Introduire des légumes industrie en systèmes de grandes cultures bio : le retour du projet ILICO

Publié le : 17 août 2023

Une opportunité agronomique et économique

Dans l’objectif d’étudier l’impact de l’introduction des légumes industrie dans les systèmes en grandes cultures, le projet ILICO a été initié en 2019 en Bretagne. Le projet rassemble le réseau GAB-FRAB breton, les producteurs adhérents, les coopératives (Eureden, CLAL St-Yvi, UNILET) et est soutenu par FranceAgriMer, le Conseil Régional de Bretagne et les Conseils Départementaux d’Ile-et-Vilaine et du Finistère.

Petits pois, brocolis, haricots verts, choux-fleurs… La culture de légumes destinés à l’industrie attire les producteurs bretons

Gilles Delansalut est producteur de légumes sur 30 ha dans le Finistère. L’introduction de protéagineux, comme le petit pois, dans ses rotations est selon lui « idéale pour diversifier ses productions ». Cela permet de compenser les céréales, qui selon lui « ne sont pas très bien valorisées en bio ». En systèmes grandes cultures, la culture de légumes industrie constitue une opportunité agronomique et économique.

Dans les systèmes en polyculture-élevage, la culture de légumes industrie a aussi trouvé sa place. Chez Valentin Keriven, agriculteur dans le Finistère, la culture de petit-pois a rejoint son système de production depuis quelques années. Financièrement il s’y retrouve car « la marge brute à l’heure est plus intéressante que le lait ». La culture de légumes industrie a ainsi apporté une valeur ajoutée à son travail, sans pour autant « augmenter la taille de son troupeau de vaches laitières ni augmenter son temps de travail le week-end ».

La culture de légumes industrie est une production sous contrat entre les coopératives et les producteurs. Les coopératives sont à l’initiative des variétés de semences, des dates de semis et de récolte. Elles opèrent également un suivi technique sur les parcelles des producteurs.

Un enjeu majeur : la gestion de l’enherbement

Conduites en agriculture biologique, les cultures de petits pois et de haricots verts nécessitent « la mise en place d’une stratégie de désherbage pour garder la culture la plus propre possible jusqu’à la récolte » (Jean Paul Hignet, 35). En effet, la présence de morelles, de datura ou de chardon peut entraîner le déclassement de la production.

Ainsi, dans l’objectif d’évaluer l’effet du désherbage mécanique, de prélevée et de déterminer si cette pratique est à mettre en place de façon systématique ou non, le projet ILICO s’est mis en place en Bretagne en 2019.

Entre 2020 et 2022, 16 producteurs de légumes industrie ont testé sur leurs parcelles de petits pois ou de haricots verts le désherbage mécanique en prélevée. Suivant les pratiques de l’agriculteur, 2 zones ont été délimitées par parcelle : une zone d’essai et une zone témoin. Différentes mesures ont été effectuées par zone : des notations d’enherbement, de levée de petits pois ou haricots verts et de rendement.

Localisation des producteurs impliqués dans ILICO (en vert : producteurs de haricots verts, en orange : producteurs de petits pois) entre 2020 et 2022

Les résultats en petit pois

Entre 2020 et 2022, 20 parcelles de petit pois ont été suivies. Il a été observé que le désherbage mécanique en prélevée avait en tendance un effet bénéfique immédiat sur l’enherbement. En effet, sur 11 des 20 parcelles suivies, les densités d’adventices étaient plus faibles en zone désherbée en prélevée par rapport à la zone témoin 3-4 jours après le passage. Cependant, cet effet bénéfique ne perdure pas systématiquement dans le temps. En effet, 1 mois après les premières notations d’adventices, l’enherbement est plus important en zone d’essai sur 50% des parcelles.

Ce développement d’adventices en zone désherbée en prélevée s’explique par les conditions climatiques. Un passage en désherbage mécanique sur une parcelle va systématiquement créer de la relevée d’adventices : si les conditions sont séchantes et ensoleillées, les adventices vont être détruites par dessèchement après le passage de l’outil. En revanche, des conditions humides (10 mm de précipitations après le désherbage) vont favoriser le développement des adventices. Il est alors important de vérifier les prévisions climatiques avant de réaliser une intervention en prélevée.

