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Nous nous sommes installés en 1996 en reprenant l’exploitation familiale du père de Geneviève. Nous avons démarré avec 87 hectares de SAU (90 ha aujourd’hui), principalement en blé dur, avec une dizaine d’hectares de lavandin et une soixantaine de pieds d’oliviers. Dès les premières années nous avons développé une pépinière de plants de lavandin, planté une vingtaine d’hectares de lavandin, planté 1000 oliviers et restructuré des dizaines d’autres. Nous avons commencé la conversion de l’ensemble de notre exploitation en 2006. Fin 2009, nous avons donc mis en bouteille notre première huile d’olive certifiée bio.
Pour nous aider dans notre démarche, nous avons sollicité l’appui de la Chambre d’agriculture, d’Agribio04 et de l’ADASEA. Nous avons signé en 2006 un CAD financé sur 5 ans. Une aide à l’investissement liée au Contrat Agriculture Durable (CAD) nous a permis d’investir dans une bineuse à lavande et une herse étrille, outils indispensables pour travailler en AB.
Notre implication particulière en matière d’ornithologie nous a permis de mettre en place, avec le Parc Naturel Régional (PNR) du Verdon, une MAET pour la protection de l’Outarde canepetière, oiseau rare et menacé nichant au sol, naturellement présent sur l’exploitation. Cette mesure s’applique sur une grande partie de nos surfaces en sainfoin, et subventionne la contrainte d’une interdiction totale d’intervention du 1er mai au 31 juillet.
Depuis notre conversion, nous avons dû repenser nos assolements. Désormais notre rotation minimale type est de 6 ans : sainfoin pendant trois ans, blé tendre, tournesol et enfin orge d’hiver. Les plantations de lavandes-lavandins restent une dizaine d’années en place et alternent avec les cultures arables. L’ers, légumineuse annuelle, permet l’ajustement des rotations. En reprenant le labour (que nous avions tenté d’abandonner avant notre conversion) et grâce à ces rotations, nous constatons actuellement beaucoup moins de problèmes d’adventices qu’auparavant. Le blé dur, gourmand en azote et mal valorisé, est actuellement abandonné. Quand à la pépinière de plants de lavandin, elle a dû progressivement disparaître pour nous permettre d’assurer l’entretien et la récolte des oliveraies en pleine croissance. Concernant nos rendements en bio, ceux du tournesol au sec sont comparables à ceux de nos voisins en conventionnel (env. 12 qx/ha), ceux des céréales sont presque inférieurs de moitié. Mais les marges nettes sont supérieures pour toutes les cultures arables. Concernant les oliviers, nos arbres sont encore jeunes et continuent de croître; leurs rendements deviendront à terme comparables à ceux en conventionnel.
Nous nous attendions à avoir une augmentation spectaculaire du dépérissement de nos plantations de lavandin en bio, mais sommes agréablement surpris de constater qu’il n’en est rien !
Nous avons bien sûr dû repenser nos relations avec nos fournisseurs et acheteurs. Nous avons pratiquement abandonné la coopérative céréalière avec qui nous travaillions auparavant. D’une part, nos besoins en produits phytos et engrais ont quasiment disparu, et d’autre part nous regrettions un manque de soutien de leur part dans la commercialisation de nos productions. Nous nous sommes tournés vers un établissement privé qui a su valoriser une partie de nos céréales dès la deuxième année de conversion.
Notre chiffre d’affaire avoisine actuellement les 100 000 €. Les huiles essentielles représentent plus de 40 000 €, l’huile d’olive 26 000 €, le tournesol 8 500 €.
Nous adaptons nos cultures céréalières à la demande locale, notamment à celle des éleveurs et des meuniers. L’huile d’olive est vendue en majorité à la ferme, le reste en AMAP et Biocoop. Le tournesol est vendu exclusivement dans le réseau LPO de la région PACA, pour l’agrainage hivernal des oiseaux de jardin.
Le négoce de l’huile essentielle de lavande-lavandin est délégué quasi-intégralement à la coopérative Plantes à Parfum de Provence. C’est le seul domaine pour lequel nous avons encore une mauvaise visibilité de la destination finale de nos produits.
Bien sûr, notre charge de travail liée à la commercialisation a considérablement augmenté, mais c’est très valorisant pour nous de suivre nos produits.
Nous sommes très satisfaits de notre passage en bio. Si c’était à refaire, nous le ferions plus tôt ! Mais à l’époque nous manquions de références techniques et économiques. La conversion bio nous a permis aussi de reprendre à notre manière les rênes de l’exploitation familiale. Nous gagnons également mieux notre vie, nous sommes plus autonomes, indépendants, fiers de nos modes de productions et de nos produits. Des projets attendent encore de se concrétiser. Nous souhaiterions notamment investir dans nos bâtiments pour améliorer nos conditions de travail et de stockage.
Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 1, Des agriculteurs bien dans leur terre…, édité par Bio de Provence
Depuis notre conversion en 2006, de nombreux changements techniques ont été opérés. Un de nos objectifs premiers a été de bâtir un système autonome en fertilisation parce que plus vertueux d’un point de vue environnemental et plus résilient d’un point de vue économique. Nous avons travaillé également à plus d’indépendance commerciale afin de maîtriser au maximum la valorisation de nos produits.
