Machinisme et auto-construction : nouvelles avancées pour la récolte et le battage des PPAM

Publié le : 24 septembre 2018

En début d’année 2017, neuf producteurs se sont réunis pendant 5 jours à Valensole pour auto-construire, avec l’Atelier Paysan, une bineuse spécifique à leurs productions de PPAM (voir l’article ICI).

Depuis, certains d’entre eux ont apporté des modifications à l’outil initialement construit en fonction des difficultés rencontrés à l’usage et afin d’en adapter l’utilisation à leur contexte.

Bineuse auto-construire par Guillaume CHABOT – Moulin Bonaventure – avec l’Atelier Paysan (lames Bathelier pour désherber au plus près des rangs et parallélogrammes pour écraser le couvert en inter-rang). Source : Mégane Véchambre, Agribio04.

 

« La bineuse est efficace, et j’apporte des modifications au-fur-et-à-mesure. Il faudrait par exemple changer les roues de jauge qui sont trop fragiles. On pourrait aussi remplacer les parallélogrammes destinés à écraser un couvert en inter-rang par des tondeuses avec un moteur hydraulique. Même si cela semble suffire pour l’instant pour gérer le couvert à cause des conditions très sèches de 2017 qui en ont limité la croissance de toute façon » (Guillaume CHABOT, Moulin Bonaventure, Valensole – 04).

Un viticulteur actuellement en cours de diversification en PPAM en contrat avec la société Arcadie (thym, origan, etc.) à Bédarrides (84) s’est récemment inspiré de ce travail pour auto-construire sa propre bineuse, en profitant des modifications déjà apportées par les agriculteurs et l’Atelier Paysan :

« Je suis tombé sur ce prototype de bineuse sur Youtube où a été publiée la vidéo de démonstration de l’outil sur le plateau de Valensole en avril 2017. C’est à partir de là que j’ai découvert le travail de l’Atelier Paysan et que j’ai pu récupérer les plans de la bineuse. Après l’avoir comparé à d’autres modèles existants dans le commerce, c’est celle-ci qui m’a semblé être la plus adéquate, avec les lames Bathelier qui viennent sarcler en bord de planche, adaptées à mon sol caillouteux, et la possibilité de laisser place à un couvert dans l’inter-rang, sans défoncer le sol. De plus, je suis assez fan d’auto-construction, donc ça m’a plu. C’est particulièrement intéressant pour un démarrage d’activité ; cela me permet d’avoir quelque chose d’économique qui, en plus, peut largement évoluer en fonction de mes besoins. Quand on auto-construit, on a souvent moins peur de faire évoluer l’outil, de couper, re-souder, etc. pour l’adapter parfaitement à son contexte. On investit peu et on apprend avec l’outil, c’est une bineuse très modulable ! Je suis actuellement en train de commander les pièces détachées via l’Atelier Paysan qui réalise des commandes groupées et qui me conseille sur le matériel. Je prévois de démarrer la construction en mai prochain, pour une utilisation cette année. Le prochain projet en auto-construction sera certainement le séchoir, mutualisé avec des producteurs voisins qui s’intéressent également aux PPAM… » (Jérôme SUAUD, Bedarrides – 84).

Philippe et Jean-Claude GIRARD, producteurs en polyculture-élevage à Marcoux (04), développent la culture de PPAM diversifiées (mélisse, thym, camomille romaine, angélique, etc.) depuis quelques années, sur 3 ha pour l’instant. Très autodidactes en matière de machinisme agricole, ils ont auto-construits plusieurs modèles de bineuses dont l’une est déportée. Cela a le grand avantage de rendre visible le travail effectué sans avoir à se retourner en permanence et confère donc un certain confort au conducteur du tracteur (Figure 2).

Figure 2 : Bineuse déportée auto-construite par Philippe et Jean-Claude GIRARD – GAEC Magalon – à Marcoux (04). Source : Mégane Véchambre, Agribio 04.

