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Grâce à un meilleur enracinement, une plus forte capacité de tallage, et donc de couverture du sol, les semis précoces semblent être prometteurs pour mieux contrôler le salissement des parcelles de grandes cultures biologiques. Implantés en fin de période estivale, ils permettraient également de mieux recycler l’azote minéralisée à l’automne au retour des pluies et limiter les risques de pertes par lixiviation, risque d’autant plus élevé en contexte méditerranéen en raison d’étés chauds et secs et d’automnes doux et pluvieux (phénomènes de pluies cévénols). Les semis précoces auraient aussi comme avantage de conférer une meilleure vigueur aux céréales pour lutter contre les aléas climatiques méditerranéens (sécheresse, échaudage) grâce à une meilleure exploration racinaire. Ils représentent enfin une opportunité de diversification et d’association avec des plantes compagnes aux services multiples : apports de biomasse à l’automne, amélioration de la nutrition azotée des céréales, valorisation sous forme de fourrages etc.
Le semis précoce de blé a été étudié et théorisé par Marc Bonfils sur couverture permanente de trèfle blanc avec des variétés de type hiver/très hiver à pailles hautes. Malgré une plus faible densité de peuplement, les céréales semées précocement parviennent à compenser leurs composantes de rendement puisqu’elles performent par une capacité de tallage plus importante et une fertilité d’épis plus élevée. Selon Bonfils, précocifier la date de semis consiste à réduire par deux la dose de semis par mois anticipé par rapport à la date habituel de semis. Pour un blé initialement semé fin octobre à 180kg/ha, la dose sera à 90kg/ha fin septembre, 45kg/ha fin août etc. Ces recommandations sont cependant aujourd’hui remises en question par les ACSistes expérimentant les semis précoces de blé depuis plusieurs années et de nombreuses références techniques restent à acquérir.
Les agriculteurs du GIEE ABC-Sud – Agriculture Biologique de Conservation des sols – animé par Agribio 04 se sont emparés de cette thématique avec pour objectifs de maximiser la couverture des sols et fournir aux cultures un meilleur environnement hydrique et nutritif. L’accentuation des risques JNO (Jaunisse Nanissante de l’Orge) et de salissement liés à l’avancement de la date de semis, le manque de précipitations en interculture en contexte méditerranéen (figure 1) et les conditions échaudantes estivales sont un ensemble de risques à prendre en compte dans l’élaboration des itinéraires techniques.
Figure 1. Un manque de précipitation net de début juin à début septembre (Oraison, 04). Implantation des semis précoces/couverts végétaux périlleuse sans irrigation ©Arvalis.
En 2022/2023, un réseau de 7 parcelles a été suivi pour mieux comprendre les facteurs de réussite et les facteurs limitants à la mise en place des semis précoces en région Sud-PACA. Plusieurs stratégies d’itinéraires techniques ont été testées au sein du réseau en fonction du contexte de production des agriculteurs :
Fermes de polyculture-élevage, département des Hautes-Alpes (05) au nord de la région Sud-PACA, terres d’élevage avec un important volant d’auto-fertilité :
La JNO n’a pas été observée dans la parcelle. Les résidus ramenés au sol ont couvert, protégé et limité le salissement. Le blé broyé est reparti en sortis d’hiver.
Des zones les plus chétives aux zones les mieux développées, des rendements grains de 0,7 à 5,8 q/ha ont été mesurés. Le rendement moyen est de 2,2 t/ha, bien inférieur aux rendements habituels (4,5 – 5 t/ha). Ces résultats s’expliquent notamment par des propriétés inhérentes à la parcelle hétérogènes (gradient de fertilité) et une hétérogénéité dans la hauteur de broyage : les blés broyés à ras (2-3cm) ont été pénalisés en sortis d’hiver, conférant de l’avance au développement d’adventices et accentuant la compétition sur les ressources énergétiques. Le trèfle violet est reparti après moisson.
