Grégory Fachon – Maraîchage – Ille et Vilaine

S’adapter à son terroir

Parti pour s’installer sur une ferme en vente directe, Grégory Fachon a finalement développé un système maraîcher avec une commercialisation en demi-gros en local. Un système très opérationnel, que Grégory n’a de cesse d’améliorer, notamment grâce à la mécanisation.

Grégory Fachon – crédit Matthieu Chanel

Lors de sa première année de maraîchage, Grégory a cultivé 8000 m², entièrement à la main, seul. « J’ai cru mourir ». En 2011, des rêves d’idéal plein la tête, il s’installe sur 6 ha à Bruz, dans le cadre d’un portage foncier. Intéressé par la permaculture et le maraîchage sur sol vivant, il pense alors son projet comme une microferme en vente directe. Mais il en revient vite.

Au fur et à mesure de ses réflexions, le système de Grégory évolue. La gamme s’affine, passe de 45 à 15 légumes. Exit les paniers pour se concentrer sur du demi-gros, en livrant les magasins spécialisés de la région rennaise et la restauration scolaire via Manger Bio 35. En 2017, Grégory récupère 14 ha, sur un autre site à 8 km, et passe sa SAU totale à 20 ha. « Ça nous a donné de l’air et permis de faire des belles rotations. On a la moitié de nos surfaces là-bas qui sont en céréales ou en engrais verts. Ça nous permet d’avoir un repos total après des cultures dites toxiques pour le sol, comme les poireaux. Ça nous permet d’être beaucoup plus extensif », explique Grégory.

« Soulager l’être humain »

Sur ses 20 ha, il en cultive aujourd’hui 9 et produit 250 tonnes de légumes par an. Il est labellisé Demeter depuis 3 ans. Pour constituer sa gamme, il a pris les légumes que personne ne voulait faire en demi-gros : poireau, courgette de fin de saison, carotte, pomme de terre. « Les légumes qui ne te mettent pas en valeur, mais qui sont la base de l’alimentation », sourit Grégory. Et de poursuivre : « Notre métier, ce n’est que des compromis, ça ne consiste pas à trouver le meilleur système, mais le système qui nous convient le mieux. »

Il a mis en face l’organisation du travail qui va avec, en mécanisant au fur et à mesure que ses productions prenaient de l’ampleur. Pour « soulager l’humain », comme il dit. « Je ne me voyais pas faire faire à mes salariés des tâches que je n’avais pas envie de faire moi-même », résume Grégory. Pour cela il prend l’exemple du poireau. « Quand tu fais du poireau pour les Biocoop par exemple, il te faut un poireau avec beaucoup de blanc ». Pour arriver à ce résultat, il détaille son itinéraire technique : «  Je broie mes engrais verts au rotavator, puis je les incorpore au sol. Ensuite au dernier moment je travaille mon sol avec une rotobêche pour remonter le fraîcheur , puis je passe le cultirateau, ce qui me permet d’avoir une belle planche homogène avec en surface une terre fine. Avant que le sol ne sèche trop, je fais un poinçon dedans qui est en fait un trou de 17cm qui ne se referme pas, dans lequel je vais venir mettre mon plant de poireau. J’ai déjà 15 cm de blanc. Après, je viens biner et butter. »

Comme ils sont plantés profondément, les poireaux ne sont plus arrachables à la main, sinon ils cassent. Il faut donc une arracheuse, et ensuite, un laveur-éplucheur. « Ici, on plante 160 000 poireaux par an. Ça nous a obligé à avoir tel équipement, qui après t’emmène à un autre équipement, qui te conduit toujours à un autre équipement. C’est la quantité qui te conduit à avoir d’autres équipements. Ce n’est pas forcément la volonté… On va planter de fin mai jusqu’à fin juin, comme tous les autres maraîchers. Et nous, quand on plante du poireau, on reçoit notre plant en 4 fois et pendant quatre semaines, tu ne fais quasiment que ça. »

Pour le poireau, Grégory n’achète jamais en neuf son matériel, il déniche des bonnes occasions, réfléchit à la meilleure manière d’optimiser ses tâches. « Par exemple, je travaille avec 2 tracteurs parce que j’en ai un qui travaille le sol et l’autre qui vient poinçonner. Peut-être que je pourrais faire les 2 en 1 ; il y a des combinés qui existent. On s’est adapté à notre terroir, à notre sol, aux quantités demandées par nos clients. Et c’est ça qui fait qu’on trouve des solutions pour y arriver. »

Pour lui, il ne faut pas rogner sur certains investissements. Il prend l’exemple des doigts Kress : « Ça fait 20 ans qu’on les utilise en Allemagne, nous ça fait 5-6 ans que les gens s’y mettent vraiment. La première fois que j’ai entendu parler de ça en 2011, j’ai équipé directement ma bineuse. Ça coûte 2000 €, mais tu les retrouves sur ton rendement dès la première année. Ça fait 90% du désherbage sur le rang. Limite, si tu ne désherbes pas à la main, tu as quand même du rendement. On a mis du temps à les maîtriser parce qu’il faut vraiment rentrer dedans, rouler vite, 7 km/h environ. Les jours où tu n’as pas confiance, tu t’arrêtes toutes les 5 minutes pour vérifier si le pied est encore vivant. Tu reviens trois jours après, tout le monde est dressé comme un i, c’est prodigieux. C’est génial et c’est assez simple à mettre en œuvre. »

Article rédigé par Antoine Besnard, Rédacteur en chef Symbiose, le magazine du réseau GAB-FRAB Bretagne