Valérie Dudon – Maraîchage et petits fruits – Vaucluse

Je me suis installée en avril 2008 sur l’exploitation de mon père, après une vie professionnelle de dix ans dans l’industrie agro alimentaire, en qualité et R&D. J’avais certainement envie d’un retour aux sources, d’un épanouissement et d’une autonomie par un travail productif. Je n’envisageais pas de commencer l’agriculture d’une autre façon qu’en cultivant en bio, cela va de pair avec mon évolution personnelle vers une consommation biologique et écologique. Le projet, au départ, était plus tourné vers le tourisme rural et j’ai actuellement deux gîtes.
La moitié de l’exploitation de mon père était alors en production de framboises. Ainsi, j’ai commencé une conversion à la bio sur des parcelles de framboisiers (anticipée fin 2007) alors que le reste de l’exploitation, précédemment en friche, est passé directement en cultures maraîchères bio.

Des aides à la bio

Je n’ai pas sollicité d’accompagnement à la conversion. J’ai bénéficié des aides à l’installation des JA et d’un suivi de la Chambre d’agriculture non spécifique au bio (orienté gestion). J’ai également suivi des formations techniques auprès d’Agribio Vaucluse. Par contre, je bénéficie de l’aide à la certification de la Région depuis 2008 à hauteur de 700 € en moyenne par an et du crédit d’impôt, depuis le début également.

Évolution des cultures

Après avoir commencé ma production avec les framboisiers et autres petits fruits rouges (cassis et groseilles sur des petites surfaces), je souhaite augmenter la production maraîchère tout en essayant de me spécialiser dans certaines cultures comme la salade.

La commercialisation avant la conversion

Elle se faisait uniquement sur les framboises déjà exploitées par mon père. La totalité de la production était écoulée en vente directe : sur les marchés de Velleron et de Petit Palais, et dans des paniers.

Mode de commercialisation durant la conversion : tâtonnement des différents systèmes

En 2008, la vente des framboises dominait encore mon chiffre d’affaire et m’a ouvert d’ailleurs certains marchés supplémentaires pour mes légumes certifiés bio. Les marchés étaient toujours présents dans mon mode de commercialisation, mais je m’orientais vers les marchés du soir en saison (Le Thor et l’Isle sur Sorgues) et diminuais les marchés traditionnels. Mon objectif étant de ne plus les faire du tout et d’augmenter la part vendue dans les points de vente collectifs (PVC) et d’intégrer également les grossistes. En 2009, les framboises restaient mon produit phare et  m’ouvraient effectivement le marché des grossistes bio en me permettant de proposer également mes légumes bio. Les framboises ont servi en quelque sorte de porte d’entrée : produit plus rare et plus demandé.

J’ai fait le choix de diminuer les modes de commercialisation qui me demandaient trop de temps sans écouler beaucoup de volumes (magasins bio, marchés) et de développer les PVC et les grossistes. Mon mode de commercialisation se simplifie donc mais se diversifie à l‘intérieur des deux grandes familles. En effet, les points de vente collectifs sont au nombre de deux à présent (La Banaste et Lou Païsan) et les grossistes sont au nombre de quatre (Biocoop, Avicennes, Relais vert et Pronatura). J’intègre les sociétés qui vendent des paniers au marché des grossistes, elles peuvent représenter en effet des livraisons équivalentes en volume avec plus de souplesse et de facilité. Je m’oriente donc prioritairement vers les PVC (relations plus solidaires, directes et de confiance entre les producteurs et les consommateurs) et équilibre mon mode de commercialisation entre ces derniers, les sociétés de paniers, les grossistes et les magasins bio. Mon objectif principal pour l’instant est d’optimiser et de stabiliser la production et donc l’entreprise

Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 1, Des agriculteurs bien dans leur terre…, édité par Bio de Provence

Et depuis, que sont-ils devenus ?

