Fertilité des sols en maraîchage, tour d’horizon du groupe MaraîSol 74

Publié le : 3 septembre 2020

L’ADABio accompagne un groupe de 14 maraîchers sur la thématique de la fertilité des sols en Haute-Savoie. Une première formation a eu lieu en 2018 sur la fertilité des sols et l’interprétation des analyses de sol, avec Karim Riman. L’agro-écologue est revenu en 2019 pour approfondir les interprétations et échanger sur des pratiques à mettre en œuvre pour améliorer la fertilité.

Les enjeux et les leviers associés, ressortis de l’interprétation des analyses des maraîchers, sont regroupés dans le tableau suivant :

En parallèle de cela, les maraîchers testent et échangent sur des pratiques visant à mieux gérer le désherbage tout en favorisant leur sol. L’objectif est aussi de limiter l’utilisation de plastique dans un souci de réduire les produits issus du pétrole contribuant au dérèglement climatique.

Zoom sur quelques essais

Jardins du Taillefer : Semis de carottes sur lit de compost de déchets verts (DV)

Dans l’optique de réduire le temps de désherbage sur la carotte, un semis sur lit de compost de DV a été réalisé pour la première année en 2019 au jardin du Taillefer. Celles-ci ont été semées en 5 lignes par planche de 1,20 m dans le compost de DV. Etant satisfait de ce premier essai, le maraîcher a semé 6 à 7 rangs de carottes en 2020 : comme la technique ne nécessite pas de binage, les rangs peuvent être resserrés.

Le maraîcher témoigne que cette densification participe aussi à la rentabilité de la culture : le rendement supérieur ainsi obtenu compense le coût du compost de DV…

Parti pour adopter cette pratique, Cyril souligne qu’un accès suffisant à l’eau reste indispensable pour mettre en œuvre cet itinéraire technique car le compost de DV est très séchant, notamment au moment de l’implantation de la culture. Ensuite, il participe à maintenir l’humidité du sol et limiter l’évaporation de l’eau. Il note aussi que l’apport de compost de DV améliore la structure de son sol argilo-limoneux.

Le Pré Ombragé : semis de carottes sur paillage de chanvre recouvert au compost de DV

L’essai vise à réduire le temps de désherbage sur la carotte tout en réduisant les quantités de compost de DV difficilement dégradé dans ses sols limono-argilo-sableux.

Philippe cherche des alternatives au plastique et s’est tourné vers le paillage en chanvre. Il a testé une plantation d’épinards sur tapis de chanvre, sans résultat encourageant. De plus, le chanvre est difficile à trouer, par rapport à des bâches tissées, pour effectuer les plantations. Tout de même très intéressé par ce matériau, il teste cette année un semis de carotte à la volée sur paillage de chanvre et recouvert de compost de DV, sous-abri et irrigué au goutte-à-goutte. Les graines de carottes sont mélangées à du sable pour faciliter le semis. Un léger passage de râteau, très superficiel, est effectué après le semis.

La levée s’est très bien passée, un léger désherbage manuel très rapide a été effectué, peu d’adventices ont traversé le chanvre et les carottes se récoltent facilement.Elles sont belles et non fourchues. L’arrosage reste cependant indispensable pour cette technique. Philippe conseille aussi de protéger le tas de compost de DV des graines anémophiles, qui se disséminent par le vent (type pissenlit), avec une bâche lors du stockage.

Le chanvre est très intéressant : lorsqu’il se dégrade, il se maintient aggloméré ce qui conserve relativement bien son caractère occultant. Satisfait, Philippe va tester cet itinéraire technique en plein champ, avec un système de micro-aspersion. Cependant, il reste un paillage onéreux, difficile à trouer et à dérouler. C’est pourquoi Philippe a eu l’idée d’utiliser du papier kraft (0.20 euro/m²) recouvert d’un paillage de compost de DV. A terme, afin de réduire davantage le coût de cette technique, il va essayer de couvrir avec un mélange compost de déchets verts + paille. Des questions restent en suspens quant à la faculté d’occultation et vitesse de dégradation du papier kraft dans le sol.

 

Le bouquet Savoyard : plantation de mâches sur tapis de chanvre

L’objectif est de réduire l’utilisation du plastique, gagner du temps de plantation ou semis car les mottes/graines sont posées directement sur le tapis de chanvre, limiter les adventices et réduire le désherbage.

Jean-François a testé la plantation de mâche en mottes. Il a aussi testé un semis de radis sur du chanvre avec trois couverts : sable, terreau, sable+terreau, tout cela sous-abri.

Les plants sur tapis de chanvre ont présenté un retard de développement par rapport aux plants sur paillage plastique. Mais au final, bien arrosée, la mâche est aussi jolie sur chanvre que sur plastique.

Pour les radis, la germination s’est mieux passée sur la modalité chanvre + terreau. Cependant à la récolte, les radis cueillis sur la modalité « sable » étaient plus jolis (non piqués) que ceux des autres modalités comprenant du terreau.

Le chanvre est 10 fois plus cher que le plastique et plus long à poser : environ 2,5 fois plus que le plastique à la dérouleuse. Cependant il permet une économie de 2 désherbages à la main.

Là encore, l’irrigation est indispensable car le chanvre retient l’eau. Il faut donc maintenir le paillage humide, jusqu’à ce que les plantules soient vigoureuses et aient un appareil racinaire bien ancré dans le sol. Jean-François va aussi tester le paillage de chanvre en plein champ, là où il a déjà remarqué qu’il se dégrade plus rapidement et où les conditions sont moins contrôlées…

Vous retrouverez les essais des maraîchers du groupe dans la rubrique dédiée du forum de l’ADABio : https://forum.adabio.com/viewtopic.php?f=94&t=1446&sid=282c25cc8351887b3c5ef2eda27cbffc

Article rédigé par Céline Venot et Rémi Colomb, ADABio et initialement paru dans La Luciole n°28, été 2020