Substances naturelles : Où en est-on réglementairement ?

Publié le : 17 octobre 2019

Cet article constitue la première partie d’un retour en deux temps sur les journées techniques de l’ITAB consacrées aux substances naturelles. Dans ce premier article sera abordée la question de la réglementation, et un second traitera de questions techniques.

Les 10 et 11 avril 2019 ont eu lieu les journées techniques (JT) de l’ITAB. Cette 4ème édition portait sur l’avancée des travaux de recherche sur les substances naturelles (SN) en production végétale et visait également à faire un point réglementaire. Ces journées ont permis de valoriser les travaux de recherches/expérimentations sur ce sujet mais aussi d’identifier les leviers techniques et réglementaires à mobiliser. En effet, ce n’est pas simple de s’y retrouver réglementairement parlant.

Qu’est-ce qu’une substance naturelle ?

Ce sont des substances présentes dans le milieu naturel et pouvant être d’origine végétale, animale, minérale ou microbienne. Elles peuvent se substituer à des produits phytopharmaceutiques de synthèse ou d’origine naturelle.

Ces substances sont prises en compte pour la protection des plantes ou la biostimulation par différentes réglementations, au niveau européen et/ou national.

Les SN se divisent en 2 catégories:

  • Les produits de biocontrôle
  • Les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP)

Les SN sont des leviers prometteurs et innovants pour la protection des végétaux. En effet, la diversité de ces substances et de leurs activités biologiques en font un important réservoir de solutions pour la protection des plantes.

Par extension quelques composés alimentaires ou usuels sont considérés comme des SN, ex : vinaigre, petit-lait…

Les SN sont des candidats spontanés pour les applications en substances de base dans le cas de la protection des plantes (ou en biostimulants dans l’autre catégorie des PNPP) sans que cela soit une garantie d’approbation.

Source : Actes des Journées Techniques de l’ITAB, disponibles ici

Les produits de biocontrôle

Ces produits sont définis dans le Code rural et de la pêche maritime à l’article L253-6 comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures.

Ils comprennent en particulier :

  • Les macro-organismes.
  • Les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. »

D’après IMBA France (International Biocontrol Manufacturers Association France), « les solutions de biocontrôle protègent les plantes au regard des stress biotiques (les maladies, les insectes et autres organismes nuisibles, les adventices). Ils utilisent les mécanismes et interactions naturels. Le principe du biocontrôle est fondé sur la gestion des stress et des équilibres naturels des populations d’agresseurs plutôt que sur leur suppression. »

Les produits phytopharmaceutiques sont autorisés via la procédure de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les macro-organismes indigènes (présents naturellement sur le territoire) ne sont pas règlementés. Les macro-organismes non indigènes font l’objet d’une demande d’entrée sur le territoire et d’introduction dans l’environnement, qui est accordée ou non par arrêté conjoint du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé de l’environnement après évaluation du risque phytosanitaire et environnemental par l’ANSES (article L258-1 du Code rural).

En 2020, il est prévu que le marché mondial des produits de biocontrôle représente 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En France, ce marché connaît une croissance très rapide (+25 % entre 2016 et 2017, +24 % entre 2017 et 2018). En 2018, il s’établissait à 170 millions d’euros et représentait 8 % du marché de la protection des plantes.

La liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle est disponible ici : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2020-465

 

 

Les Préparations Naturelles Peu Préoccupantes

Il n’existe pas de PNPP au sens de l’Europe (en particulier, elles ne sont pas définies par le règlement (CE) n°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques).

En France, elles sont définies à l’article L253-1 du Code rural et de la pêche maritime : « Une préparation naturelle peu préoccupante est composée exclusivement soit de substances de base, au sens de l’article 23 du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, soit de substances naturelles à usage biostimulant. Elle est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final. »

Le « procédé accessible à tout utilisateur final » est défini à l’article D255-30-1 du Code rural et de la pêche maritime et correspond « à une absence de traitement ou à un traitement reposant exclusivement sur des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, la dissolution dans l’eau ou dans l’alcool, la flottation, l’extraction par l’eau ou par l’alcool, la distillation à la vapeur ou le chauffage uniquement pour éliminer l’eau ».

