Repenser ses pratiques en PPAM pour plus de résilience dans un contexte de changement climatique

Le réseau bio accompagne des agriculteurs.trices bio dans leurs changements de pratiques, la mobilisation de leviers agroécologiques et leur besoin d’adaptation au changement climatique. Ceci implique une vision systémique de l’exploitation afin d’apprécier l’impact de chaque pratique dans la globalité des itinéraires techniques. En Auvergne-Rhône-Alpes, des formations ont été organisées en Savoie par l’ADABio et dans le Puy de Dôme par la FRAB AuRA avec l’intervention de Thibaut Joliet, formateur PPAM au CFPPA de Montmorot.
La résilience des systèmes passe notamment par la conservation des sols et l’amélioration de la fertilité organique. Les stagiaires ont repris les points clés des itinéraires techniques pour repenser leurs pratiques et réfléchir aux différents leviers mobilisables en fonction des particularités de chaque exploitation : plan et rotations de cultures, gestion de l’enherbement – couverts végétaux, engrais verts, diversification des familles botaniques et augmentation de la biodiversité, gestion de la ressource en eau…
La rotation s’est révélée être un point clé dans le mode de conduite des PPAM. A travers elle se règlent 3 points majeurs :
- La gestion des maladies et des ravageurs
Beaucoup de plantes de la famille des Lamiacées entrent dans les productions de PPAM cultivées. Il est important de changer les familles de plantes pour éviter les maladies et ravageurs (ex : les cicadelles sur les Lamiacées).
→ Aller chercher les goûts et senteurs dans d’autres familles botaniques
- La porosité et la fertilité des sols
Les étapes précédant l’implantation de la nouvelle culture sont primordiales pour assurer sa rentabilité. En effet, la préparation du sol réalisée vise à :
1) assurer l’absence de plantes adventices problématiques dans la culture,
2) avoir une bonne porosité du sol pour permettre une bonne implantation racinaire mais également une circulation optimale de l’air et de l’eau dans le sol,
3) assurer une bonne alimentation en nutriments de la plante grâce à l’apport de fertilisant organique, soit via des composts ou des fumiers mais aussi par l’incorporation d’engrais verts dans le sol.
→ Alterner plantes annuelles et plantes pérennes pour mieux gérer la fertilité du sol et la gestion des plantes adventices
- La gestion de l’enherbement
Le désherbage est une des activités les plus chronophages dans la culture des PPAM notamment au printemps. L’implantation d’une nouvelle culture se fera toujours sur une parcelle propre, il vaut mieux retarder une implantation (faire des engrais verts ou du travail du sol pour sortir les vivaces problématiques en période estivale) que de devoir « courir » après des vivaces problématiques par la suite. La densité de plantation doit être suffisamment importante pour que les plantes forment un tunnel continu l’année suivant la plantation, il ne restera alors que les bordures à désherber. Intervenir tôt et souvent (stade germination/plantule = avant qu’on ne voie l’herbe dans la parcelle) permet d’éviter de se retrouver débordé. Face à une parcelle trop enherbée, la destruction de la culture est souvent plus rentable que sa remise en état : temps de travail et plants qui ont souffert de la concurrence ne permettent souvent pas de retrouver un niveau de production optimum.
→ Définir un créneau pour le désherbage et s’y tenir. Ex : 1/2h de désherbage tous les matins ou 1h tous les 2j sont plus efficaces que 1 journée par semaine.
→ Ne pas hésiter à détruire une parcelle qui est trop enherbée
Un point sous-jacent réside dans la notion de rentabilité de la culture. Le constat souvent réalisé est que les plantes sont conservées trop longtemps en production : ne pas hésiter à détruire une culture si elle devient trop enherbée ou si les rendements diminuent (se référer aux moyennes de production de référence est un bon moyen de juger des performances de sa production). Il convient d’anticiper son renouvellement pour avoir un volume de production interannuel par plante homogène d’où l’importance de tenir un suivi de la planification de ses cultures à jour.
Pour s’adapter au changement climatique, une implantation plus précoce des cultures, protégées par un voile si besoin, permet de bénéficier des pluies du printemps, de même que les implantations de pérennes à l’automne offrent un meilleur enracinement pour passer les périodes estivales. Pour limiter le gel sur les pérennes sensibles comme les verveines, elles ne seront taillées au ras du sol qu’en sortie d’hiver.
Enfin, un accès à l’eau est devenu impératif pour assurer un niveau de production suffisant sur la plupart des PPAM cultivées. Les quantités d’eau nécessaires sont souvent sous évaluées avec des impacts négatifs sur les rendements et le temps passé à la récolte (ex : besoin pour la mauve évalué à 30 mm par semaine pour assurer une vitesse de récolte de 1,2kg de fleurs/heure)
Parole de productrice : Alexandra ROYAL

