Élever ses chevrettes de renouvellement sous les mères : retours sur la pratique

Publié le : 17 août 2023

Une enquête a été conduite en 2021 par l’Anses, en collaboration avec le Civam Haut-Bocage et l’OMACAP, pour identifier des éleveurs élevant les chevrettes de renouvellement sous les mères, afin de comprendre leurs motivations, de décrire leur pratique et d’identifier les bénéfices et inconvénients ressentis liés à la pratique. 40 éleveurs élevant les chevrettes sous les mères depuis au moins 1 an ont été interrogés, ainsi que 4 éleveurs ayant arrêté la pratique. Suite aux deux premiers articles décrivant les élevages ayant mis en place cette pratique, les motivations des éleveurs pour la mettre en place, et décrivant les pratiques, cet article présente les impacts ressentis par les éleveurs sur les aspects comportementaux, économiques, zootechniques et sanitaires, ainsi que les bénéfices et inconvénients liés à la pratique.

Chevrettes renouvellement

Il sera décrit dans un premier temps les impacts ressentis par les éleveurs sur les aspects comportementaux, économiques, zootechniques et sanitaires. Les bénéfices et inconvénients ressentis de manière générale en lien avec la pratique e l’allaitement des chevrettes sous les mères seront ensuite présentés.

Relation humain-animal

Les éleveurs ont été interrogés sur la facilité à manipuler les chevrettes (avant séparation pour ceux qui séparent les chevrettes des mères) : 45 % estiment qu’il est facile de manipuler les chevrettes, 40 % trouvent la manipulation moyennement facile, et les autres estiment difficile de manipuler les chevrettes.

Parmi les éleveurs qui ont changé de pratique (n=22), 72,7 % estiment que les chevrettes sont plus farouches depuis qu’elles sont sous les mères.

Comportement au moment de la séparation

20,8 % des éleveurs (n = 24) n’entendent pas de vocalisations de la part des chevrettes ou seulement pendant quelques heures après la séparation. Les autres éleveurs déclarent en entendre de 1 à plus de 3 jours après la séparation. Cette variabilité est probablement due à plusieurs facteurs : âge à la séparation, type de contacts possible avec les mères après la séparation…

Impacts économiques et sur le temps de travail

Cette sous-partie ne concerne que les éleveurs ayant changé de pratique (n=22).

chevrettes economique

Figure 1 : Impact du changement de pratique sur : a) les revenus ; b) la quantité de lait livrée ou transformée ; c) le temps de travail

L’impact ressenti du changement de pratique sur les revenus est variable selon les éleveurs, avec un peu moins d’un tiers qui ressentent une baisse de revenu, 45,5 % qui n’observent pas d’impact, 9,1 % qui estiment avoir eu une hausse de revenus et 18,2 % qui ne savent pas. En revanche, la plupart d’entre eux estiment que le changement de pratique est à l’origine d’une baisse de la quantité de lait livrée ou transformée. Enfin, la majorité (86,4 %) estime avoir gagné en temps de travail. Ces ressentis seraient à étudier et quantifier plus précisément.

Impacts zootechniques et sanitaires

La majorité des éleveurs estiment que la croissance de leurs chevrettes est bonne de la naissance au sevrage (82,5 %) et sont satisfaits de l’état sanitaire des chevrettes (92,5 %). 82,5 % d’entre eux mettent les chevrettes à la reproduction entre 8 et 11 mois, les autres à 18 mois.

chevrettes impacts zootechniques

Figure 2 : Impact de ce changement de pratique, ressenti par les éleveurs, sur la croissance des chevrettes

La plupart des éleveurs (81,8 %) ayant changé de pratique (n=22) estiment que la croissance des chevrettes est améliorée de la naissance au sevrage (Figure 2).

Environ 2/3 des éleveurs (63,6 %) ayant changé de pratique ont l’impression de constater moins de diarrhées sur les chevrettes avant sevrage, les autres ne voient pas d’impact. Ce sentiment est moins important après sevrage (22,7 % des éleveurs estiment avoir moins de diarrhées après le sevrage, les autres ne voient pas d’impact). Aucun impact n’est ressenti sur les pathologies respiratoires.