Figure 2. Blé bio de variété Energo semé à 90kg/ha le 28/08/2022 derrière pois-chiche en association avec de l’avoine de printemps semée à 45kg/ha et du trèfle violet semé à 12kg/ha. La parcelle a été broyée puis récoltée pour une valorisation fourragère le 28/11/2022 (localisation : Gap ; 05)
Figure 3. Blé bio de variété Energo semé le 16/08/2022 sous couvert d’une prairie de trèfle violet de deux ans, moissonnée début août puis pâturée par les bovins la veille du semis (localisation : Gap ; 05)
Ferme céréalière lavandicole, département des Alpes de Haute-Provence (04) au centre de la région Sud-PACA, plateau de Valensole, terres caillouteuses et superficielles (faible réservoir hydrique) conduites en autofertilité :
Ferme céréalière, département des Alpes de Haute-Provence (04), terres d’alluvions profondes situées au pied du plateau de Valensole :
L’ensemble de ces résultats nous permettent d’édicter un ensemble de règles sécurisant la réussite de la pratique
Le choix variétal est prépondérant et conditionne la réussite de la pratique : sélectionner des variétés avec d’importants besoins en froid (alternativité < 3) et à fertilité d’épis élevée (le rendement des semis précoces se construit sur le nb de grains/épi, combiné à une importante capacité de tallage). Les variétés hautes en paille permettront d’assurer en partie le contrôle du salissement. Les variétés tardives à montaison sécuriseront la céréale du gel d’épis.
La précocité à épiaison reste un critère d’importance en conditions méditerranéennes pour éviter les conditions échaudantes, d’autant plus que les agriculteurs du réseau n’ont pas observé d’avancement de maturité sur les semis précoces. Au contraire, ils seraient les derniers à être moissonnés. Le meilleur confort hydrique des céréales semées précocement fourniraient de meilleures conditions de remplissage et n’accélèreraient pas la fin de cycle des céréales, comme on peut l’observer habituellement en région Sud-PACA.
L’utilisation de plantes compagnes à cinétique de développement rapide semble être un levier technique de taille pour limiter le salissement et contrôler le développement de la céréale (sarrasin, avoine de printemps, moutarde blanche etc.) et éventuellement (à démontrer) camoufler la céréale lors des vols de pucerons d’automne (JNO). L’utilisation de plantes gélives permettra de conserver le rendement. Le choix des plantes compagnes dépendra également des services recherchés par l’agriculteur : production de fourrage à l’automne (avoine de printemps), nutrition azotée (légumineuses : pois et féverole de printemps), gestion des adventices par effet allélopathique (avoine, sarrasin etc.), recyclage de l’azote etc.
La gestion du couvert (céréales/plantes compagnes) par broyage/fauchage/pâturage n’est pas forcément pénalisante pour la céréale si les bonnes modalités d’implantation et de gestion sont mises en place (densité de semis, choix de la plante compagne, modalités et hauteur de destruction).
Les suivis de reliquats azotés dans les parcelles comportant des témoins semés à date habituelle démontrent que le potentiel de recyclage de l’azote à l’automne semble plus élevé en semis précoces. Les mesures INN (indice de nutrition azotée) révèlent que les blés précoces se sont développés dans des conditions azotées identiques, voir meilleures, que les blés semés à date normale. D’autres facteurs limitants tel que la pression adventices viennent cependant perturber la lecture de ces résultats.
Le détail des itinéraires techniques et des résultats sont à découvrir sur la page internet du GIEE ABC-Sud sur le site Bio de PACA / fiches retours d’expériences.
Pour creuser le sujet :
– TCS n°88 – Juin/Juillet/Août 2016 – Blés précoces associés, bilan des essais 2015-2016
– TCS n°93 – Juin/Juillet/Août 2016 – Blés précoces, place à la mise en œuvre
– Marc BONFILS – Semis ultra-précoce de blé – Vidéo YouTube
Rédactrices :
Clémence Rivoire, Agribio04
En collaboration avec Jordane Ehrhart, Agribio04
Contact :
Clémence Rivoire, conseillère régionale grandes cultures bio
Grandes-cultures@bio-provence.org / 07 44 50 30 67
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