Il existe deux catégories de PNPP : les substances naturelles à usage biostimulant (SNUB) et les substances de base (SB).

Les SNUB

Les SNUB font partie des « matières fertilisantes », définies à l’article L255-1 du Code rural. Elles sont définies comme des matières « dont la fonction, une fois appliquées au sol ou sur la plante, est de stimuler des processus naturels des plantes ou du sol, afin de faciliter ou de réguler l’absorption par celle-ci des éléments nutritifs ou d’améliorer leur résistance aux stress abiotiques ».

Les SNUB sont autorisées selon une procédure et une évaluation simplifiées, dont les modalités sont fixées par voie réglementaire. La procédure et l’évaluation sont adaptées lorsque la demande d’autorisation porte sur la partie consommable d’une plante utilisée en alimentation animale ou humaine (article L253-1).

L’arrêté du 27 avril 2016 a autorisé en tant que SNUB « les plantes ou parties de plantes mentionnées à l’article D4211-11 du Code de la santé publique [N.D.R : les plantes ou parties de plantes inscrites à la pharmacopée qui peuvent être vendues par des personnes autres que les pharmaciens], sous la forme dans laquelle elles y sont inscrites ou résultant d’un procédé accessible à tout utilisateur final ».

Pour compliquer la situation, il existe également la catégorie de biostimulant

Dans le règlement (UE) 2019/1009 du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, qui entrera en application le 16 juillet 2022, apparaît la catégorie de biostimulant. Il s’agit d’un fertilisant « ayant pour fonction de stimuler les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu’il contient, dans le seul but d’améliorer une ou plusieurs des caractéristiques des végétaux ou de leur rhizosphère suivantes :

  • l’efficacité de l’utilisation des éléments nutritifs,
  • la tolérance au stress abiotique,
  • les caractéristiques qualitatives,
  • la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère ».

Les biostimulants peuvent être de nature microbienne, organique ou inorganique.

Dans ce règlement, un cadre juridique est donné aux biostimulants, qui sont intégrés dans la famille des matières fertilisantes et supports de culture. Il n’y a plus de risques de confusion avec les produits de la protection des plantes, la limite étant clairement définie autour des stress abiotiques et biotiques.

Les biostimulants peuvent être mis sur le marché dès lors qu’ils respectent une norme française (NFU) ou européenne (CE) ou avec leur propre autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette dernière est demandée par le fabricant pour un produit spécifique. Cette autorisation lui permettra de prouver l’effet du produit sur la plante, de valider sa composition et de garantir son efficacité à l’utilisateur. Cette nécessité de fournir une AMM pour les biostimulants marque une différence de taille avec les SNUB, qui ne sont pas soumises à l’AMM.

Les biostimulants se distinguent à la fois des produits de biocontrôle et des SNUB:

  • Biostimulants VS produits de biocontrôle :  Les biostimulants diffèrent des produits de biocontrôle car ils favorisent la vigueur et le développement de la plante en luttant contre les stress abiotiques tandis que les produits de biocontrôle agissent contre les stress biotiques.
  • Biostimulants VS SNUB :
    • Les SNUB peuvent être d’origine végétale, animale ou minérale mais elles ne concernent pas les micro-organismes, à la différence d’une partie des biostimulants.
    • Les SNUB sont issues de techniques empiriques ancestrales et sont obtenues par un procédé accessible à tous, à la différence des biostimulants, qui sont issus d’une fabrication industrielle et contrôlée, non reproductible par un particulier.
    • Les SNUB, en tant que PNPP, ne sont pas soumises à l’AMM.
    • Les SNUB, en tant que PNPP, sont revendiquées du domaine public, ce qui ne permet pas la mise en place de brevets. A l’inverse, les biostimulants sont protégés par le droit de la propriété intellectuelle.
    • Les biostimulants encadrés par une AMM peuvent porter des allégations précises concernant leur effet sur la plante tandis que les SNUB ne peuvent porter d’autres allégations que celles relatives à leur caractère naturel à usage biostimulant.

