Découvrez les pratiques et techniques par filière
Le père de Bénédicte, viticulteur dans l’Aube part à la retraite en 2009. Il a 3 enfants mais c’est Bénédicte, alors professeur d’EPS, qui décide de reprendre le domaine. Elle passe une formation BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole) afin de se préparer à la gestion du domaine. Pendant ce temps, Emmanuel, professeur d’EPS également, réalise une formation de charpentier, ce qui lui a permis de construire tous les bâtiments nécessaires de ses mains. Découvrons leurs pratiques et leurs projets.
Date de certification : Bio : 2013 Démeter : 2014
SAU : 13,80 ha : 3,8 ha de vignes en location (réparties sur 3 parcelles) + 10 ha de pâtures en location
Cheptel : 5 vaches de race Aubrac + 1 vache de race Charolaise + 1 taureau (Aubrac) + 3 bœufs (Aubrac)
Main d’œuvre : Emmanuel et Bénédicte + 1 salarié temps plein + 1 BTS en alternance
Débouchés :
Emmanuel : Kayakistes, nous avons rapidement été sensibilisés au problème de pollution de l’eau. Or l’agriculture conventionnelle reste un gros problème pour la pollution. De plus, anciens professeurs d’EPS, nous sommes concernés par la santé et le bien-être. Le vin n’est pas un produit de première nécessité, ainsi, pourquoi faudrait-il polluer plus pour le produire ?
Bénédicte : Mes parents n’étaient pas en bio mais n’utilisaient déjà plus d’herbicides et travaillaient le sol. J’ai repris l’exploitation avec la volonté de faire du bio. La conversion en biodynamie a suivi de près la conversion en bio. En effet, après une formation avec Pierre MASSON, nous avons décidé de convertir le domaine en biodynamie. La biodynamie n’est pas un moyen de diminuer les traitements, mais de soigner le sol et de réinstaurer l’équilibre entre le sol et la plante. La biodynamie commence également à se développer sur les grandes cultures. Ainsi, nous commençons la conversion en bio en 2010. En 2013 nous sommes certifiés bio et en 2014 certifiés Démeter. Depuis, nous acceptons de recevoir diverses formations pour les viticulteurs souhaitant faire de la biodynamie sur leur domaine.
Le mode de production que nous avons choisi vise à respecter les équilibres à l’intérieur de la plante et entre la plante et le sol. Ainsi, nous raisonnons les amendements (compost) et l’enherbement pour ne pas trop booster la vigne. Une vigueur maîtrisée permet de limiter le mildiou. À la suite d’une formation sur le semis de couverts végétaux, nous enherbons nos vignes avec du trèfle, diverses légumineuses, du radis chinois et le ray-grass naturellement présent. Cet enherbement est semé en été, puis détruit et enfouit en avril dans le but d’augmenter le taux d’humus dans les sols.
Nous pratiquons le tressage dans nos parcelles. L’écimage provoquant un stress dans la plante qui limite ses défenses naturelles, afin d’éviter ce stress à la plante, nous tressons les talles supérieures de la vigne. Ce tressage est réalisé après floraison et nécessite 2 à 3 passages. Nous n’utilisons pas systématiquement d’huiles essentielles, car elles sont, selon nous, trop puissantes et peuvent perturber l’équilibre de la plante. Nous utilisons des tisanes à base de plantes trouvées sur nos parcelles ou cultivées dans le jardin. Il est important de s’autosuffire et de créer un cycle sur l’exploitation. Ainsi, nous sommes autonomes sur les tisanes, mais également sur le compost et la bouse de corne grâce à l’élevage que nous réalisons en parallèle sur l’exploitation.
Le pressurage est réalisé à l’aide d’un pressoir à membrane de 2000kg permettant de faire une vinification parcellaire. Les parcelles sont vinifiées séparément car nous souhaitons révéler le caractère unique de chacun des terroirs que nous exploitons. L’ensemble des déplacements de vins sont réalisés par gravité afin de respecter au mieux le produit. La vinification est effectuée par des levures indigènes. La vinification se fait en fût et en demi-muids. Le vin va rester sur lies pendant 9 à 11 mois. Cette atmosphère réductrice créée par les lies, le travail par gravité et le soin apporté au tri lors de la cueillette permettent de s’affranchir de l’utilisation de soufre tout au long du process. Afin de respecter au mieux le produit, le vin n’est ni collé, ni filtré, et le passage au froid se fait naturellement en passant les barriques une nuit à l’extérieur dans les périodes de gel (-7°C pendant plusieurs jours). Après un vieillissement des bouteilles sur lattes pendant 15 à 18 mois, le dégorgement est réalisé par une machine reproduisant rigoureusement le dégorgement à la volée. Aucune liqueur d’expédition n’est ajoutée, ainsi, seul du brut nature est vendu.
Au niveau des pratiques viticoles, après avoir suivi une formation sur la traction animale, nous avons décidé, pour joindre l’utile à l’agréable, de démarrer le travail des sols de nos parcelles à l’aide d’une jument de race Comtoise. Toujours dans l’idée d’être autosuffisant sur le domaine, nous souhaitons nous lancer dans une petite production de blé à panifier. La paille ainsi produite servira pour les bêtes.
La biodiversité étant au cœur de la biodynamie, nous nous sommes demandé comment la favoriser encore plus. Dans le cadre du projet biodiversité mené par Bio en Grand Est, la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) a réalisé un diagnostic de la biodiversité présente sur l’exploitation. La conclusion de cette étude est que notre domaine présente une biodiversité à forte valeur patrimoniale. Quelques aménagements nous ont été conseillés afin de favoriser encore plus la biodiversité sur les parcelles. Ainsi, nous souhaitons planter une haie sur deux rangs sur la parcelle principale afin de la couper en deux. Des haies seront également plantées en bordure de parcelle sur les deux autres que nous cultivons. Les espèces plantées seront des espèces locales adaptées au terroir. De légers aménagements seront également réalisés pour favoriser la petite faune comme des tas de branchage ou de pierres.
Concernant la vinification, nous avons testé la vinification en amphores en terre cuite. Ce contenant confère au vin une texture qui, sur des vins très nerveux, nous a séduit. Nous souhaiterions tester la vinification dans des amphores en grès.
Article rédigé par Justine Cnudde et initialement paru dans Les Lettres AB n°25, janvier 2020
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