Kiwis biologiques fertilité et fertilisation

Publié le : 13 avril 2021

Kiwi biologique © CDA 64

 

Le kiwi est une liane dont les besoins atteignent facilement les 150 unités d’azote par cycle de production.
Cette quantité d’azote, relativement importante pour un système bio, est nécessaire pour garantir un bon rendement (tonnes/ha) mais surtout un bon calibre de fruits, ce qui permet d’optimiser le prix de vente et les circuits commerciaux.

Rappel réglementaire

Le règlement AB vise à maintenir la fertilité des sols notamment en préservant ou en augmentant leur teneur en matière organique.

L’apport d’azote est limité à 170 unités d’azote/ha de SAU bio de l’exploitation/an. Les engrais et amendements autorisés en AB sont listés en annexe 1 du règlement 889/2008.

Engrais ou amendements en AB

Les amendements servent à redresser les teneurs en matières organiques du sol. Ils sont nécessaires à la bonne vie du sol. Ils sont généralement apportés à la plantation sous forme de compost et en renouvellement en fonction des analyses de sols, des rendements observés, des dynamiques d’azote ayant eu lieu en année N et N-1 par des composts de fumier évolués à hauteur de 30 tonnes/ha. Un compost trop frais pourrait relancer trop rapidement la végétation et entraîner des risques de gel.
Au printemps un ou deux apports d’engrais organiques sont réalisés :

  •  un avant débourrement (sortie d’hiver),
  • un avant floraison.

Le rapport C/N donne ainsi une bonne indication (Cf. encadré C/N).

C/N, un indicateur de la vitesse de minéralisation de l'azote organique

Le rapport carbone sur azote, noté C/N, ne traduit pas la richesse en azote d’un produit organique. C’est un indicateur de la vitesse de minéralisation de l’azote organique. Le C/N du sol est en moyenne proche de 10.
Plus le C/N du produit apporté est proche de celui du sol, plus sa minéralisation sera rapide. Les produits a C/N faible sont des fertilisants : ils servent à nourrir la plante. Ils sont souvent d’origine animale.
Au-delà de 25, le produit contient beaucoup de carbone. Il est très stable : les micro-organismes du sol vont devoir utiliser de l’azote pour le dégrader.

Ces prélèvements, s’ils ne sont pas compensés, se feront au détriment de l’actinidia et se traduiront par une « faim d’azote ». Les produits à C/N>25 sont des amendements : ils servent à nourrir le sol, à améliorer sa teneur en matière organique stable. Ils sont plutôt d’origine végétale.
Le C/N peut parfois être insuffisant pour caractériser la stabilité d’un produit organique. L’ISB (Indice de Stabilité Biochimique) et désormais l’ISMO (Indice de Stabilité de la Matière Organique) sont deux méthodes qui permettent de mieux traduire la part qui sera convertie en humus stable. On peut considérer que :

  • un ISMO/ISB>60 équivaut à un C/N élevé et donc à
    un amendement,
  • un ISMO/ISB<30 équivaut à un C/N faible et donc à
    un fertilisant pour nourrir une plante.

Vous pouvez retrouver ces indices (C/N, ISB, ISMO) sur les étiquettes ou les analyses des produits organiques.

Stratégie de fertilisation organique des vergers d’actinidia

Les racines de kiwis sont assez superficielles et les producteurs n’enfouissent pas leur fertilisation.

En mode de production classique, les engrais minéraux apportés sont entraînés rapidement dans la zone racinaire par les pluies ou les irrigations. En production biologique, les engrais disponibles sont déposés sur le sol et doivent être dégradés sur place dans un premiers temps pour être entraînés par la suite vers les racines. A la différence de l’engrais minéral, l’engrais organique n’est pas directement assimilable par les végétaux.