Source : Académie des Biostimulants (http://www.biostimulants.fr/produits-utilisation/definition/)

Les SB

D’après l’article 23 du règlement (CE) n°1107/2009, une substance de base est « une substance active

  1.  qui n’est pas une substance préoccupante ; et
  2. qui n’est pas intrinsèquement capable de provoquer des effets perturbateurs sur le système endocrinien, des effets neurotoxiques ou des effets immunotoxiques ; et
  3. dont la destination principale n’est pas d’être utilisée à des fins phytosanitaires, mais qui est néanmoins utile dans la protection phytosanitaire, soit directement, soit dans un produit constitué par la substance et un simple diluant ; et
  4. qui n’est pas mise sur le marché en tant que produit phytopharmaceutique ».

Une spécificité des substances de base est que, malgré leur utilité pour la protection des plantes, il peut s’avérer peu intéressant économiquement de les faire approuver par le circuit qui s’applique aux produits phytopharmaceutiques en général. Par conséquent, la procédure est simplifiée pour les substances de base. L’approbation (ou non) est donnée par la Commission européenne, après évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments et analyse de toutes les études pertinentes sur les impacts de la substance. Pour être approuvées, les substances de base doivent ne pas avoir « d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ou animale ni d’effet inacceptable sur l’environnement » (paragraphe 2, article 23 du règlement (CE) n°1107/2009). Les demandes d’approbation peuvent être introduites par tout État membre de l’Union européenne ou toute partie intéressée.

Les substances de base en AB

Une fois les substances approuvées au niveau européen, elles doivent encore être autorisées en AB.

Pour les SB d’origine végétale ou animale : Le règlement d’exécution (UE) 2016/673 ajoute une catégorie substance de base à l’annexe II du règlement (CE) n°889/2008. Sont autorisées « les substances de base au sens de l’article 23 du règlement (CE) n°1107/2009 qui sont couvertes par la définition du terme « denrée alimentaire » énoncée à l’article 2 du règlement (CE) n°178/2002 et qui sont d’origine végétale ou animale ». Ainsi, pour être autorisée en AB, la substance de base doit être alimentaire et d’origine animale ou végétale.

Pour les SB d’origine minérale : Les substances de base minérales doivent quant à elles être listées à l’annexe II du règlement (CE) n°889/2008. Pour cela, des dossiers d’inscription à l’annexe II doivent être réalisés et soumis à la Commission européenne (en France, ils sont dans un premier temps soumis à l’INAO).

Les SB recouvrent de multiples fonctions : biocides (vinaigre), éliciteurs/SDP (prêle et chitosan), barrières physiques (hydroxyde de calcium, talc), biofilms (chitosan), transformateurs physiologiques (sucres), modificateurs de pH (bicarbonate, petit-lait, vinaigre), attractants (phosphate de diammonium), répulsifs (quassia amara)…

Les SB ne peuvent pas être des produits de protection des plantes contenant une ou plusieurs substances actives déjà approuvées ni des adjuvants (au sens de l’article 58 du règlement (CE) n°1107/2009) ou des synergistes (au sens de l’article 25 du règlement (CE) n°1107/2009) : ainsi la lécithine et l’huile de sésame sont inadmissibles à l’approbation en tant que SB car ce sont respectivement un adjuvant et un synergiste.

Le site Substances

Pour s’y retrouver dans les SB, l’ITAB a conçu un site internet dédié à ces substances : http://substances.itab.asso.fr/

Pour simplifier la compréhension de l’utilisation des SB, des fiches destinées aux agriculteurs, conseillers, jardiniers amateurs ont été réalisées et sont régulièrement mises à jour. Il existe de types de fiches :

  • Les fiches « filière » permettent de retrouver les substances de base pouvant être utilisées dans chaque filière, si elles sont utilisables en agriculture biologique en plus du conventionnel ainsi que les tableaux d’usages.
  • Les fiches « substance » regroupent la ou les recette(s) de la substance avec des recommandations (de conservation de la préparation, de compatibilité/incompatibilité avec d’autres substances…) ainsi qu’un point réglementaire sur la substance.

IMPORTANT : Il est fortement conseillé de faire remonter vos pratiques sur ce site web pour enrichir les connaissances concernant les SB.

Article rédigé par Marc Miette, Bio Occitanie