Nouveaux projets d’auto-construction pour la récolte et le battage des PPAM

Un prototype de récolteuse au Prieuré de Marcevol

Joaquim CABROL travaille en tant que chef de cultures au Prieuré de Marcevol (Arboussols – 66), haut lieu culturel des Pyrénées-Orientales protégé par une Fondation reconnue d’utilité publique. Dans le cadre d’un projet de valorisation des espaces extérieurs du Prieuré comme lieux de production d’aliments de qualité, d’éducation et de transmission sur les paysages et l’agro-écologie en milieu méditerranéen, 1,5 ha de PPAM diversifiées et cultivées pour l’huile essentielle (hélichryse, thym, romarin) ont été plantées courant 2017, en système agroforestier avec des amandiers (Figure 3).

Figure 3 : Cultures de PPAM en agroforesterie au Prieuré de Marcevol à Arboussols (66). Source : Joaquim Cabrol.

Etant données les contraintes existantes en termes de structuration du parcellaire (petites surfaces, parcelles morcelées, agroforesterie), Joaquim est en recherche de matériel adéquat, notamment pour la récolte : « Le problème ici est que l’on travaille sur des surfaces intermédiaires entre le tout-manuel et la machine. Les récolteuses dont j’avais entendu parler n’étaient pas adaptées et souvent très coûteuses. Sur Youtube (voir la vidéo), j’ai trouvé un modèle de récolteuse à origan fabriquée sur le même principe dont je me suis inspiré pour faire mes propres plans. Cela correspond à un chariot poussé manuellement avec un taille-haie en guise de barre de coupe à l’avant, auquel est combiné un souffleur à feuilles destiné à faire remonter le produit dans un sac. C’est particulièrement adapté au thym qu’il faut couper à plat et cela permet de le faire marcotter. A la différence d’un taille-haie porté sur le dos, ce système évite que les plantes ne tombent au sol, ce qui limite le salissement des feuilles et fait gagner du temps au tri. J’échange régulièrement avec l’Atelier Paysan qui me fait ses retours et me conseille sur les plans » (Joaquim CABROL, Prieuré de Marcevol, Abroussols – 66).

C’est donc un outil assez minimaliste mais qui a l’avantage d’être facilement modulable et surtout très abordable (environ 1000€ en auto-construction) quand le matériel de récolte neuf coûte effectivement une fortune. C’est aussi un outil facilement transportable et qui pourrait donc être prêté à d’autres producteurs. C’est ce que Joaquim envisage dans le cadre d’une coopérative qui est en train de voir le jour avec d’autres « petits » producteurs de la zone. Ils réfléchissent également ensemble à la conception d’un alambic mobile, sur le modèle de celui qui a été conçu dans le 04 (voir l’article que nous avions consacré à ce projet ICI).

Joaquim utilise également sur les parcelles du Prieuré la barre porte-outils, outil phare de l’Atelier Paysan depuis plusieurs années, principalement pour le binage (Figure 4).

Figure 4 : Démonstration de la barre porte-outils de l’Atelier Paysan avec Joaquim Cabrol au Prieuré de Marcevol en 2017. Source : Joaquim Cabrol.

Il a choisi l’option bineuse à tabac, avec des petites lames de type Bathelier qui viennent désherber précisément sur le rang, agrémentée des modules de cultivateur et vibroculteur. C’est un outil particulièrement polyvalent et modulable, très adapté aux petites parcelles (1000-2000 m²), en particulier aux parcelles agroforestières dont les configurations changent très souvent. Il a également un module de herse étrille qui lui permet de désherber les inter-rangs tout en préservant une bande enherbée qui a volontairement été laissée entre les rangs de PPAM et les rangées d’arbres pour conserver un trèfle protégé au niveau régional.

Des idées pour le battage…

Grégoire Wattinne, ingénieur machinisme à l’Atelier Paysan, fait état d’autres demandes d’auto-construction en PPAM qui lui sont remontées ces dernières années, telles qu’un outil de battage des plantes aromatiques : « De plus en plus d’outils à postes fixes sont déjà développés par l’Atelier Paysan, notamment pour des paysans-boulangers (trieurs). Ils pourraient être facilement adaptés aux PPAM. Un début de réflexion avait démarré avec le groupe d’agriculteurs du 04 ayant travaillé sur la bineuse. Un système de double-tapis avait alors été discuté ; la prochaine étape est de les dimensionner… ». A bon entendeur !