Cohabiter avec la mouche noire du figuier, par quels moyens ?

Publié le : 19 août 2020

Dans un contexte de diversification des productions fruitières suite à la problématique Sharka, des vergers de figuiers ont progressivement vu le jour dans les Pyrénées-Orientales. En agriculture biologique, c’est une filière en développement mais la conduite des figuiers en bio se heurte à un problème technique important : la gestion d’un parasite. En effet, la mouche noire du figuier, Silba adipata McAlpine, peut être responsable de 20 % à 80 % des pertes en verger.

Mouche noire du figuier, S. adipata

Silba adipata est une petite mouche noire de la famille des Lonchaeidae. Elle mesure 4,5 mm et est reconnaissable grâce à son thorax brillant au soleil. Elle parasite les figues en déposant ses oeufs au niveau de l’ostiole. Les oeufs donnent ensuite naissance à la larve qui va ensuite se nourrir de l’inflorescence puis s’attaquer au parenchyme de la figue. Celle-ci finit par sortir de la figue pour poursuivre son cycle au sol où elle entamera sa nymphose et donnera lieu à la génération suivante. Il y a environ 6 générations par an.

Une impasse technique en bio. Aujourd’hui, il n’existe aucun produit bio homologué contre cette mouche. Seule la prophylaxie, qui consiste à récupérer les figues touchées puis les brûler, est possible. C’est une tâche très chronophage dont l’efficacité est controversée.

Trouver un piège de contrôle du ravageur efficace.

OEufs de S. adipata

Face à cette véritable impasse technique le CIVAMBIO 66 a mené dès 2015 des essais dans l’objectif de trouver un piège de contrôle du ravageur efficace. Cette première expérimentation a permis d’identifier une bonne attractivité du Phosphate diammonique (PDA) dilué à 4 %. Il constitue aujourd’hui la base des pièges mis en essais.

Plusieurs combinaisons de pièges et d’attractifs à l’essai. En 2017, les essais ont été poursuivis avec la société AB7 Innovation qui a proposé plusieurs combinaisons de pièges et d’attractifs. Ils sont conduits chez différents producteurs. D’avril jusqu’à septembre, chaque semaine, les mouches capturées sont comptées dans chacun des pièges. Ceux qui capturent le plus de S. adipata et qui sont les plus sélectifs sont sélectionnés. En 2017 le choix s’est porté sur un piège à guêpe transparent et trois attractifs.

LANCEMENT DU PROJET FIGUECOSA

Piège à guêpe transparent avec PDA à 4%.

Avec l’objectif commun de lutter contre ce ravageur, en 2018, le projet FIGUECOSA est lancé entre plusieurs partenaires. Le but est de développer une méthode de lutte par piégeage. Les 3 attractifs de 2017 sont réévalués et de nouvelles formulations d’actifs de la société partenaire AB7 sont également testées. Les essais sont mis en place dans plusieurs parcelles de figuiculteurs de la coopérative Teranéo, partenaire du projet. Chaque attractif est répété trois fois dans la parcelle. Chaque semaine, après avoir été comptés, vidés et rechargés de la solution PDA 4 %, les pièges sont déplacés pour prendre la place du suivant. L’objectif est de lisser les variations internes à la parcelle. Les pièges les plus efficaces sont ceux possédant la meilleure attractivité et sélectivité. Deux attractifs codés 14 et 203 sont notamment sélectionnés sur la base de ces critères pour l’année 2019.

UNE VARIABILITÉ DES RÉSULTATS

Les essais d’évaluation des pièges sont poursuivis pour les attractifs efficaces en 2018 (codés 14 et 203) et de nouvelles formulations sont également proposées (301 à 305). Les actifs présents dans la formulation 14 sont également incorporés dans un nouveau polymère confectionné par AB7. Le dispositif d’évaluation ainsi que le protocole de suivi sont toujours les mêmes.

Sur les 4 parcelles mobilisées pour cet essai, les efficacités sont d’une grande variabilité, mettant en évidence l’influence des facteurs externes et incontrôlables de la parcelle. En effet, même si l’attractif 14 est une nouvelle fois confirmé en termes d’attirance, dans certains cas c’est le piège témoin (PDA à 4 %) qui est le plus efficace.

AMÉLIORER LA SÉLECTIVITÉ

Si les formulations testées semblent très prometteuses en termes d’attractivité, ce n’est pas le cas pour la sélectivité qui est toujours limitée. La proportion d’insectes non-cibles est relativement importante par rapport au nombre de S. adipata capturées. On retrouve notamment beaucoup d’individus du sous-ordre des Brachycères.

Les captures enregistrées tout le long de la campagne ont également permis de suivre le vol des populations. Le démarrage des captures se situe au début du mois de juillet. Puis au fil du temps, le suivi révèle différents pics de vol.

UN RAVAGEUR QUE L’ON CONNAIT PEU…

Aujourd’hui la principale difficulté réside dans la méconnaissance sur ce ravageur qui fait beaucoup de dégâts. Bien qu’un travail avec une entomologiste ait été entamé en 2019, il reste encore beaucoup à explorer pour comprendre la dynamique de population de cette mouche, sa bio-écologie et ses facteurs d’influence. Tout cela nous permettrait d’optimiser le piégeage.

2020, LA DERNIÈRE ANNÉE DU PROJET

Ces deux années de projet ont permis de conclure positivement sur l’avenir de la lutte contre Silba adipata. Mais des questions restent tout de même en suspens. Un travail sur la sélectivité est encore à faire, et des observations plus poussées sur la mouche sont également à poursuivre. Les essais d’évaluation d’attractifs, sur la base des résultats obtenus, seront poursuivis en 2020. Il s’agit de la dernière année de projet, l’enjeu est donc d’autant plus important.

Article rédigé par Margaux Allix du Civam BIO 66 et initialement paru dans le Mag’ de la conversion n°15, mars 2020