Ferme du Développement Durable

Présentation de la ferme
Gonzague PROOT
- 80340, Herleville
- Ferme de polyculture-élevage (bovin allaitant, céréales, légumes de plein champ (carottes, betteraves rouges, pois et haricots verts))
- SAU : 138 ha (1/3 de prairies, 1/3 de céréales – protéagineux, 1/3 de légumes)
- 3 UTH (dont 12 saisonniers pendant 1 mois)
- Majoritairement circuits longs, vente directe pour la viande (directement aux consommateurs et restauration collective)
- En bio depuis 2012
- Plaine du Santerre, un paysage d’openfield (terre historique de production de céréales, pommes de terre, légumes industriels et betteraves sucrières)
Les bonnes pratiques mises en place
Les infrastructures agroécologiques présentes sur la ferme
Les IAE ligneuses
- 4,4 km de haies ligneuses, 5 km de haies fruitières, 3ha de miscanthus (en 2 bandes de 24m)
3 types de haies ont été implantées :
- Haie basse composée de troène / charme / peuplier. Certaines espèces sont taillées tous les ans, comme le charme
- Haie haute composée de haute tige avec une alternance répétée : arbre de haut jet (orne / chataîgnier) / buisson (viorne, néflier…) / arbre de recepage (aulne) / buisson
- Haie fruitière (cf. focus plus bas)
Il n’y a aucune taille systématique. Cela fonctionne par prélèvement et taille de formation pour les fruitiers (qui sont à leur 3ème année)
Implantée en moyenne sur 25 ans, la culture de miscanthus se valorise essentiellement énergétiquement (autonomie énergétique de l’habitation de Gonzague et de 8 logements sociaux). La culture permet également de protéger les parcelles du vent et de l’érosion, et de développer la diversité végétale : un inventaire a mis en évidence l’apparition de 4 espèces végétales inédites. Des niches écologiques naturelles du fait du développement non homogène sont de plus propices à l’occupation de nombreux insectes et oiseaux.
Les IAE herbagères
- 44 ha de prairies temporaires
- 3 ha de prairies permanentes
- Présence d’une jachère (présence d’orchidées)
Les IAE aquatiques
Une mare à remplissage naturel a été créée en 2022 avec l’aide des Blongios (association naturaliste). Sa construction résulte du constat de Gonzague vis-à-vis de la perte de biodiversité dans les zones les plus éloignées des espaces boisés. La plantation des haies fruitières et la construction de la mare ont été réfléchies en synergie. Installée dans la zone de talwegs, l’objectif final est de créer un réseau de 3 à 4 mares dans les haies fruitières. De nombreuses espèces végétales se sont développées et une multiplicité d’insectes est à relever (abeilles, bourdons, demoiselles, syrphe, papillons, coccinelles, gerridae …)
Des impacts incontestables sur la biodiversité présente sur la ferme
- La combinaison de l’ensemble de ces IAE joue un rôle incontestable dans le développement de la biodiversité, qu’elle soit faunistique ou floristique. Les différents inventaires réalisés sur les éléments fixes du paysage (IAE et non parcelles agricoles) ont notamment permis de mettre en évidence 58 espèces d’abeilles sauvages et 256 espèces d’insectes réparties dans 9 familles différentes d’arthropodes.
- L’observation de quelques dégâts de gibier traduit également la présence aux abords de ces IAE d’une faune de gros animaux, combinée à une croissance avicole constatée lors des inventaires et des tours de parcelles réalisés par l’exploitant.
Les pratiques agronomiques favorables à la biodiversité
L’écotone, c’est-à-dire la zone de transition écologique entre deux écosystèmes est au cœur du système de production de Gonzague, à travers la diversité des espèces implantées et leur enchevêtrement. Gonzague n’a de cesse d’enrichir le maillage de milieux différents afin de favoriser l’équilibre des écosystèmes et le respect des cycles naturels.
Cela se traduit par :
- la réintroduction de l’élevage de ruminants en 2010 et par les prairies temporaires.
- le passage à l’agriculture biologique en 2012
- le redécoupage parcellaire et l’implantation de haies
- la diversité des cultures, avec notamment l’introduction du légume de plein champ
Limitation du travail du sol
- Cela fait 2 ans qu’il n’y a aucun labour. La clé réside dans l’intensification des cultures de couverts (pour le sol ou pour les animaux). On peut retrouver dans ces couverts des espèces, souvent en mélange, comme l’avoine, la phacélie, le chou fourrager, la vesce ou encore le sarrasin ou le moha (après les pois le plus couramment). Ces couverts sont fauchés au printemps.
- Le semis combiné du couvert et de la culture
- Le semis sous couvert, dans la culture
- Le semis après la récolte3 méthodes d’implantation de couverts sont pratiquées :
- Avant le semis des carottes, un couvert est semé et récolté au printemps. Cela nécessite un matériel très spécifique de travail du sol, une fraise qui permet de mulcher / scalper entre 3 et 8 cm de profondeur.