Zoom sur les pathologies transmissibles

chevrettes pathologie

Les « gros genoux » sont l’une des formes d’expression clinique du CAEV

La moitié des éleveurs enquêtés s’est interrogée sur les impacts sanitaires que pouvait avoir la pratique sur les chèvres. Parmi les éleveurs qui élèvent les chevrettes depuis plus de 3 ans (soit 60 % des éleveurs), un éleveur a relevé une augmentation des signes cliniques de CAEV au cours du temps (un peu plus de la moitié de ces éleveurs observe des signes cliniques de CAEV[1] sur les adultes).

Le colostrum et le lait représentant une voie majeure de transmission du CAEV (Adams, 1983), un point de vigilance est à porter sur cet aspect sanitaire. Le CAEV a été la raison de l’arrêt de l’élevage des chevrettes sous la mère chez l’un des quatre éleveurs concernés.

5 % des éleveurs observent des signes évocateurs des mycoplasmes. 32,5 % des éleveurs observent des signes cliniques évocateurs de la paratuberculose chez les adultes et 5 % des éleveurs vaccinent contre la paratuberculose. Certains éleveurs ont indiqué réfléchir à y recourir si besoin. La paratuberculose a été la raison de l’arrêt de l’élevage des chevrettes sous la mère chez l’un des quatre éleveurs concernés.

 [1] L’Arthrite Encéphalite Caprine Virale (CAEV) est une maladie à l’origine de nombreux symptômes, notamment des arthrites (maladie des gros genoux).
Pour plus d’informations :
sur le CAEV : https://sante-chevres.fr/CAEV
– sur la paratuberculose : https://sante-chevres.fr/Paratuberculose
– sur les mycoplasmes :
http://academieveterinaire.free.fr/bulletin/pdf/2008/numero02/167.pdf

Bénéfices et inconvénients cités par les éleveurs

Principaux bénéfices ressentis par les éleveurs :

chevrettes benefices

Figure 3 : Bénéfices ressentis par les éleveurs en lien avec la pratique

Principaux inconvénients observés par les éleveurs :

Les principaux inconvénients observés par les éleveurs sont présentés en figure 4 : ces éléments sont de l’ordre du ressenti et n’ont pas été quantifiés. Par ailleurs, 22,5 % des éleveurs n’ont évoqué aucun inconvénient.

chevrettes inconveniants

Figure 4 : Inconvénients ressentis par les éleveurs en lien avec la pratique

Quatre autres éleveurs enquêtés ont indiqué avoir arrêté l’élevage des chevrettes sous les mères, chacun pour une raison différente. Les raisons citées sont les suivantes :
1. Mauvaise gestion des chevrettes, bâtiment pas optimisé, pertes liées à des coups des adultes, coccidiose
2. Comportement farouche des chevrettes
3. Augmentation de signes cliniques liés au CAEV
4. Paratuberculose chez les adultes.

Conclusion

Cette enquête a permis de mieux connaître les différentes méthodes d’allaitement des chevrettes de renouvellement par les mères en élevage caprin laitier. Dans cette enquête, la pratique est principalement observée au sein de petits troupeaux avec des races à petits effectifs et un accès à l’extérieur pour les chèvres (pâturage, parcours, estive ou alpage). Les pratiques d’élevage des chevrettes de renouvellement sont diverses et peuvent évoluer d’une année à l’autre en fonction des expériences vécues par les éleveurs. La majorité des éleveurs (95 %) souhaite poursuivre la pratique, avec pour certains des modifications. Cette enquête a également permis d’identifier des pistes de recherche de nature à générer des recommandations pour accompagner les éleveurs souhaitant démarrer cette pratique. Des essais doivent être réalisés pour mieux appréhender les perceptions ressenties par les éleveurs et mieux décrire les bénéfices et les risques liés à cette pratique. Un point de vigilance est à avoir notamment pour les pathologies transmissibles de la mère au jeune (CAEV, paratuberculose…). Parmi les pistes de recherche possibles, les impacts de la pratique sur le microbiote, sur la santé, le comportement, la relation avec l’homme et le travail des éleveurs pourront être investigués.

Nouvelle AquitaineRemerciements : Nous remercions tous les éleveurs d’avoir accepté de participer à cette enquête, les professionnels agricoles qui ont contribué au bon déroulement de cette étude et la Région Nouvelle-Aquitaine pour le financement de cette étude.

Contact pour plus d’informations : marianne.berthelot[at]anses.fr