Retour sur les Rencontres Nationales 2023 de l’Agriculture Biologique de Conservation des Sols

Publié le : 18 septembre 2023

Crédit photo : Bio en Grand-Est

Découvrez quelques extraits de présentations et d’échanges issus des Rencontres Nationales de l’ABC des 25-26 janvier 2023 dans la Meuse !

Le contexte

C’est à Benoîte-Vaux, en plein cœur de Meuse, que les 200 participants des 4èmes Rencontres Nationales de l’Agriculture Biologique de Conservation (ou ABC), organisées cette année par Bio en Grand-Est et Bio de Meuse en partenariat avec Les Décompactés de l’ABC*, se sont réunis les 25 et 26 janvier 2023 pour connaître, étudier ou approfondir l’ABC. Les participants ont pu se nourrir des apports de scientifiques, ainsi que des témoignages d’agriculteurs et de techniciens venant des 4 coins de la France, voire même au-delà, permettant d’aborder une richesse de contextes agronomiques et pédoclimatiques. Enrichis de cette première journée, les agriculteurs biologiques présents la deuxième journée ont pu travailler ensemble pour tenter de résoudre des problématiques agronomiques propres à chacun grâce à l’intelligence collective lors des sessions de co-développement, mais également travailler à construire les systèmes ABC de demain en cherchant à lever les freins qui persistent. Convivialité, dégustation de vins de Meuse, échanges informels, repas et troisième mi-temps : les ingrédients étaient réunis pour favoriser la co-construction, déconstruire les préjugés et oser se lancer dans le défi de l’ABC. Le chemin vers un système de production abouti et des pratiques validées semble long, mais passionnant. Cet article présente les enjeux de l’ABC et revient sur certains points thématiques abordés lors de ces Rencontres.

Qu’est-ce que l’ABC ?

L’ABC ou Agriculture Biologique de Conservation cherche à cumuler à la fois les principes de l’Agriculture Biologique (AB), en particulier la non-utilisation d’intrants chimiques de synthèse, et ceux de l’Agriculture de Conservation des sols (ACS), en particulier la réduction voire la suppression du travail mécanique du sol, ces systèmes se recentrant tous deux sur la qualité des sols et l’agronomie. Défi de taille qui stimule autant les agriculteurs bio aguerris que de nouveaux convertis, notamment ceux ayant pratiqué auparavant le semis direct.

De quel défi parle-t-on au juste ? Le graal, rien de moins : semer, récolter. Fini le travail du sol et le désherbage. Pour le relever, les agriculteurs misent principalement sur l’intensification et la diversification végétale. Il s’agit de redéfinir des successions de cultures ; par exemple, le semis d’un couvert de seigle à l’automne, roulé au printemps, crée un mulch dans lequel on peut semer directement un soja. L’implantation de couverts permanents est également travaillée : caractérisation des différentes espèces à disposition (essais de trèfles nains, pipolino, lotiers, luzernes…) ; essais de destructions sans labour (fraise, stell’air, scalpages superficiels…) ; mise au point de stratégies pour ne pas « se faire dépasser » par le couvert… Enfin la diminution du travail du sol et la concurrence des adventices pousse à « booster » le démarrage des cultures par des enrobages (thé de compost, …) et des apports localisés au semis (matière organique riche en azote…).

Les effets du changement climatique s’intensifient : du constat aux solutions d’adaptation - intervention de Marc Tardy (Météo France)

La première intervention de la matinée a été réalisée par Marc Tardy, météorologue dans une équipe à Toulouse travaillant sur les conséquences agricoles du changement climatique. Le changement climatique impacte l’agriculture mais celle-ci a également un rôle à jouer sur l’évolution du climat. Le changement climatique est en marche depuis plusieurs décennies et le sera également pour plusieurs à venir. Les dés sont jetés jusqu’en 2050. Nos actions d’atténuation actuelles ont donc un impact sur l’après 2050, et nos actions d’adaptations doivent déjà anticiper les changement inéluctables des prochaines décennies.

On note en France entre 1960 et 2020 une augmentation de la température moyenne de +1,7°C avec une élévation sensible du réchauffement ces 30 dernières années. On s’oriente sur une probabilité de +60% d’épisodes de gel tardif au printemps. Côté précipitations, la moyenne nationale ne connait pas une évolution si nette mais il semblerait que les hivers soient plus pluvieux et les printemps/été plus secs. MétéoFrance a récemment présenté aux maires de France un nouvel outil Climatdiag Commune qui permet de s’informer de l’évolution de différents indicateurs climatiques sur chaque commune. Un autre outil, l’application CANARI-France, destinée aux acteurs agricoles, permet une visualisation rapidement et directement en ligne de plus d’une centaine d’Indicateurs Agro-Climatiques locaux calculés à partir de projections climatiques.