Alors que l’engrais minéral contient déjà un mélange de molécules d’azote sous forme d’ions nitrates (NO3-) déjà assimilables, d’ions nitrites (NO2-) et d’ions ammonium (NH4+), l’engrais organique contient généralement une grande proportion d’azote organique, c’est à-dire des molécules d’azote liées et emprisonnées à la matière organique qui devront être dégradées par un cortège de microflore et bactéries du sol. Cette dégradation donne des ions ammoniums (NH4+). Quand ces ions sont incorporés dans le sol, les bactéries « nitrifiantes », les décomposent en ions nitrites, puis en ions nitrates. La présence d’oxygène est indispensable et un pH neutre ou légèrement alcalin est bénéfique à la nitrification. L’azote organique d’origine animale est plus rapidement dégradé que celui d’origine végétale.

Impacts de la fertilisation sur la qualité des fruits

Ces apports d’azote auront un effet notamment sur la conservation des fruits et doivent donc être réalisés avec parcimonie afin de limiter les libérations incontrôlées et incontrôlables, en accord avec une minéralisation ne se faisant pas dans le bon timing au vu des considérations précédentes.

Le kiwi débourre mi-mars, il faut donc que l’azote soit disponible début mars et ensuite de façon régulière dans le temps. Un manque d’azote, surtout en sol froid, cause des retards de végétation, avec des fruits plus petits. Mais le pic d’azote, qui arrive plutôt en juillet lorsque le sol est réchauffé, entraîne des risques de trop fortes croissances végétatives pénalisant les fruits.

L’apport d’un engrais à minéralisation rapide (azote organique d’origine animale) et riche en azote semble indispensable, mais quelle est la période la plus propice ? Le second apport d’engrais éventuel réalisé avant la floraison semble moins problématique compte tenu de conditions favorables aux différentes bactéries (chaleur et irrigation). Toutefois attention, trop de matière organique en fin de cycle rend les kiwis plein d’eau et ils vont mûrir trop vite en chambre froide et se conserveront moins longtemps. Il est donc important de finir l’éclaircissage des
femelles et les dernières fertilisations avant début juillet.

Impacts des conditions pédoclimatiques

Les conditions pédoclimatiques influent directement sur l’activité des organismes du sol. La microflore et les bactéries qui dégradent les composés organiques, ainsi que les bactéries nitrifiantes ont besoin de chaleur, d’humidité et d’oxygène.

Dans les productions de kiwis, ces conditions posent un réel problème, puisqu’il faut que de l’azote soit sous forme nitrate (NO3-) dès le début du mois de mars, autrement dit que toute la microflore soit active dès février alors même que le sol est encore trop froid.

Il faut donc anticiper l’apport mais le processus de minéralisation est difficile à maîtriser. Il dépend notamment de la vie biologique du sol, de la température du sol et de son hygrométrie, ainsi que du C/N du produit apporté (Cf. encadré C/N)

Ajuster son pilotage

Sur les printemps chauds et secs, le pilotage de l’irrigation peut favoriser la minéralisation de l’azote organique. Les apports d’amendements à l’automne doivent être pilotés de façon pluriannuelle afin de tenir compte des arrières effets de fumiers sur plusieurs années. L’usage d’engrais d’origine animale (plutôt pour la plante) et végétale (plutôt pour le sol) permet aussi d’étaler et d’équilibrer les apports faits au verger.
Souvent en production AB, on constate des maturités et des récoltes plus tardives d’une à deux semaines en accord avec les périodes de disponibilité de l’azote.

Les difficultés liées à la fertilisation organique sont de trois ordres : la nature hétérogène des engrais organiques, son incorporation au sol, et les besoins propres de la plante. Des essais menés dans le Sud-Est ont mis en évidence un certain intérêt pour des fertilisants de type guano ou tourteau de ricin, riches en azote facilement libérable.

