Richard Leduc – Bovin lait – Ille-et-Vilaine

Passé en bio par amour du métier

Après 20 ans de métier et une association infructueuse, Richard Leduc, éleveur laitier à Pleumeleuc (35), a failli laisser sa cote à jamais accrochée sur le porte-manteau. C’est la passion du métier qui l’a fait revenir sur sa ferme. Comme bon nombre d’agriculteurs depuis le début de l’année [2015], il a décidé de passer en bio, puis entamé sa conversion en juin 2015. Une décision salvatrice qui montre déjà des effets positifs.

Richard Leduc a failli tout plaquer quelques mois avant ce témoignage. Ras le bol. Il avait trois propositions de boulot pour aller voir ailleurs et tourner la page de sa vie de paysan. C’est finalement l’amour du métier qu’il a fait rester sur sa ferme. Son passage en bio est alors devenu une évidence pour garder le sens du métier d’éleveur. Et aussi pour ses finances.

Retour en arrière. Richard s’est installé en 1998 à la suite de ses parents. Sa ferme, située Pleumeleuc (35), fait alors 23 ha. Quota : 126 000 litres. Il s’agrandit progressivement : d’abord 8 ha, en location pour assurer le départ en préretraite de sa mère, puis il acquiert 14 ha en deux fois. Un troupeau d’Holstein assure la production laitière et un autre de Blonde d’Aquitaine lui permet de vendre de la viande en direct.

Au fil des années, il voit quelques voisins passer en bio. En 2010, il profite d’une visite d’info gratuite. Un technicien d’Agrobio 35 passe sur sa ferme. Ça le questionne, ça le taraude. « J’avais la tête dans le guidon, il fallait que je paye mes factures, mes fournisseurs. Dans un système conventionnel, on ne fait que ça, les factures reviennent vite et si on veut les payer, il faut que ça tourne. On finit par se demander pour qui on travaille au final ».

« Continuer, mais à ma façon »

En 2014, lassé par certaines tâches, notamment la traite, Richard choisit de s’associer avec un voisin, pour se dégager du temps. Le troupeau part sur la ferme du voisin, tandis que les génisses restent sur sa ferme. Le GAEC ne fait pas un pli et explose au bout de quelques mois. « On ne s’entendait pas. Ça ne l’a pas fait sur le plan humain ». Le choc est rude. Richard remet tout à plat, se dit qu’il va tout arrêter. « Après 20 ans de carrière et l’échec du GAEC, je me disais que j’avais fait le tour du métier, on me proposait du boulot ailleurs, donc une certaine stabilité… »

Le système l’a poussé à bout. Pourtant son métier, il l’aime, il n’a pas envie d’en changer. « J’ai décidé de continuer, mais à ma façon ». Il participe à une formation sur la conversion avec Agrobio 35. Il va voir les fermes des voisins, « des copains », passés en bio quelques années auparavant: Alain Fouvil, Stéphane Paviot… Ça le conforte, son choix semble tenir la route. La simulation de conversion et l’étude économique le rassurent : « Quand on voit les chiffrages, on se dit qu’on est dans le vrai. C’est concret ».

 

La ferme en quelques mots

Surfaces et cheptel :

  • SAU : 45 ha
  • 45 VL – 270 000 L

Effectif : 1 UTH

Quelques dates clés

  • 1998 : installation sur 23 ha à la suite de ses parents puis rachat progressif de terres
  • 2010 : visite d’info d’un technicien bio d’Agrobio 35
  • 2014 : association en GAEC avec un voisin
  • 2015 : rupture du GAEC, réinstallation
  • Juin 2015 : début de la conversion