Les leviers d’adaptation sont relativement connus et recoupent d’ailleurs certaines pratiques actuelles de l’ABC (augmentation du nombre de cultures, associations de cultures, dérobées…) à coupler avec d’autres pratiques ou techniques (agroforesterie, leviers génétiques…).

Réussir en ABC par une meilleure connaissance et utilisation des plantes : retour sur les travaux de Vladimir Goutiers (INRAE de Toulouse) et des Décompactées de l’ABC

Crédit photo : Bio en Grand-Est

Allier une espèce végétale avec une autre n’a rien d’anodin. C’est souvent le fruit d’une recherche agronomique fondamentale puis appliquée. Et aussi le résultat d’expérimentations en plein champ d’agriculteurs engagés dans la recherche-action. Vladimir Goutiers, chercheur à l’INRAE de Toulouse, a présenté une méthodologie permettant de sélectionner des espèces de couverts en fonction des services attendus. Cette méthode consiste à identifier d’une part le ou les services recherchés chez les plantes, par exemple le contrôle des adventices ou le recyclage des éléments NPK. Il s’agit d’autre part de caractériser au mieux les plantes de couverture (par ex. port et surface des feuilles, capacité des racines à explorer plus ou moins profondément le sol, …) et de relier ces caractéristiques à des fonctions (par ex. accès aux ressources) ; fonctions qui permettent de rendre les services préalablement identifiés. On peut ainsi chercher les plantes les mieux à même de s’associer pour remplir les services recherchés : un exemple connu est le mélange luzerne-dactyle où de nombreuses complémentarités se jouent (besoins en azote, profondeur d’enracinement, période de croissance…). La collaboration avec l’association Les Décompactés de l’ABC se fait par la mise en place d’un réseau de 8 parcelles d’observations de couverts semés au même moment chez des agriculteurs répartis dans toute la France, dont une en Grand Est chez François Marchand. Ils permettent de caractériser une dizaine de plantes notamment sur leur effet couvrant, afin de les utiliser en ABC comme alliés étouffant les adventices.

François Marchand. Crédit photo : Bio en Grand-Est

A la recherche de l’autofertilité en Meuse : le pari de l’intensification végétale (François Marchand)

Sur un système de 172 ha, converti à la bio en 2013, dans des conditions argilo-limoneuses avec 650-700 mm de précipitations annuelles, François Marchand a témoigné de sa démarche lors des Rencontres ABC 2023. Actuellement, une partie de la ferme est conduite en ABC et une autre avec un horizon de labour nettement relevé par rapport à 1983, la date de son installation. « Notre génération a vidé la cave, mes parcelles sont passées de 5% de MO il y a 30 ans à 2.7%. J’ai rapidement compris que la durabilité en bio se trouvait dans l’autofertilité des sols créée par de la biomasse aérienne et racinaire, des couverts, une couverture maximale du sol pour stocker le plus de carbone et qu’il ne fallait utiliser les intrants extérieurs qu’en dernier recours ». François a donc mis en place une stratégie basée sur le maximum d’implantation de trèfles blanc semés sous couverts des céréales au printemps, en ne conservant que les parcelles les plus réussies. Au sein d’une rotation de 4 ans, un trèfle de 18 mois est ainsi restitué au sol par un mulchage de surface (environ 12t de MS sur 18 mois). La fauche des trèfles est réalisée en laissant des bandes pour favoriser les auxiliaires et la biodiversité dans son ensemble. Et elles sont décalées dans l’espace coupe après coupe. « Il faut voir ce trésor, ça grouille ». Et la dernière coupe des fourrages est assurée par des moutons en transhumance !

 

 

L’ABC permet de rassembler les agriculteurs expérimentateurs au sein d’un cadre commun, facilitant l’ouverture d’esprit et le courage d’essayer. C’est une démarche technique, qui cherche à faire avancer une démarche plus politique : le développement d’une agriculture biologique cohérente, notamment sur la question de l’autonomie des systèmes.

Contacts à Bio en Grand-Est :

 

*Les Rencontres Nationales de l’ABC ont été co-organisées avec l’association « Les Décompactés de l’ABC », qui compte quelques membres en Grand Est. L’association a pour objet d’animer un réseau d’agriculteurs « chercheurs » et de vulgariser ses avancées en matière d’Agriculture Biologique de Conservation des sols.