Vincent Rondelet – Grandes cultures – Haute-Marne

J’ai repris l’exploitation de mes parents en 1985. Depuis c’est un travail que je fais par passion. J’insiste parce que parfois, lorsqu’on dit cela à des personnes qui ne sont pas du monde agricole, ils sont surpris. Ils pensent souvent que les agriculteurs font ce métier parce qu’ils ne savent faire que ça et n’avaient que cette possibilité mais moi je le fais avant tout par choix. C’est pareil pour la bio, cela faisait 10 ans que j’y pensais avant de me lancer en 2010.

 

Quel est ton parcours ?

J’ai repris l’exploitation familiale en 1985. Je l’ai dit,  c’est un travail que je fais par passion et qui m’a toujours attiré. Le matériel agricole m’a toujours plu, et c’est drôle à dire mais avant que je passe en bio, mon plus bel outil sur l’exploitation c’était le pulvérisateur. Effectivement au début, nous utilisions des « produits », et comme je travaillais avec mon père et qu’il n’aimait pas trop conduire les engins, c’était souvent moi qui faisais les traitements. Il faut se remettre dans le contexte des années 80, il y avait la possibilité d’épandre des fongicides sur les blés, c’était nouveau et intéressant techniquement donc c’est vrai qu’à cette époque je n’avais pas du tout la fibre  » bio « .»

Alors justement, comment es-tu venu à l’AB ?

Quand j’étais à l’école, on ne nous parlait que des traitements. De même, plus tard j’ai fait un BTS « productions végétales »: mais là aussi c’était axé 200 % produits phytosanitaires. En plus dans ces formations, on ne vous parle jamais de bio et je ne connaissais pas de producteur bio.

Alors mon cheminement s’est fait beaucoup plus tard car j’avais une vision conventionnelle et en faveur de l’agrandissement, mais au fil du temps réaliser des traitements me pesait de plus en plus. J’ai eu le souvenir que la propriétaire avait demandé à mes parents s’ils avaient la possibilité de cultiver sans engrais et pesticides chimiques alors qu’ils étaient encore en activité, ça a dû me rester un peu en tête. Ensuite, je me suis aperçu que l’agrandissement n’était pas possible, que le système agricole actuel nous considérait comme des pions ; j’ai voulu sortir de ce système et gagner en autonomie.

Mon cheminement a été tardif et long car je suis passé en bio en 2010 mais l’envie, l’idée était là 10 ans avant ! D’autant qu’il y avait pas de formation dans la région, peu d’informations et encore moins d’incitations. Et puis, j’avais d’abord envie de mener à bien le projet de chambres d’hôtes. J’ai commencé en 2000, fait les travaux pour une ouverture au public en 2006. Parallèlement, l’idée de passer en bio a mûri, j’ai alors fait des stages avec d’autres agriculteurs bio pour enfin certifier l’exploitation en 2010.

Tu es 100% en bio ou en mixité ?

100 % bio! J’ai tout converti d’un coup. Je comprends que certains le fassent progressivement mais moi j’y suis allé à 100 % et sans regret ! Le souci, c’est que l’on a peu d’informations sur les possibilités et solutions pour passer tout en bio. Cela engendre des questionnements, des hésitations chez les agriculteurs. On se dit qu’on verra ça l’année prochaine. Mais une fois qu’on l’a fait, avec le recul, on se dit qu’il n’y avait pas tant de questions à se poser.

Le fait d’avoir une plus petite surface ça t’a facilité la tâche ?

Ce n’est pas du tout une question que je me suis posée d’autant plus que la ferme bio que j’avais visitée pour référence a une surface de 250 ha. Donc même si j’avais eu le double de surface par rapport à ce que j’ai actuellement, j’aurais fait pareil.

La ferme en quelques mots

  • SAU : 58.5 ha
  • Conversion : 2010
  • UTH : 1
  • Production : Avoine, Blé tendre, Maïs grain, Triticale, Mélange céréalier grain, Tournesol, Féverole, Pois protéagineux.
  • Prairie temporaire (22 ha) dont luzerne.
  • Autres activités : Activité touristique et d’accueil.

Tu as intégré récemment le Conseil d’Administration de la FRAB, pourquoi?

On me l’a proposé et j’ai dis oui ! (rires). Non, plus sérieusement, j’espère vraiment pouvoir apporter quelque chose : j’ai mes idées et ce sera l’occasion de les porter et de les défendre. De plus, les questions autour de l’agriculture de proximité en région m’intéressent et c’est très encourageant de voir tout ce développement au-delà de sa ferme.

Que penses-tu de l’AB dans le contexte actuel ?

Je trouve que depuis ma conversion, l’image de l’AB a changé. Avant, on n’en parlait pas, il y avait peu d’informations, les producteurs bio étaient vus comme des marginaux. Maintenant, je sens un intérêt de la part de certains collègues conventionnels, et pour peu qu’on ait des parcelles à peu près propres et correctement tenues, il y a, je dirais même un attrait et ça c’est déjà positif.

De façon plus générale, j’aimerais bien que l’AB se développe plus rapidement comme ce fut le cas autour de 2009/2010. J‘ai l’impression que maintenant ça stagne, qu’on cherche même à ralentir ce développement avec la parution de telle ou telle étude souvent sans réels fondements ou basée sur des interprétations très subjectives de chiffres. C’est dommage que l’AB soit la cible d’attaques dans les médias, cela influence malheureusement les consommateurs et les producteurs.

En conventionnel, il y a une morosité, tout le monde se plaint. Alors que depuis que je suis passé en bio et discute avec d’autres bio, c’est une autre ambiance : ils ont une vision du monde plus optimiste, ils ne se plaignent pas, au contraire, ils proposent des projets et cela crée de l’émulation: on sent une dynamique plus collective en agriculture bio.

Quels sont tes projets ?

J’ai fait quelques expériences par le passé : un atelier poules pondeuses, des pommes de terre, … mais elles n’ont pas abouti. A présent, je me concentre sur mes deux bases : les céréales bio et les chambres d’hôtes et j’évite de me disperser. Pour les céréales : j’ai toujours des choses à apprendre et j’ai un projet de bâtiment de stockage. Pour la partie chambres d’hôtes, je veux continuer le développement et la promotion et peut-être, à l’avenir, employer une personne pour m’aider