Viser l’autonomie

Avec 30 ha de parcellaire accessible, des bâtiments mis aux normes en 2008, des logettes en nombre suffisant… son système est cohérent. « J’ai décidé d’arrêter la viande pour me recentrer sur le lait. J’ai décidé d’arrêter aussi les cultures de vente pour aller vers l’autonomie en optimisant le pâturage et en complétant les rations avec des céréales produites sur la ferme. Les vaches sont faites pour brouter de l’herbe non », assène-t-il comme une évidence. Engagé dans sa démarche de conversion depuis le mois de juin, il a l’impression d’avoir changé radicalement de système, et de métier. « Autant aller directement au bout des choses », dit-il. La baisse de la production, il est prêt à l’assumer. A terme, il sait qu’il agrandira son troupeau de 8 à 10 têtes, et que la baisse de ses charges, devenues colossales en conventionnel, vont également atténuer les conséquences économiques du changement de système. « Vu le contexte, je sais que mes efforts seront payés ». Collecté par une laiterie privée, l’éleveur a récemment été démarché par Biolait. « Ce sont des administrateurs, des paysans qui sont venus me voir. Ça fait plaisir. On n’est pas vu comme un numéro ». Il a apprécié la démarche et réfléchit à rejoindre l’organisation de producteurs, une fois son engagement avec sa laiterie terminé. « Le slogan la bio partout pour tous, ça me plaît, et la maîtrise de l’outil par les paysans c’est très intéressant. Je suis allé voir ma laiterie pour leur demander une aide à la conversion, comme fait Biolait, on m’a dit non. Ça fait assez longtemps que je me sers la ceinture, j’ai envie de vivre de mon métier. » Pour sa conversion, Richard a bénéficié d’un Pass Bio. Côté aide, il a opté pour une SPE 12 (système polyculture élevage – 12% de maïs dans la SFP), mais en déplorant que les mesures bio ne soient pas les mieux rémunérées.

Une démarche familiale

Lui qui a vu l’image des agriculteurs s’écorner est désormais content de dire qu’il passe en bio. « C’est une vraie démarche de progrès, très positive dans l’esprit des gens ». Depuis plusieurs années, engagé dans une MAE réduction de phyto, l’agriculteur menait déjà un travail pour diminuer les traitements sur maïs. Il traitait le soir ou très tôt le matin pour ne pas être vu. « On a beau mettre une petite dose, on se pointe toujours avec un pulvé. Au-delà de l’image, j’ai aussi voulu préserver ma santé en passant en bio », remarque Richard.

Le pulvé justement, Il voyait ses enfants commencer à en parler et susciter chez eux des interrogations. Aujourd’hui, la démarche de conversion rejaillit sur toute la famille. « On a commencé à manger bio, et on chemine de plus en plus dans ce sens. Ça avance et c’est chouette de se dire que toute la famille est impliquée », explique t- il.

Confiant dans l’avenir

Suite à ses premières démarches et son suivi par Agrobio 35 et Agrobio Conseil, Richard a intégré le groupe lait bio de Montfort-sur-Meu, lui qui était peu dans le collectif jusqu’à présent. « C’est accueillant, très ouvert. C’est du concret et des conseils précieux. C’est rassurant de savoir qu’on peut s’entraider entre paysans et ne plus être conseillé que par le technicien de la Coop. C’est d’ailleurs marrant de voir que quand on passe en bio, on n’intéresse beaucoup moins de gens », explique-t-il. L’intérêt de la bio pour lui réside dans la démarche de progrès, le bon sens paysan et le fait que les premiers résultats sont rapidement visibles. Il montre d’ailleurs avec fierté les prairies qu’il a réimplantées au printemps.

Il a bien encaissé la période de « sécheresse de l’été », se satisfait de la pousse de l’herbe et arpente désormais ses prairies avec fierté. Il sait déjà qu’entre foin et ensilage il ne manquera pas de stocks cet hiver. « Si le prix du lait est faible, je sais que je ne vais pas manquer de fourrages, c’est rassurant ». Dans un même souci d’économie, il voudrait ne pas acheter de correcteur azoté. « J’aimerais en donner 500 g par vache, sachant qu’il y a des années où j’ai été jusqu’à 4 kg par vache, voire plus ».

Il anticipe également déjà les foins de l’an prochain. « Je sais qu’il faudra être précis sur les interventions et réactif en fonction des fenêtres météo. J’ai hâte d’y être ». Pas un fou de matériel, Richard ne possède qu’un tracteur et un mélangeur. Tout le reste est en CUMA. Il prévoit néanmoins de s’équiper en matériel de fenaison, dans un souci de disponibilité du matériel le jour J. « Si je n’ai que ça à investir, ça va », dit Richard

Côté santé animale, il se dit qu’une bonne alimentation sera le premier facteur de bonne santé de ses vaches. Il envisage également de passer en mono traite dans quelques années, une fois que son système sera bien calé, et pourquoi pas de prendre également un apprenti.

En quelques mois, ses proches lui disent qu’il a déjà changé. Richard s’en réjouit et ne dit plus qu’une chose : il est confiant dans l’avenir.

 

Article rédigé par Antoine Besnard (FRAB Bretagne) et initialement publié dans Symbiose de novembre 2015. Photos : Matthieu Channel (Agrobio 35)