Les essais ont montré que le désherbage mécanique en prélevée pouvait abîmer le petit pois dans le cas où le stade est « pointant » et provoquer des pertes de pieds. Jean Paul Hignet souligne que si « le germe est tendre on risque de casser les germes ». Sur sa parcelle, les petit-pois étaient en train de lever. Il a donc choisi de passer en prélevée à la houe rotative, de façon superficielle, à moins de 3 cm de profondeur et à 11 km/h pour ne pas prendre de risque. « L’objectif du désherbage mécanique en prélevée est d’atteindre les filaments d’adventices sans toucher les germes de petit pois ». Il est alors impératif de vérifier l’état de germination de la culture.

Le stade des adventices va conditionner le choix de l’outil. La houe rotative va être efficace à 90% au stade « filament blanc » et « cotylédon » des adventices, cependant lorsque le stade « 3-4 feuilles » des adventices est atteint, on privilégie alors la herse étrille qui est plus efficace.

Efficacité du désherbage mécanique selon l’outil utilisé et le stade des adventices (en vert : efficace, en rouge : inefficace)

Enfin, le désherbage mécanique de prélevée n’a pas montré d’effet dépressif systématique sur le rendement. Sur seulement 5 des 20 parcelles d’expérimentation, il a été observé des pertes de rendement, -16% en moyenne, entre la zone d’essai et la zone témoin. Ces pertes pourraient s’expliquer par un passage en prélevée trop tardif dans la culture qui a provoqué des pertes de pieds de petits pois.

Ainsi, la stratégie de désherbage est importante en culture de petit pois. Jean-Paul Hignet voit un intérêt de passer tôt dans la culture : « il ne faut attendre que les graines d’adventices soient levées pour désherber ». La période de semis a aussi une importante dans la stratégie de désherbage. Lorsque le semis est tôt (avant le 15 mars), la météo n’est pas forcément favorable à la mise en place de faux-semis. Il est alors intéressant de savoir
qu’on peut faire un passage en prélevée et démarrer le désherbage assez tôt dans la culture même si on doit repasser plusieurs fois après. Le bilan est positif pour Valentin Keriven tant temps passé qu’en exigence de conduite de culture, la herse étrille est le seul outil de désherbage dont il dispose, et il suffit pour gérer l’enherbement.

Les résultats en haricots verts

En culture de haricots verts, 9 parcelles ont été suivies au total entre 2020 et 2022. En tendance, il n’a pas été observé de différence d’enherbement entre les zones d’essais et témoins 3-4 jours après l’intervention ni 1 mois après les 1ères notations d’adventices. Sur 2 des 9 parcelles, il a été observé des pertes à la levée avec -14% de levée en moyenne en zone d’essai. Ces pertes peuvent s’expliquer par un passage en prélevée trop tardif sur la
parcelle. Le haricot vert est une culture qui lève très vite, il est donc impératif de vérifier le stade de la culture avant de passer en prélevée, pour ne pas risquer d’abîmer les plants.

Enfin, sur 3 des 9 parcelles, il a été observé des rendements moindres en zone d’essai (-15% en moyenne) par rapport à la zone témoin. En tendance, le désherbage mécanique en prélevée a donc peu d’effet sur le rendement.

En culture de haricots verts, le désherbage mécanique en prélevée n’est pas à mettre en place de façon systématique. En effet, les conditions climatiques précédant l’implantation de la culture de haricots verts sont généralement favorables à la mise en place de faux semis. La gestion de l’enherbement peut donc commencer tôt et les désherbages mécaniques post-levée seront moins risqués que des interventions en prélevée.

Les conditions optimales de désherbage mécanique des légumes industrie

  • Un semis profond (3-4 cm) et régulier
  • Préparation de sol fine et régulière, pas de grosses mottes
  • Un sol nivelé et ressuyé
  • Des prévisions météorologiques séchantes
  • Stade adventices « filament blanc » ou « cotylédons »
  • Stade de la culture peu sensible, germe éloigné de la
    surface

La filière légumes industrie

En 2020, année marquée par la crise COVID, la consommation des légumes industrie surgelés et en conserve, qu’ils soient produits en conventionnels ou en bio, a connu une forte hausse. Mais depuis 2021, alors que la consommation à domicile des légumes surgelés continue à augmenter (+3%), la consommation des légumes en conserve est en baisse (-3%) par rapport à l’évolution moyenne 2016-2020 (source : UNILET, 2021).

désherbage mécanique

Pour plus de renseignements, contactez Clara GUEGUEN, chargée de mission Structuration de filières & Grandes Cultures à la FRAB Bretagne : c.gueguen@agrobio-bretagne.org