Gilles Le Marchand – Porcs – Côtes d’Armor

L'autonomie et la cohérence comme moteurs

Le lien au sol constitue un élément clé de la viabilité économique et de la pertinence technique des élevages de porcs biologiques. Concrètement, cela induit une réflexion globale du projet de conversion à l’échelle de l’exploitation : Quelle alimentation pour mes porcs ? Quels approvisionnements en paille ? Quelles surfaces pour l’épandage de mes matières organiques ? Quels investissements pour quel système ? Témoignage d’un producteur des Côtes d’Armor autour de ces enjeux.

La ferme en quelques mots

  • 42 ha de SAU
  • 1.1 UTH (aide ponctuelle pour vacances et week-end)
  • 750 à 800 porcs vendus / an avec Biodirect
  • Projet en cours de développement : vente directe pour une partie de la production

Dates clés

  • 1998 : Gilles s’installe en association avec son oncle (élevage de porcs à façon)
  • 2011 : Départ à la retraite de son oncle, début de la conversion bio
  • 2012 : Premiers porcs bio
  • 2013 : Mise en place de la fabrication d’aliment à la ferme
  • 2016 : Premiers porcs en vente directe

Gilles Le Marchard est installé depuis 1998 à Saint-Caradec, près de Loudéac. Depuis 2011, il élève des porcs biologiques pour le groupement de producteurs Bio Direct (post-sevrage et engraissement en bâtiment). Après près de 15 ans comme producteur conventionnel en système « façonnage », ce changement de cap a permis à Gilles d’initier une nouvelle dynamique sur sa ferme, de redonner du sens à son métier. Aujourd’hui, il élève entre 750 et 800 porcs par an avec 42 ha de SAU et une fabrication d’aliment à la ferme (FAF). Son expérience permet de réaffirmer les fondamentaux techniques et économiques de la production porcine biologique.

42 ha de SAU pour un maximum d’autonomie

Historiquement, la ferme disposait de 60 ha. Aujourd’hui, avec ses 42 ha, Gilles remplit les exigences de Bio Direct d’avoir au moins 50% des aliments produits sur la ferme. Pour ce faire, Gilles cultive des mélanges céréaliers à base de triticale, de pois et de féverole, du maïs grain, de la féverole et de l’orge de printemps. Cette surface étant un peu limitante pour maximiser l’autonomie alimentaire, cela induit des rotations relativement courtes, ce qui peut entraîner des difficultés techniques dans la conduite des cultures. Cette recherche d’autonomie alimentaire est une clé de l’efficacité technique et économique du système puisque l’alimentation peut représenter suivant les cas jusqu’à 80% du coût de production d’un porc biologique.

Une rotation partagée avec un éleveur laitier biologique

Dans les systèmes monogastriques, une des principales difficultés techniques pour la conduite des cultures en bio réside dans la gestion du salissement. En effet, l’herbe n’étant pas valorisée par les porcs, l’objectif est de limiter la place des prairies dans l’assolement. Malgré tout faire sans prairie est techniquement difficile à ce jour. Actuellement, 5 ha de prairies de fauche sont exploités par un voisin éleveur laitier bio. Lorsque ce partenariat prendra fin, Gilles maintiendra une part de prairie dans ses rotations mais sans nécessairement l’exploiter. En effet, il souhaiterait limiter les exportations et ainsi préserver le potentiel de production pour les cultures suivantes dont il a grand besoin pour ses porcs. Pour résumer, la conduite des cultures est peut-être l’aspect le plus compliqué de la conversion de la ferme de Gilles. C’est donc un aspect à ne pas sous-estimer lors d’un projet en porcs biologiques.

Des terres en bio pour gérer la matière organique bio

Le cahier des charges bio oblige à épandre les matières organiques issues d’un élevage bio sur des terres bio. Cette exigence, au-delà de la nécessaire autonomie alimentaire, renforce donc la nécessité de conduire les terres de la ferme en bio. Aussi, cela permet d’éviter d’entrer dans une logique d’exportation des excédents azotés, ce qui déconnecterait l’activité porc de son territoire de production, avec les conséquences environnementales qui en découlent.

Fabriquer les aliments à la ferme : une évidence

Lors de la mise en place de la conversion biologique, Gilles a tout naturellement décidé de mettre en place une unité de fabrication d’aliment à la ferme afin d’avoir la main sur ce poste de charges très onéreux en élevage de monogastriques. Aussi, cela lui permet de valoriser directement sa production de céréales et protéagineux. Un équipement simple, d’occasion et peu couteux (investissement de 15 000 €), lui permet aujourd’hui d’être opérationnel et de maîtriser ses coûts de production. L’aliment produit pour les porcs charcutiers lui coûte environ 430€/T soit environ 15% de moins à la tonne que l’aliment du commerce qui se vend aux alentours de 480-500€/T.

