine assez large pour les serres de 9.60 de large). Les filets sont retirés mi-septembre, lorsque les risques sont limités. Les filets pourraient être retirés s’il y a un risque de temps couvert prolongé.

A l’intérieur du tunnel ombré par le filet, le comportement des plantes est différent et visiblement meilleur que dans un tunnel blanchi à l’argile. Avec son recul de deux années d’utilisation, Aurore perçoit un meilleur développement des plantes qui souffrent moins de la chaleur (notamment les concombres plantés fin avril et les aubergines).

Filets d’ombrage Blanchiment
Temps de travail · 1 heure à 3 personnes pour 800 m² de tunnels

· Variable selon systèmes de fixation

· Variable selon équipement de pulvérisation

· Argile : 2 passages mini

· Peinture : 1 passage peinture+ 1 passage de déblanchiment

Efficacité ·         Identique à une très bonne application de peinture

·         Filet est plus efficace qu’une application d’argile

Coûts 1.15 € à 1.25 € par m² de serre (pour 1000 m² couverts : amortissement de 230 à 250 €/an sur 5 ans) · Peinture (ombraflex horticole) : 140 € par an

· Argile (Sokalciarbo WP) : 40 € / an

Tableau 4 : Synthèse filet d’ombrage vs blanchiment

Article rédigé par Rémi Colomb (Adabio), complété par Alexandre Barrier-Guillot (Frab Aura) et Céline Venot (Adabio), relu par Pierrick Revel (GAEC la Amapola) et Eric Rozier (EARL Saint Sauveur) et initialement paru dans La Luciole n°29, automne 2020