En évolution constante pour une production optimale

Il y a cinq ans, en 2010, mon exploitation de 2 ha était répartie entre 50% en petits fruits rouges et 50% en cultures maraîchères, le tout en agriculture biologique. De nombreux changements étaient déjà intervenus depuis mon installation en 2008, essentiellement au niveau de mon système de commercialisation. Du fait du vieillissement des framboisiers, la production a diminué petit à petit. Etant donné ma situation (terres familiales en indivision) je n’ai pas choisi d’investir pour 10 ans dans la replantation de nouveaux plants. Cela demande beaucoup d’investissements afin d’améliorer la plantation, de la rendre plus pratique et plus rentable : une plus petite surface mieux entretenue et plus productive.
De plus cette culture n’est pas bien adaptée à la région : climat trop chaud en été, sol calcaire et sableux … Je garde les groseilliers et cassissiers (toujours sur 2500 m2). Je souhaite développer la plantation de fraisiers, plus intéressants au niveau de l’entretien et de la vente. J’ai donc maintenant 80% de mon exploitation qui est en maraîchage bio avec une dizaine d’espèces par an :

  • Printemps : Choux rave, céleri, fenouil, ail, oignons, persil, salade
  • Eté : tomate ancienne, courgette, haricot vert
  • Automne : courge
  • Hiver : blette, épinard, mâche

Je transforme les tomates (coulis) et les fruits rouges (vinaigre et confitures). J’ai augmenté la surface de serres de 400 m2 en 2012, pour atteindre en tout 1000 m2, laissant le reste pour le plein champ.

Quand le système de commercialisation oriente logiquement le système de production

L’évolution de mon système de production a été dictée par mon choix de me centrer sur l’approvisionnement de notre point de vente collectif à l’Isle-sur-Sorgue, la Banaste. Ma production y est en effet destinée à 85%. Nous sommes trois maraîchers à nous répartir les productions. Je suis donc toujours en recherche de diversification pour élaborer au mieux le planning de production. Mon souhait est vraiment de continuer de
faire vivre ce point de vente collectif.

L’importance de se former, de l’entraide et d’un suivi technique

Pour m’appuyer dans mon travail, améliorer ma production en qualité et en quantité, j’ai fait le choix de faire appel aux services d’un technicien de CETA qui passe tous les 15 jours. En parallèle, je continue à me former. Je souhaite apporter un effort particulier à l’entretien de mon sol, car c’est la base et je ne souhaite pas le dégrader. Formation engrais vert, approche de la biodynamie, suivis et analyses de sol, je ne suis fermée à rien, dans un objectif d’optimisation du travail et de la production dans le respect du sol. Coté main d’œuvre, j’ai eu un apprenti pendant deux ans, ce qui a donné une impulsion au développement de la ferme mais une personne à plein temps toute l’année n’est pas envisageable. J’ai donc opté pour un salarié saisonnier de mars à novembre à temps partiel complété par l’aide occasionnelle d’un à deux woofers. L’entraide de certains agriculteurs m’est très chère sur le plan technique comme sur le plan humain. Ils me permettent de m’autonomiser et de faire de sacrées économies.

Prendre du recul pour mieux se projeter

Après ces sept années d’expérience, le métier commence à rentrer ! Je suis plus organisée, un peu plus mécanisée, j’ai davantage de recul sur les productions, sur ce qui se vend, ce qui est adapté à mon sol,… Je planifie mieux. J’ai atteint un palier en termes de capacité/volume à produire, une sorte de routine qui me permet de mieux anticiper mes choix. Mais malgré l’acquisition de ce recul, je ne peux pas dire que mon objectif de 2010 d’optimiser et de stabiliser mon entreprise soit réalisé. Mon chiffre d’affaires augmente mais les charges également. Je n’ai pas atteint l’équilibre me permettant de réaliser le bénéfice souhaité. D’ailleurs, si je n’avais pas bénéficié du contexte familial, il est probable que j’aurais arrêté pour problèmes de trésorerie.

L’équilibre de mon exploitation repose aujourd’hui sur 3 pieds : l’agriculture biologique (ses valeurs qui pourraient changer, son cahier des charges) ; La Banaste (qui fait tourner mon exploitation car elle fonctionne bien et pour laquelle j’ai orienté tout mon système de production) ; le woofing.  Il manque le pied financier qui assoirait plus solidement mon exploitation…

Dans l’avenir, je ne souhaite pas changer le squelette de mon exploitation : rester seule sur cette même surface en production maraîchère et petits fruits rouges en optimisant mon travail (afin de m’économiser aussi…) et atteindre un équilibre à tous les niveaux. Un besoin très fort que j’ai aujourd’hui, difficile à mettre en œuvre au quotidien, serait de prendre le temps, tous les mois, de me poser sur la gestion de mon exploitation, de suivre ma comptabilité pour analyser chaque poste pour m’aider à décider où, quand et sur quoi je dois investir et sur quoi je peux diminuer les charges.

Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 4 – Que sont devenus les témoins du tome 1, édité par Bio de Provence