Cependant, ces produits onéreux ne permettent pas de compenser les pertes de rendements, ni de calibres observés en vergers kiwis bio. Ainsi, nos observations dans le Sud-Ouest montrent que l’on perd un calibre en zone d’alluvions et deux calibres en zone de coteaux lors du passage en agriculture biologique. Sur le bassin Sud-Ouest, les engrais à base de
plumes ont montré leur intérêt en termes de rapidité de minéralisation. Cependant, ils sont eux aussi relativement onéreux et deviennent de plus en plus rares. Enfin, il semble évident, que la maîtrise de l’enherbement joue pour beaucoup dans l’optimisation des rendements avec un azote plus efficace pour les arbres.

Exemples de programmes de fertilisation et amendement

Voici un exemple de programme de fertilisation et amendement sur verger Hayward, sur les coteaux de l’Adour dans le nord des Pyrénées-Atlantiques.

Fertilisation conduite uniquement à base d’engrais organiques utilisable en agriculture

  • 4 avril : engrais organique UAB 6-3-3 à 640 kg/ha inclus calcium et magnésium (=36-18-18 U/ha) et 140 Ca et 6 Mg/ha ;
  • 23 mai engrais organique UAB 6-4-3 à 1 000 kg/ha (60-40-30 U/ha) + patentkali 350 kg/ha = 200 U de K/ha et
    64 U de Mg/ha) + lithotamne 600 kg/ha (= 120 U de Ca/ha) ;
  • 9 juillet engrais organique UAB 6-4-3 à 350 kg/ha (=20-14-10 U/ha).

Engrais foliaire UAB complémentaire

  •  18 juin fer 100 g/ha + bore 2 l/ha + Magnésium 1,2 kg/ha + Manganèse 1,2 l/ha ;
  • puis apport 3 fois tous les 10 jours des 4 éléments séparément.

Exemple de programme de fertilisation et amendement de verger en Lot-et-Garonne

  • après la taille en février, apport de 25 t/ha de marc de raisin ;
  • fin février, apport de 1,2 t/ha de fientes de volailles/poudre de viande ;
  • 5 semaines plus tard, apport de 600 kg/ha du même produit ;
  • apport de patentkali riche en potasse et soufre.

Maintenir la fertilité des sols en vergers bio

Bio Nouvelle-Aquitaine a organisé des ateliers de co-conception entre arboriculteurs pour définir les axes de recherche expérimentale par et pour les agriculteurs bio. La question posée concernait les pratiques à favoriser pour maintenir la fertilité des sols en vergers bio dans les années
à venir.
Parmi les ateliers, Cédric FAYDI, producteur de prunes et de kiwis dans le Tarn, a expliqué tester depuis 2 ans l’insertion de poules et brebis dans ses rangs de fruitiers, en plus du semis de trèfle blanc. Son objectif : autonomie pour la fertilisation et diminution des produits phyto dans la gestion des maladies et ravageurs. Aujourd’hui, il produit 20 t/ha en kiwi et 10 à 15 t/ha en prune sans ajout de fertilisation organique.
Les résultats des ateliers montrent que la fertilité des sols est modulée
par de nombreux facteurs et impactée par les pratiques agricoles. Il est important de développer des indicateurs pertinents, de multiplier les suivis en vergers bio et les références en parcelles expérimentales pour définir des itinéraires techniques favorisant l’équilibre global d’un verger, tout en garantissant les apports nécessaires aux cultures en fonction de différentes conditions pédoclimatiques. La recherche participative est en  ce sens un axe primordial à développer dans les années à venir. Merci aux
participants !

Rédigé par
Margot ARCHAMBEAU, Bio Nouvelle-Aquitaine
m.archambeau47@bionouvelleaquitaine.com

Pour aller + loin : Les Chambres d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine vont publier prochainement le guide ˝ Conduite du kiwi en agriculture biologique dans le Sud-Ouest ˝.

Rédigé par :
Séverine CHASTAING, Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne severine.chastaing@cda47.fr
Margot ARCHAMBEAU, Bio Nouvelle-Aquitaine m.archambeau47@bionouvelleaquitaine.com

Crédits photos  CDA 64 et Bio Nouvelle-Aquitaine

Article initialement publié dans le ProFilBio N°12 – mars 2021