Autonomie en protéines et fin de dérogation à venir

Au cœur du projet bio de la ferme, l’autonomie en protéines est donc une préoccupation quotidienne. Pour cela, des féveroles et des pois sont cultivés. Toutefois, cela n’est pas suffisant. Gilles se penche actuellement sur l’opportunité de recourir au toastage de protéines. Un premier test devrait être fait cet hiver. Cette technique permet en effet d’augmenter la valorisation des protéines disponibles dans la ration par l’animal. Cela concourt indirectement à une meilleure autonomie protéique de l’élevage (augmentation du Gain Moyen Quotidien).

L’autonomie en paille pour plus de cohérence

La conduite des porcs sur paille intégrale est une obligation pour Gilles et les éleveurs de son groupement (caillebotis interdit par Bio Direct). Pour ce faire, là encore le lien avec les surfaces de la ferme est fondamental. Toutefois, Gilles n’est autonome qu’à 50%. Il s’efforce donc d’acheter sa paille chez des producteurs biologiques alors que la facilité serait de s’approvisionner chez ses voisins conventionnels.

Réussir le démarrage des porcelets : la clé du système

Actuellement, Gilles achète ses porcelets biologiques à 42 jours auprès d’un éleveur du groupement. Le prix est de 85€ par porcelet. L’investissement de départ est conséquent. La maîtrise technique de la phase post-sevrage est donc fondamentale pour que le système soit viable économiquement. Si le porcelet a une bonne croissance et ne rencontre pas de problème sanitaire à cette période, c’est gagné pour la phase d’engraissement. Pour cela, un plan d’alimentation rationné est mis en place les premiers jours de post-sevrage, les cases sont chauffées, des cures à base de plantes pour renforcer le système digestif sont planifiées.

Des pratiques sanitaires alternatives en préventif à creuser pour limiter le recours à la chimie

Le règlement permet un traitement allopathique pour les animaux qui ont un cycle de vie inférieur à un an et les délais d’attente sont doublés. La prévention est donc fondamentale : « Si tu utilises un antibiotiques en post-sevrage, tu n’as plus de solution de repli ensuite ». Pour ce faire, Gilles applique un vaccin contre le mycoplasme et 3 vermifuges (arrivée en post sevrage, 3 semaines après et à 40 kg environ). Toutefois, il aimerait trouver des recours aux vermifuges chimiques dans le futur afin d’être plus en phase avec le mode de production biologique.

Élever ses porcelets pour plus d’autonomie et de sécurité sanitaire

L’approvisionnement en porcelets bio n’est pas évident, le développement de la production laisse à penser que cela ne s’améliorera pas. Par conséquent, Gilles a prévu de réhabiliter en 2017 une ancienne porcherie sur lisier pour son atelier naisseur. L’idée est de pouvoir fournir l’atelier engraissement, le projet est donc d’avoir 45 truies conduites en 5 bandes. L’investissement sera modéré (environ 45 000€). Gilles a prévu de recourir à des achats d’occasion et à l’auto construction. Ce nouvel atelier permettra d’abaisser le coût du porcelet à l’entrée en post-sevrage à 65€ environ. Au-delà de l’autonomie trouvée, cela permettra aussi de limiter les risques sanitaires, et peut-être de gagner en croissance. Aussi, il devra prévoir de faire naître ses cochettes pour s’assurer du renouvellement de son cheptel reproducteur (exigence du cahier des charges bio). Il restera à mesurer l’impact de ce nouvel atelier sur la charge de travail.

Valoriser une porcherie conventionnelle à moindre frais

Gilles avait la chance de disposer d’une porcherie sur paille. Celle-ci a été aménagée facilement pour être conforme au cahier des charges de l’AB : courettes extérieures, cases divisées en 2… le tout pour moins de 30 000 euros pour 250 places d’engraissement. Quand cela n’est pas possible, les anciennes stabulations laitières et/ou allaitantes, les poulaillers peuvent être des pistes intéressantes pour une infrastructure à moindre coût.

Concevoir un atelier de taille modeste

Le groupement avec lequel Gilles travaille impose 50% d’autonomie alimentaire sur la ferme. Cette limite induit indirectement chez les éleveurs la nécessité de construire un outil de production en phase avec les surfaces dont ils disposent. Aussi, cela permet de maîtriser les investissements et l’endettement. Enfin, le caractère transmissible de ce type d’outils en sort renforcé.

 

Témoignage recueilli par Guillaume Michel (GAB 22) et initialement paru dans Symbiose de novembre 2016, magazine édité par le réseau GAB-FRAB Bretagne.