Vincent et Christophe Gosselin – Bovins lait et porcs – Manche

« On ne fait plus le même métier. Pourtant, on garde les mêmes animaux. »

Nous nous sommes installés en 1989 et 1990 dans la ferme familiale conduite en système intensif. Deux ans plus tard nous avons débuté la production porcine, intensive elle aussi, pour conforter notre maigre revenu. Les résultats ont été concrets : plus de travail, moins d’autonomie, situation financière dégradée.

La réorganisation des pâtures pour les vaches laitières, en 1995, nous a permis de diminuer les surfaces en maïs et d’augmenter la part d’herbe dans la ration. Nous avons ensuite rejoint la FRCIVAM de Basse-Normandie pour mieux nous engager dans les systèmes extensifs, autonomes, économes, en un mot… durables.

Un projet de conversion mûri

Durant toutes ces années, la situation financière s’est enfin améliorée en production laitière, mais elle restait compliquée en porc surtout à cause de notre dépendance totale au prix de l’aliment, aux cours de la viande, aux humeurs du banquier et autres facteurs indépendants de notre volonté.

Cette situation ne pouvait durer et en 2009 nous avons décidé de franchir l’étape de la bio. Nous étions prêts déjà depuis quelques années pour les bovins mais pour les porcs c’était plus compliqué. Pas de filière régionale, pas de références technico- économiques, pas de modèle de conversion de bâtiment, tout était à construire. Le risque d’échec était néanmoins limité et le défi très intéressant. Aujourd’hui, Normandie Viande Bio développe sa filière porc, favorisant l’installation de nouveaux projets. Nous avons embauché un deuxième salarié, développé la vente directe et la transformation de la viande de porc.

Des produits de qualité, un environnement préservé, des conditions de travail correctes et la création de nouveaux emplois : c’est notre définition de l’agriculture durable.

 

La ferme en quelques mots

GAEC CV Gosselin

Situation en 2015

  • Installation en 1989-1990
  • Conversion 2010 (porcs), 2011 (bovins)
  • UTH : 2 associés, 2 salariés
  • SAU : 85 ha
    • 46 ha en prairies permanentes
    • 39 ha en rotation (prairies, maïs ensilage, orge-pois, triticale-pois, luzerne-trèfle)
  • Fabrication d’aliments à la ferme
  • Cheptel :
    • Bovin : 70 VL – Holstein/Normande/Simmental
    • Porcin : 55 truies – naisseur engraisseur partiel
  • Production :
    • 375 000 L de lait vendus + 17 000 L pour veaux
    • 600 porcs gras et 400 porcelets vendus

 « On ne fait plus le même métier. Pourtant, on garde les mêmes animaux. »

Les frères Gosselin ne regrettent pas une seconde d’avoir converti leur ferme, à Fervaches (Manche), à l’agriculture biologique. Fini l’élevage des porcs sur caillebotis. Les animaux reposent sur une litière de paille et peuvent sortir vers des courettes extérieures. « Les fosses n’étaient pas très profondes, environ 80 cm. Le bâtiment n’a pas été trop dur à réaménager ».

Les travaux ont été réalisés, en 2009, par les deux frères. Ils s’en tirent avec une facture de 30 000 €. L’élevage passe de 120 à 55 truies ; de 2 400 à 600 porcs charcutiers par an. La production chute, mais le kilo de viande de porc bio se vend 3,66 € (net) contre un peu plus d’1,30 € au marché au cadran pour le porc « conventionnel ».

« Ça ne doit pas être qu’un choix économique »

« On vivait toujours avec un petit déficit de 30 000 à 40 000 €. Aujourd’hui, on apprend à gérer une trésorerie positive », se félicite Christophe. D’autant que le troupeau de vaches dont s’occupe Vincent est aussi passé en bio. La collecte laitière a baissé de 490 000 litres à 370 000 litres, avec 70 vaches au lieu de 65. Mais, là encore, les deux frères y gagnent économiquement. Et en qualité de vie.

Ils ont pu embaucher deux salariés à temps plein. « On travaille un week-end sur trois avec quatre semaines de congés payés. Mais, pour passer en bio il faut penser développement durable. Ça ne doit pas être qu’un choix économique. » Un nouveau bâtiment coûte cher. Il faut compter environ 10 000 € par truie. Les projets tournent actuellement autour de quarante truies. Donc 400 000 € environ.

Les frères Gosselin ont pu réhabiliter les anciennes cases. « On met désormais 39 porcs dans 120 m2. L’animal dispose d’environ 3 m2, contre 0,7 m2 en production intensive ». Les porcs prennent l’air mais les pâturages (75 ha) sont réservés aux bovins. La ferme cultive 7 ha de maïs et tournesol, 18 ha de mélanges de céréales (triticale, orge) et protéagineux (pois, féverole). Depuis 2011, une fabrique d’aliments permet de servir une « soupe » à l’auge. « Mais on doit encore acheter des aliments à l’extérieur. »

 « On observe beaucoup les animaux »

Ça n’empêche pas les porcs charcutiers de bien pousser. Jusqu’à 110 kg en 210 jours. Un mois de plus que dans les élevages de porcs standards. Et sans antibiotiques. « On observe beaucoup les animaux. On utilise des huiles essentielles. » Les truies (Large White et Land race pour le côté prolifique), inséminées avec la semence de verrats Piétrain-Duroc (pour le muscle et le goût), donnent vingt porcelets par an. Dix de moins qu’en conventionnel.

Une centaine des porcs est commercialisée directement. Le reste de la production est acheté par l’association d’éleveurs Normandie viande bio, membre d’Unébio (3 000 éleveurs) qui commercialise la viande à des boucheries (« Bio du coin »), à la restauration collective, aux salaisons ou aux grandes surfaces.