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Suite à la crise d’Influenza aviaire de l’hiver 2020-2021, particulièrement longue, la claustration des volailles en bâtiments a été le principal levier mis en avant par les interprofessions pour lutter contre la diffusion de cette maladie épizootique. Dès l’automne 2021, avec la reprise des contaminations, la nouvelle réglementation applicable aux élevages de volailles dans le cadre de la lutte contre l’influenza aviaire a été mise en place et a généralisé l’obligation de claustrer les volailles.
Après avoir durement impacté le Sud-Ouest à l’automne, l’épidémie de grippe aviaire a touché au printemps 2022 les élevages avicoles du Grand-Ouest et s’y est diffusée de manière fulgurante, rendant rapidement la situation hors de contrôle. Les zones contaminées correspondent aux zones de forte densité d’élevages, où se concentrent des bâtiments d’élevage avicole, principalement de type industriel, avec des densités animales importantes. Pourtant, la claustration en bâtiments était la règle à ce moment-là. De fait, elle n’a servi à rien.
La réglementation applicable aux élevages de volailles dans le cadre de la lutte contre l’Influenza aviaire mise en place en automne 2021 a imposé l’obligation de claustrer les volailles comme une des seules mesures pour enrayer l’épizootie de grippe aviaire. Les éleveurs bio ne peuvent plus prétendre à la dérogation qui leur permettait auparavant de maintenir l’accès au plein air des volailles bio pour des raisons de bien-être animal ou de respect de leur cahier des charges. Dans les arrêtés ministériels publiés en 2021, une réduction des parcours est possible sous certaines conditions : quand cet « accès à l’extérieur » est autorisé, les parcours doivent être à limités à 0,5 m² par volaille… ce qui correspond à une surface 8 fois moins importante que ce qu’exige le cahier des charges bio.
Un parcours de 0,5 m²/volaille est totalement insuffisant pour respecter les besoins physiologiques des volailles. Cette concentration engendre des problèmes sanitaires et, même si la certification n’est pas remise en cause, les exigences du cahier des charges AB ne peuvent pas être considérées comme respectées. Quand c’est la claustration totale en bâtiment qui est mise en place, cela entraine des problèmes sanitaires et de bien-être animal, en particulier dans les élevages biologiques, dont le système est basé sur l’accès à l’extérieur et les bâtiments parfois inadaptés à un enfermement permanent des volailles. Des cas de picage, et de la mortalité, sont constatés dans de nombreux élevages, où les volailles avaient auparavant un accès quotidien au parcours extérieur.
En plus des impacts négatifs sur le bien-être de leurs animaux, sur leur production et l’équilibre sanitaire de leur élevage, pour certains éleveurs bio, cette situation s’apparente à une tromperie des consommateurs. Faut-il le rappeler, l’enfermement des volailles 6 mois sur 12 n’est pas compatible avec une production biologique. Le plein air fait en effet partie intégrante du système bio et des garanties apportées par le label. Or, à l’heure où les préoccupations des citoyens consommateurs à l’égard du bien-être animal n’ont jamais été aussi grandes, cet aspect semble avoir été totalement écarté des décisions et la claustration (ou « mise à l’abri ») des volailles être devenue la règle.
Chaque nouvelle crise de grippe aviaire se révèle pire que la précédente. Au printemps 2022, l’épidémie s’est diffusée extrêmement vite dans le Grand Ouest. Malgré une claustration stricte, le virus de l’Influenza aviaire y a trouvé les conditions favorables à sa diffusion : de nombreux élevages et de faibles distances entre élevages, un grand nombre d’animaux détenus, de nombreuses interventions de personnels dans les élevages et de nombreux déplacements et flux (de personnes, de matériel, d’animaux, pour les abattages ou l’équarrissage…). Si l’origine de l’introduction du virus en Pays-de-la-Loire reste à identifier, c’est bien la densité des élevages et les transports qui démultiplient les risques de propagation.
La contamination de proche en proche dans cette région s’est certainement faite par les ventilations dynamiques des bâtiments industriels, qui font entrer le virus dans l’élevage par voie aéroportée puis le réexpulsent à l’extérieur, du fait de la proximité spatiale des bâtiments. Dans ce contexte, les élevages fermiers et biologiques peuvent aussi être contaminés par des élevages industriels détenant beaucoup d’animaux à proximité. En imposant cette claustration comme seule mesure pour éviter l’Influenza aviaire, c’est la production biologique et de plein air, celle que les consommateurs plébiscitent et qui prend le plus soin des animaux, qui a été sacrifiée. Cette politique de lutte a pourtant échoué face au risque d’introduction du virus, tous les primo-foyers étant des élevages en claustration. L’enfermement des volailles n’a pas non plus empêché sa propagation.
