Stocker du carbone dans les sols et améliorer sa fertilité en grandes cultures bio

Publié le : 29 août 2023

Retours du projet Réseau Bio Climat, mobilisation d’un réseau d’acteurs pour accompagner la transition climatique

agroforesterie

Agroforesterie intraparcellaire. Crédit photo : Pierre Albouy

Un projet porté par un réseau de partenaires

Lancé en 2019, le projet national Réseau Bio Climat a été porté par la FNAB et a été soutenu par le dispositif “Mobilisation Collective pour le Développement Rural (MCDR)” du Réseau Rural National. Le projet Réseau Bio Climat a regroupé 11 partenaires et 2 experts sur 6 territoires en France. Son objet était de favoriser la diminution des émissions des gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique des exploitations agricoles et des territoires.

L’un des trois axes de travail de ce projet a consisté à formaliser et suivre un réseau de parcelles pour stocker du carbone dans les sols et améliorer sa fertilité en grandes cultures biologiques.

Accompagner la mise en place de pratiques à la parcelle favorisant le stockage carbone et l’amélioration de la fertilité des sols

L’agriculture est directement impactée par le changement climatique, mais elle a également un rôle majeur dans les émissions de gaz à effet de serre. Le stockage de carbone dans les sols agricoles est un levier puissant pour réduire les flux de CO2 vers l’atmosphère et donc, réduire l’impact du secteur agricole sur le changement climatique. Le rapport de l’INRAe de 2019 consacré au 4 pour 1000 a montré que les productions de grandes cultures sont parmi celles qui ont un potentiel de stockage carbone additionnel très fort. Le réseau Sols Bio Climat a décidé de réaliser des expérimentations sur des parcelles de grandes cultures, en suivant les recommandations délivrées par l’INRAe. Six parcelles tests ont été identifiées dans cinq régions dans des conditions pédoclimatiques variées. Techniciens et agriculteurs ont cherché à répondre aux questions suivantes :

  • Comment améliorer concrètement le stockage du carbone sur des fermes bio ?
  • Comment mesurer l’amélioration et quel en est le coût pour une ferme ?
  • Comment diffuser ces pratiques auprès des agriculteurs ?

Quelles pratiques favorables au stockage du carbone dans les sols ?

Association blé-féverole juin 2020. Crédit photo : Les bios du Gers

Bois broyé et compost chez François Marchand. Crédit photo : Bio en Grand-Est

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’INRAe, dans son étude, met en avant plusieurs pratiques favorables au stockage de carbone, dans l’ordre d’efficacité : agroforesterie, intensification et rallongement des couverts végétaux et prairies temporaires, nouvelles ressources organiques, haies, semis direct.

En dehors du semis direct, toutes les pratiques ont été mises en place dans le projet, par au moins une des 6 fermes du réseau : épandage de bois broyé, prairie temporaire « capitalistique » restituée au sol, compost de champignonnière, arrêt du brûlage des bois de haies, associations de cultures, agroforesterie…

Comment mesurer l’amélioration et le coût de ces pratiques ?

La mesure du stockage du carbone implique de partir d’un point 0, l’année 2019 en l’occurrence pour le projet, sur une zone déterminée. Le taux de matière organique (MO) est l’indicateur principal, mais il évolue peu en trois ans : des améliorations de cet indicateur ont été observées presque partout, mais ce chiffre n’est sensé évoluer significativement que sur un pas de dix ans. Les valeurs de biomasse microbienne rendent compte beaucoup plus rapidement d’un changement de pratiques : elles se sont toutes améliorées sur les deux premières années du projet.

Des outils de simulation comme le bilan humique ou SIMEOS-AMG permettent de prévoir une évolution de stock de carbone organique sur 20 ans. Ce dernier outil est peu adapté au bio, car le carbone stocké y est fortement dépendant des rendements : en bio, les blés produisent moins de grains, mais beaucoup plus de paille et d’exsudats racinaires, donc de carbone. De plus, l’horizon au-delà de 30cm est peu pris en compte, alors que les rotations bio comprennent des plantes (luzernes, trèfles) qui stockent du carbone en profondeur.