Crédit photo : @Alexandra Royal
- Les jardins de la Chapelle
- mai 2021 : INSTALLATION
- 600m ALTITUDE
- 4 ha SURFACE (3 ha de forêt, et 1 ha de prés-verger, dont 3 000m² en planches permanentes (petits fruits et PPAM)
- sol ÉQUILIBRÉ (30% argile, 30 % limon, 30% sable)
- Non mécanisé
- Circuit court
- Aujourd’hui, quelles sont vos problématiques en PPAM ?
Les gels tardifs sont inquiétants, notamment pour les productions de verveine et de géranium rosa. En été, ce sont les sécheresses de plus en plus longues qui compliquent la tâche : j’ai prévu une capacité d’irrigation pour ¼ des cultures sur une durée de 2 mois maximum… Vu la sécheresse de 2022, et la tendance qui ne va pas en s’améliorant, il va falloir que je revoie ça.
Pour l’instant je n’ai pas de problématiques ravageurs, ni trop d’adventices en dehors du liseron.
- Quelles sont les pratiques ou aménagements que vous avez mis en place, ou que vous souhaitez appliquer, à la suite de la formation ?
La densité de plantation : selon les préconisations de Thibaut, il faudrait que je plante 2 à 3 fois plus dense. J’ai revu mon plan de cultures, densifié mes plantations, ce qui m’a libéré des planches. Pour faire le désherbage à la main avec des outils de précision, Thibaut expliquait qu’il faut traiter les plantes comme un tunnel, plutôt que chaque plante individuellement. Je gagne en rapidité, en optimisation de l’espace et sur l’irrigation : je n’arrose pas la terre à nu mais bien les plantes directement.

Sauge avant et après densification de la plantation – Crédit photo : @Alexandra Royal
J’ai aussi revu mes rotations et notamment la durée de mes cultures. J’ai compris que ce n’est pas un jardin d’ornement… Mon sol n’est pas forcément adapté à toutes les plantes, comme les romarins, thyms etc… donc plutôt que de faire des rotations sur 10 ans, je vais planter plus dense, et faire des rotations sur 3-4 ans pour les remplacer plus vite.
Je vais également alterner un cycle de vivace / une annuelle / un cycle de vivace, pour faire plus d’engrais verts sur chaque planche. Je prévois d’implanter des engrais verts à la fin de chaque culture, quitte à les finir plus tôt : tout en septembre, pour faire mes engrais verts en septembre-octobre. Je vais mettre des engrais verts gélifs afin de pouvoir les détruire facilement comme je ne suis pas mécanisée. Cela devrait me permettre de nourrir la vie du sol, dominer les adventices, protéger le sol et repartir sur du propre.
Sur la partie irrigation, je vais revoir à la hausse les besoins de chaque plante, en parallèle de la densification des cultures qui va me permettre d’optimiser l’eau apportée et de limiter l’évapotranspiration en couvrant plus le sol.
Pour profiter des pluies du printemps, je vais semer plus tôt et prévoir des protections contre le gel : P30 et tunnel nantais, pour faire une double protection, comme le conseillait Thibaut, et éventuellement remettre encore une couche de P17 si besoin.
Et je vais aussi revoir ma méthode de taille, pour une meilleure résilience en cas de gel tardif. Thibaut nous a conseillé de tailler en deux temps.
Je ne vais donc plus tailler à ras à l’automne, afin que les potentiels dégâts de gel se concentrent sur les extrémités. Et je viendrai rabattre au printemps, ce qui permettra aux plantes de repartir sur des souches propres et saines, bien droites, et plus faciles à récolter.
Ce que j’ai retenu de cette formation : Repenser l’espace !! Et dommage qu’il soit « trop tard pour la standardisation de mes planches »
Article issu de « la Luciole, le magazine des bonnes pratiques bio édité par la Fédération Régionale d’Agriculture Biologique en Auvergne-Rhône-Alpes »
Rédaction – Julie VINAY ADABio – Myriam DESANLIS FRAB AuRA