Les causes de la diffusion de l’Influenza aviaire sont donc structurelles et c’est tout le fonctionnement des filières avicoles qui est à revoir. A l’opposé du modèle qui continue d’être promu malgré les risques qu’il fait peser à la fois sur toute la filière, sur l’avifaune sauvage et sur la santé humaine, celui des élevages bio fermiers porte les solutions qui devraient être mises en œuvre :
La désintensification de la production, l’arrêt de la segmentation et la relocalisation des outils de production et de transformation doivent être enfin étudiées sérieusement et les filières accompagnées dans leur transition. L’autonomie et la résilience des systèmes doivent être encouragés. Le développement d’une solution vaccinale, tant pour les palmipèdes que pour les gallinacés, et qui soit disponible pour tout type d’élevages, doit aussi être une priorité.
Un bilan devra être fait de l’impact économique de cette crise sur les élevages biologiques. L’impact social et psychologique dans les régions touchées ne doit pas non plus être négligé. Les éleveurs et éleveuses doivent être soutenus·es.(1) Que le plein air ne soit plus l’objet d’un tel acharnement permettrait déjà de rétablir un dialogue de filière et un peu de confiance dans l’avenir. Un bilan objectif devrait être fait de l’efficacité des mesures de lutte contre l’Influenza aviaire, ainsi qu’une analyse scientifique des causes de diffusion du virus.
La souche H5N1 en circulation depuis l’automne 2021 était toujours présente en été 2022, ce qui est très inhabituel. L’épizootie perdure, de nouveaux foyers en élevage sont déjà dénombrés depuis cet été et des départements dans le Grand Ouest mettent à l’abri les volailles. Elle a causé et cause encore des dégâts considérables dans de nombreuses colonies reproductrices d’oiseaux, notamment chez les oiseaux marins de l’Atlantique Nord (fous, laridés, alcidés).(2) La population française de fous de Bassan a été décimée…
Jusqu’à quel point faut-il que la situation soit dramatique pour qu’elle amène enfin à une remise en question des filières d’élevage industrielles ? Après un tel désastre et face à des perspectives aussi préoccupantes, un changement de modèle s’impose, plus durable et résilient, à l’instar de ce que propose la bio.
Suite à la crise d’influenza aviaire de l’hiver 2020-2021, le ministère a organisé une concertation des filières concernées au 1er semestre 2021. La FNAB a participé à ces groupes de travail et rédigé une contribution à la feuille de route du ministère, tout en regrettant le peu d’écoute dont nos revendications et propositions faisaient l’objet. Face à des mesures injustifiées, et qui portent atteinte aux systèmes les plus vertueux, la FNAB souhaitait obtenir une réglementation adaptée tenant compte de la réalité du risque épidémique et de sa propagation.
C’est pourquoi 3 recours juridiques ont été déposés par la FNAB et ses partenaires contre les arrêtés ministériels généralisant l’obligation de claustration de toutes les volailles sur le territoire national, accompagnés de référés suspension. Cette procédure juridique a été engagée aux côtés de la Confédération paysanne, et de 6 autres organisations, le MODEF, MIRAMAP, Bio Consom’Acteurs, Agir pour l’Environnement, Sauve Qui Poule, ANAFIC. Un communiqué de presse « Trois recours pour sauver le plein-air » a été diffusé fin novembre pour faire connaître cette action collective et une pétition pour soutenir l’élevage de plein air a été lancée par Agir pour l’environnement : https://liberezlespoulets.agirpourlenvironnement.org/
L’audience au Conseil d’Etat pour l’examen des référés suspension s’est tenue le 17 décembre 2021. Un rassemblement devant le Conseil d’Etat et une conférence de presse ont été organisés à cette occasion, auxquels le président de la FNAB a participé. Malheureusement, les demandes de suspension des arrêtés ont été rejetées (ordonnance du Conseil d’Etat du 24 décembre). Le jugement au fond de ces recours est intervenu rapidement, avant la fin du 1er trimestre 2022, mais s’est avéré encore plus décevant pour les requérants. Le Conseil d’État a rejeté les trois recours déposés par nos huit syndicats et organisations, lesquels ont déploré vivement cette décision hors-sol, qui ne répond pas à leurs objections, et valident des choix sanitaires qu’ils jugent irresponsables.
(1) Des aides et dispositifs d’indemnisation ont été mis en place pour les éleveurs. Si vous avez subi des abattages sanitaires ou des pertes économiques notamment à cause de vides sanitaires prolongés, n’hésitez pas à vous tourner vers votre GAB/GRAB pour vous faire aider.
(2) Bien peu médiatisée, cette catastrophe écologique en cours, notamment concernant les fous de Bassan, est suivie par la LPO (FAQ).
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