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Depuis trois ans, la notion même de ce qu’est légalement un OGM a évolué. Les OGM transgéniques sont toujours là mais d’autres, issus de nouvelles techniques de modification génétique, pourraient arriver demain. Et certains sont mêmes déjà présents comme certaines Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides. Face à l’inaction de la Commission européenne, la société civile mène encore campagne pour que le droit soit appliqué.
Au tout début du dossier sur les nouveaux OGM il y a les VrTH : les variétés rendues tolérantes aux herbicides, utilisées en agriculture conventionnelle. Certains tournesols et colza de cette sorte sont cultivés en France dès 2008 sans qu’on ne connaisse à l’époque leur mode d’obtention et sans qu’elles fassent l’objet d’aucune évaluation des risques, d’une autorisation ou d’un suivi particulier.
En réaction au silence du gouvernement face aux questions et aux inquiétudes, un recours porté par des associations de la société civile est déposé devant le Conseil d’État pour le forcer à réagir. Cette procédure a permis d’obtenir ce qui constitue la pierre angulaire de tous les débats et questionnements qui se déroulent actuellement : l’arrêt du juge européen du 25 juillet 2018.
Un OGM est définit par le droit européen comme un « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».
À cette définition, la législation OGM ajoute trois catégories accompagnées d’une méthode de classement (des listes de techniques) :
La première liste répertorie des exemples de techniques qui donnent des OGM.
Son opposée est la liste des seules techniques qui ne donnent pas des OGM.
La troisième et dernière liste répertorie les techniques qui donnent des OGM mais qui, du fait d’un historique d’utilisation sans risque, ne sont pas soumis à la réglementation sur les OGM. C’est à dire les OGM exemptés (notamment CMS et mutagenèse). L’intention du législateur était d’exclure des exigences de la réglementation OGM les « organismes obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ». Le terme vague et imprécis de « mutagénèse » est citée dans cette dernière liste. Cette imprécision est clarifiée par le CJUE en 2018.
L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle qu’en vertu de la réglementation OGM, la mutagénèse est une technique qui entraîne des modifications génétiques « d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle » et que seuls les organismes issus de techniques qui ont été traditionnellement utilisées et dont la sécurité est avérée peuvent être des OGM exemptés.
C’est avec l’enjeu d’interpréter ce critère temporel que le Conseil d’État a dû composer pour se prononcer en février 2020 : les organismes issus de techniques qui sont apparues ou qui ont été principalement développées après l’adoption de la réglementation OGM (directive de 2001) sont soumis aux exigences de celle-ci (évaluation, autorisation, étiquetage). De plus, pour les VrTH qui ne seraient pas des OGM, des mesures spécifiques et adaptées doivent être prises.
Le gouvernement avait un délai de six mois pour appliquer cette décision mais le décret semble en être encore assez loin d’être publié. Notamment car le gouvernement a décidé de notifier son projet de décret à la Commission européenne dont les réactions sont plutôt défavorables au décret. Depuis les organisations à l’origine du premier arrêt ont déposé au Conseil d’État une requête pour non exécution de ses décisions.
En attendant, la décision du Conseil d’État a pour effet de rendre illégales les variétés OGM (exemptées – 3e catégorie) qui sont inscrites dans le catalogue officiel sans avoir respecté l’ensemble des exigences relatives à la législation OGM. Ces variétés doivent donc en être retirées, bien que des zones d’ombre demeurent.
Mais la thématique des nouveaux OGM est l’objet d’un lobbying intensif provenant notamment des industries semencières ainsi que de pays comme les États-Unis où les nouveaux OGM végétaux ont été dérégulés. Ce qui pose des problèmes pour l’exportation/importation de nombreux produits qui n’ont pas le même statut qu’en Europe.
Or, pour prévenir la contamination de l’agriculture biologique garantie sans OGM, il y a urgence d’appliquer la règlementation OGM et de mettre un terme à la culture de ces variétés OGM illégales (notamment en colza).
Dans la catégorie des nouveaux OGM, il n’y a pas que les organismes issus des nouvelles techniques de mutagénèse, il y a aussi les produits issus des techniques CRISPR-Cas9, nucléase à doigt de zinc, cisgénèse… qu’elles insèrent ou non une information génétique étrangère à l’organisme.
Au niveau sémantique, les termes pour désigner des techniques de modifications récentes se multiplient (voir encadré ci-dessus) et tentent de contourner la définition sur les OGM pour se soustraire à la règlementation encadrant les OGM. L’idée est notamment défendue que les nouveaux OGM et les nouvelles techniques ne font que reproduire en accéléré ce que fait déjà la nature, sans pouvoir être distingués d’autres organismes présents dans la nature et qui auraient muté spontanément. Mais l’UPOV pense le contraire et des chercheurs ont récemment mis au point une méthode publique pour détecter la mutation revendiquée dans un nouvel OGM en testant le colza de Cibus.
Du côté de l’évaluation des risques des OGM, la France se destine actuellement à une évaluation uniquement scientifique et morcelée avec la disparition annoncée du Haut Conseil des Biotechnologies et de son Comité économique, éthique et social unique en Europe.
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Article rédigé par Zoé Jacquinot,
rédactrice juridique chez Inf’OGM (information indépendante et critique sur les OGM, les biotechnologies et les semences)
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