Nous avions dans un premier temps tenté d’arrêter le labour lorsque nous étions encore en conventionnel, dès 1999, pour limiter les charges de mécanisation. Mais nous ne disposions pas à l’époque ni d’un matériel adapté, ni de l’expérience nécessaire. De plus, nous étions enfermés dans un système cultural essentiellement basé sur la monoculture de blé dur. Avec les problématiques de sur-fertilisation et de résistances aux herbicides qui en découlent, le développement du ray-grass est rapidement devenu un problème insurmontable. Nous avons repris la charrue dès notre passage en bio. Avec la suppression des fertilisations et plus de diversification dans les assolements, la problématique du ray-grass a disparu en deux ans.
Après 6 ans de labours, et suite à diverses formations agronomiques, les techniques culturales simplifiées (TCS) se sont de nouveau
imposées, mais cette fois par la volonté conjuguée de favoriser la vie du sol, de limiter les problèmes d’érosion et d’augmenter les marges à l’hectare. Ce renouveau a été rendu possible par le partage d’expériences encourageantes de voisins en conventionnel en semis direct et l’opportunité en 2012 d’un achat en commun avec un collègue bio d’un semoir d’occasion dédié au semis direct et aux TCS (Semeato).
Ainsi depuis fin 2011 nous n’avons plus du tout labouré nos terres. Cependant, unepréparation superficielle soignée du sol demeure encore souvent indispensable pour permettre l’implantation des cultures dans des parcelles parfaitement désherbées. Pour les grandes cultures, avec un néo déchaumeur correctement réglé, nous procédons à un ou plusieurs scalpages des chaumes, des couverts spontanés, des faux semis et des légumineuses. Le semis direct pur n’est pour l’instant réservé qu’à des situations bien particulières, notamment des semis sous couverts maîtrisés (sainfoin au printemps dans céréales, par exemple). Sa généralisation constituerait un aboutissement de la démarche. Des recherches sont en cours pour trouver des couverts d’automnes facilement maîtrisables (gélifs…). Pour les lavandes et lavandins, nous développons depuis 2014 des techniques où seules les lignes de plantation sont travaillées, à la manière des techniques de « Strip-till ». Concernant les oliviers, cela fait depuis 1996 que nous n’avons plus du tout touché le sol. On se contente d’un broyage annuel, et occasionnellement depuis 2012 d’un semis direct de sainfoin si nous considérons qu’il n’y a pas assez de légumineuses spontanées dans le couvert.
Les TCS et le semis direct participent à notre objectif de bâtir un système pérenne autonome en fertilisation. Le respect du sol permet de maintenir
l’activité biologique. Depuis 2006, et contrairement à nos pratiques en conventionnel, nous sommes dans l’optique de ne réaliser aucun apport de fertilisants d’origine extérieure à l’exploitation (exception faite de bois raméal fragmenté sur les oliveraies).
Nous essayons de maximiser la production de biomasse, et nous n’exportons jamais les pailles et les fourrages. Les légumineuses sont notre seule
source d’azote : nous utilisons principalement du sainfoin, que nous gardons deux ans, mais aussi des ers. D’autres légumineuses sont à l’étude.
Nous réfléchissons actuellement à introduire dans nos rotations céréalières des plantes capables de faire plus de biomasse, même dans des systèmes sans irrigation et pauvres en azote comme le nôtre.
Au final, d’un point de vue agronomique, écologique et économique, nous ne regrettons absolument pas nos choix techniques.
Du fait de l’abandon du labour, les rendements en céréales n’ont pas évolué, mais en moyenne la marge a augmenté et le temps de travail a diminué du fait de moins de passages d’outils mécaniques. Cela dépend cependant des années, du nombre de faux semis nécessaires et de la facilité de leur destruction. Les résidus végétaux laissés en surface limitent voire suppriment les dégâts d’érosion lors de l’implantation des grandes cultures. Ils sont rapidement dégradés par les processus biologiques naturels qui se trouvent optimisés dans ces conditions. La portance des terres est remarquable lors des semis. Les populations de vers de terre se développent, ainsi que toute la biodiversité dans son ensemble.
Notre objectif est de tirer une bonne rentabilité économique de nos terres tout en préservant la biodiversité et la vie du sol. Nos choix d’assolement
se font donc en fonction des marchés et des opportunités. Actuellement, les produits de l’exploitation sont divisés à peu près en trois parts égales : olives, céréales et lavande-lavandin. Les plantes à parfum sont amenées à prendre plus d’importance au regard de la meilleure rentabilité de cet atelier par rapport aux céréales. C’est une évolution de fond qui concerne actuellement l’ensemble du Plateau de Valensole. Par ailleurs, au vu de l’état de la demande, nous produisons essentiellement des céréales panifiables (blé tendre de force, grand épeautre, seigle) en lieu et place du
blé dur, et, pour des raisons climatiques, de moins en moins de tournesol (printemps trop secs). Le fait d’être en semis direct nous permet également par le semis du sainfoin sous couvert de blé, de gagner un an dans les rotations sur une culture peu valorisée mais dont nous maximisons ainsi le rôle agronomique incontournable en bio.
Enfin, à l’exception du lavandin, toutes nos productions sont aujourd’hui valorisées en circuit court.
Extrait du recueil LIVRET DE TÉMOIGNAGES La conversion à l’agriculture biologique Tome 4 – Que sont devenus les témoins du tome 1, édité par Bio de Provence
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