Zoom sur deux parcelles tests en Grand-Est et en PACA

Stockage carbone en grandes cultures bio dans la Meuse

Profil de sol – François Marchand. Crédit photo : Bio en Grand-Est

Ferme en polyculture dans la Meuse

François Marchand exploite 174 ha en polyculture dans la Meuse sur les sols limono-argileux de la plaine fertile de la Woëvre.

Pratiques favorables déjà en place

Il pratique des « couverts capitalistiques » prévus tous les 6 ans : du trèfle violet restitué au sol pendant 18 mois. Il restitue des résidus de cultures, notamment maïs grain, et apporte du fumier composté (1t/ha/an en moyenne).

Objectif 4/1000

Sur la parcelle d’essai, d’une teneur en MO initiale de 2,7%, l’objectif 4pour1000 correspondrait à un stockage de carbone additionnel de 250kg de carbone/ha/an.

Nouvelles pratiques mises en place

  • Apport de bois broyé issu de saules : environ 2,8t/ha prévus tous les 4 ans.
  • Intensification du couvert « capitalistique » : trèfle violet restitué au sol tous les 4 ans, remplaçant le même trèfle tous les 6 ans.

Perspectives et coûts

Ces nouvelles pratiques permettraient de stocker 90 à 100 kg de carbone/ha/an pour le bois broyé, et 120 à 130kg de carbone/ha/an pour l’intensification du trèfle, pour des coûts respectifs de 12€ et 42€/ha/an.  Les analyses effectuées en 2021 et 2022 ont montré une évolution positive du taux de matière organique et de la biomasse microbienne, et surtout une amélioration de la fertilité du sol ressentie par l’agriculteur (rendement, infiltration de l’eau…).

Stockage carbone en grandes cultures bio en PACA

Pierre Albouy. Crédit photo : Bio de PACA

Ferme en polyculture à Forcalquier

Pierre Albouy cultive des variétés paysannes de céréales et de légumineuses (lentilles et pois chiches) à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence – PACA). Il s’installe en agriculture biologique en 2013 sur des terres précédemment cultivées en conventionnel.

Pratiques favorables déjà en place

  • Réduction du travail du sol.
  • Restitution des résidus de cultures
  • Tête de rotation en luzerne + 3 ans restituée au sol
  • Couverts hivernaux.

Objectif 4/1000

Sur la parcelle d’essai, d’une teneur en MO initiale assez faible (1.76%), l’objectif 4pour1000 correspondrait à un stockage de carbone additionnel de +266 kg de carbone/ha/an.

Nouvelles pratiques mises en place

  • Semis associé/décalé d’ers et trèfle dans le blé
  • Plantation d’arbres extra et intra-parcellaire (agroforesterie, haies)

Perspectives

Ces nouvelles pratiques permettraient de stocker jusqu’à 350kg de carbone/ha/an. Les analyses effectuées en 2021 et 2022 ont montré que la teneur en MO restait faible mais évoluait positivement. Le compartiment microbien, bien que variable, est plus développé qu’en début de projet

Conclusions

Le travail sur cet axe a permis l’émergence d’un collectif de techniciens sensibilisés au enjeux techniques du stockage carbone et d’agriculteurs qui ont réfléchi à leurs systèmes et aux pratiques de stockage qui sont les plus pertinentes pour leur exploitation. Il leur a permis de mieux comprendre la littérature scientifique sur le sujet, d’être formé aux outils de simulation du stockage relatifs aux pratiques, de réfléchir à un accompagnement à long terme des agriculteurs. L’objectif « 4 pour 1000 » est atteignable en grandes cultures bio ; le coût du stockage est variable et il est important de s’y intéresser pour activer des leviers d’accompagnement et les hiérarchiser. Les outils disponibles actuellement pour modéliser le stockage de carbone en fonction des pratiques mériteraient d’être adaptés pour prendre davantage en compte les spécificités de l’agriculture biologique. Les pratiques choisies en bio doivent avoir un double objectif de stockage du carbone et de fonctionnement du sol.

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