- Concernant la destruction des prairies temporaires, la technique du mulching est privilégiée : broyage et incorporation des produits dans les 15 premiers centimètres permettant de favoriser une vie du sol, chère à Gonzague. Après une 4ème année de prairie temporaire, la destruction se fera au printemps pour limiter le lessivage, la prairie recevra une dernière fauche puis sera mulchée et recevra un haricot vert.
Taille des parcelles réduites
- 30 parcelles pour 138 ha, soit une moyenne de 4,6 ha
Forte couverture du sol
- Seuls 12 ha de carottes sont susceptibles de rester nus après récolte si cette dernière est faite tardivement, soit environ 8% de la SAU.
Diversité des cultures
Plus de 12 espèces cultivées hors prairies, cultures associées (ex : blé – féverole – luzerne).
- Les prairies sont de plus un socle indispensable au système réfléchi par Gonzague. Le choix des espèces qui les composent est réfléchi avec soin, afin d’allier les qualités nutritives et la diversité biologique, par le choix des familles en mélange (plantain, trèfle violet, ray-grass anglais, dactyle).
- Cette diversité végétale favorise la présence de la biodiversité animale, dont les insectes, en associant des propriétés alimentaires et d’habitat, permettant même d’accueillir la migration pour certains oiseaux.
Contrôle des ravageurs
- Le principal parasite sur la ferme est le taupin. Ce dernier est géré par le mulching. En cherchant à dégrader la matière organique en superficie, on limite ce que consomme le taupin et on lutte ainsi plus efficacement contre ce dernier. Aucun autre produit de traitement n’est utilisé.
Alternatives aux avermectines
- Pas d’utilisation de vermifuge sur le troupeau.
Semences CMS
- Pas d’utilisation de semences CMS
Gestion de la fertilité des sols
- Elle se gère essentiellement par la rotation et en particulier la présence de prairies temporaires pâturées en tête de rotation.
- En complément, il y a un apport de fumier de bovin (30 ha tous les ans) et un apport de fientes de poules au printemps pour l’implantation des betteraves rouges et pommes de terre quand il y en a (moins de 20T / an).
Races / variétés locales
- Une partie des pommes et des poires sont issues de variétés régionales (Reinette des Capucins, Belle Fleur Simple, Cabarette pour les pommes et Général Leclerc, Poire à Clément, Conférence, Doyenné du Comice, Comtesse de Paris et Beurré Hardy pour les poires).
Sensibilisation / Accompagnement
- Des liens avec des assos naturalistes locales :
- Picardie Nature: visite 2 fois / an systématiques (comptabilisation des oiseaux nicheurs dans les 2 bandes de buisson depuis 2005)
- Inventaire réalisé par l’ADEP en 2020
- Gonzague est référent « biodiversité » au sein de Bio en Hauts de France et Vice-Président au sein du comité d’orientation de l’Agence Régionale pour la Biodiversité.
- Il accueille régulièrement des groupes sur sa ferme pour présenter ses travaux et partager cet enjeu de préservation de la biodiversité.
FOCUS
Implantation d’une Haie fruitière
L’idée de Gonzague au départ était de réorganiser un bloc de culture en le redécoupant et en implantant une haie afin de le ramener à une échelle plus humaine. Il s’agissait aussi de changer l’axe de cultures en privilégiant l’axe nord sud.
« C’est mon fils Rodrigue qui m’a dit : et pourquoi pas planter du fruitier qui n’existe pas encore sur la ferme ! »
Un groupe d’étudiants ingénieurs agricoles se penche alors sur la question, avec l’appui du Conservatoire de Nouvelle Aquitaine, en axant la réflexion autour des forêts nourricières où le mélange des espèces crée la richesse du milieu et de l’abondance.
Au départ, il s’agit donc de mélanger le maximum d’espèces mais il a fallu rationnaliser un minimum pour organiser au mieux l’implantation, la croissance des arbres, l’entretien et la récolte des fruits. Au final 700 arbres fruitiers ont été plantés, comprenant 25 variétés de pomme et 15 variétés de poires. Les variétés sont un mélange de variétés régionales issues du CRRG Hauts de France (Centre Régional de Ressources Génétiques) et de variétés modernes. On retrouve 3 ou 4 variétés par rang de 500 m, et entre chaque fruitier sont implantés 3 buissons et du miscanthus qui accompagne très bien le fruitier.
Après une implantation de la haie fruitière en 2020-2021, l’année 2024 a vu la 1ère récolte, avec quelques kg de pommes récoltés.
Le temps passé à l’entretien des haies fruitières est difficile à suivre au regard du reste des travaux à effectuer. Gonzague aimerait y consacrer plus de temps.
L’idée de vendre de la pomme en direct, vient sublimer l’objectif premier de Gonzague, à savoir « nourrir les gens ». C’est aussi une opportunité de pérenniser les emplois des salariés présents sur la ferme, la récolte des pommes venant compléter les travaux sur les légumes.
Pistes d’amélioration à travailler sur la ferme
- « La biodiversité ne vaut que si elle est partagée. » Gonzague s’attache à mettre en valeur son cheminement et ses pratiques. Il aimerait le faire davantage pour mettre en éveil et en chemin le maximum de personnes sur la voie de la préservation de la biodiversité.