Voyage d’étude petits fruits bio Ardèche et Haute Loire

Publié le : 11 février 2022

15 producteurs de petits fruits de Rhône, Loire et Auvergne ont participé au voyage d’étude « découvrir des techniques innovantes en petits fruits bio » organisé en Ardèche et Haute Loire avec AgribioArdèche et l’ARDAB. Le groupe a pu visiter 3 exploitations du groupe DEPHY Ferme qui produisent principalement des framboises et fraises, mais aussi myrtilles, groseilles, cassis…Nous avons également été reçus au GIE les perles rouges et noires des monts du Velay par Florence Assezat, technicienne qui suit les producteurs. Enfin, une demi-journée avec des interventions diverses sur le thème du sol a clôturé ce déplacement : un profil de sol, des mesures de pH, redox et conductivité, et une présentation des techniques d’autoproduction de litière forestière fermentée.

©FRAB AURA

GAEC de la souche

Sur la commune de Saint André en Vivarais à 1150m d’altitude sur sol granitique avec un pH de 5,5 sol très filtrant (sable) et une MO à 3% (ancienne prairie), Christophe Francès et Aurélien Grange cultivent :

  • 1,5 ha de fraises en variété Sensation,
  • 1 ha de framboises en meeker,
  • 0,5 ha de myrtilles de la variété Darrow
  • 0,5 ha de groseilles de la variété Rovada

La production est vendue au GIE les perles du Velay. Les rendements sont de l’ordre de 12T/ha en framboises, 800gr.-1kg/plant en fraises et 1 Kg/pied en myrtilles. Tous les ans, ils mettent 40T/ha de compost, qui est un fumier de bovin mélangé avec de la plaquette de bois, des déchets de taille ainsi que du basalte et du calcaire. Pour compléter la fertilisation et maintenir une couverture au sol des engrais verts sont utilisés. Par exemple, dans la rotation, un mélange de céréales, phacélie, moutarde blanche, ray grass est semé en tant qu’engrais verts. Sur framboises, ils ont le projet d’implanter des couverts végétaux entre rangs avec du mélilot jaune (contre les rats taupiers), luzerne, ray grass et phacélie.

L’irrigation est en goutte à goutte avec des apports fractionnés : 3×20 min tous les jours à partir de la floraison. Depuis 2020, il y a eu la mise en place de la micro-aspersion dans les framboises pour diminuer les températures sous serres (avec également un plus sur le calibre du fruit). Ils ont aussi mis en place un filet d’ombrage sur les framboises, début juillet, pour 2-3 semaines (pas plus tôt, pour ne pas retarder la récolte).

Malgré le risque de neige (comme lors de la visite, Cf photos), le bâchage sur fraises (pour la précocité) et myrtilles (pour le risque de gel) est réalisé tôt (15-20 Avril). En framboises, il est un peu plus tardif (mai). Les arceaux sont donc mis tous les 1m70 et bridés à 5 m70 avec une barre qui part du faitage jusqu’au sol tous les 4-5 m (qui peut se rétracter).

La gestion sanitaire repose avant tout sur du préventif avec la mise en place de protocoles élaborés et affinés au fil des années suites à de nombreuses formations (Eric Petiot, Hervé Coves, Patrick Goater…) Les premières interventions au sol consistent à la mise en place de plusieurs décoctions de prêle début de printemps (au pulvérisateur, pour vitrifier les cellules, avec un rôle antifongique) puis des extraits fermentés d’orties et de consoude au goutte à goutte pour apporter de l’énergie aux plantes.

Le GAEC a aussi testé une année avec succès pour prévenir du gel (car une rangée de fraises avait été oubliée et a gelé !) une infusion Origan/Thym/Sarriette qui protège théoriquement jusqu’à 6 jours et jusqu’à -4°C.

Certaines plantes sont également utilisées en curatif afin de lutter contre des ravageurs précis : comme la drosophile (voir zoom).

 

Zoom : La drosophile

Le protocole a pour objectif de repousser et/ou tuer la drozophila Suzuki avec un répulsif mis autour des serres puis des passages de préparations à base de plantes. Le répulsif consiste en la mise en place de petits pots tous les 3 m autour d’un bloc de serres avec du Larvasoil. Puis 1 semaine après le début de la récolte, il s’agit de
mettre en alternance tous les 5 à 6 jours des pulvérisations à base de :

  • Infusion de tanaisie à 12L/Ha, fait maison
  • De LARVASOIL (1 à 1,5L dans 300L d’eau/ Ha)
  • Infusion 4 plantes (tanaisie, rue, saponaire,
    menthe poivrée…)

Ce protocole a permis de limiter les dégâts à moins de 5% en 2020.

GAEC de la Châtaigneraie

©FRAB AURA


Le GAEC est situé à Saint Barthélémy Grozon (07). Christophe Hémar s’est installé en 1996 en moutons et framboisiers. Il a arrêté la production ovine en 2003 pour s’orienter vers des productions 100% végétales sur une exploitation 100% en bio. Nadine Hemar a rejoint l’exploitation à ce moment-là.
Le GAEC compte désormais 1,5 ha en petits fruits et 6 ha de châtaigniers ainsi qu’un atelier de transformation. La commercialisation se fait en vente directe sur site, marchés et dans 2 magasins de producteurs. La production de petits fruits est commercialisée quant à elle via le GIEE des Monts du Velay.

Un apport de fumier composté est réalisé en janvier-février (d’abord 30 tonnes, puis réduction à 15 tonnes pour limiter la pression des pucerons sur la culture). Les framboises sont conduites sur butte avec du BRF apporté tous les 2 ans, les allées sont enherbées.

L’arrosage se fait au goutte-à-goutte à 2 l/h-1 goutteur/30 cm. Depuis 2020, il y a eu la mise en place de la microaspersion dans les framboises pour pouvoir éventuellement diminuer les températures sous serres mais surtout permettre la mise en place et la pérennité d’un engrais vert en inter-rang. L’exploitation s’est aussi équipée de filets d’ombrage qui permettent réellement d’abaisser la température sous serre et de préserver les fruits.

La densité de cannes sur le rang est de 16-18 cannes/ml (souhait d’une haie végétale aérée) avec un objectif de production de 15 tonnes/ha. En 2021 des essais sur le sol et la Litière Forestière Fermentée* en partenariat avec Terre et Humanisme ont été réalisé au GAEC. Pour mettre en place son protocole Milene Souvignet est partie
du constat que l’attaque des insectes en framboisiers est souvent due à une carence en calcium et en phosphore dans le sol (méthode Andersen ). L’idée est donc de saturer le sol sur quelques centimètres pour mettre à disposition les éléments pour la plante. Les apports :

  • Compost en tant qu’amendement,
  • Calcium sous la forme de lithotamne,
  • Phosphore sous la forme de roche de phosphate naturel tendre,
  • Micro-organismes sous la forme de Li Fo Fer,
  • Source de sucre pour activer l’ensemble.

3 modalités ont été mises en place avec comme mesures réalisées :

  • SUR LE SOL : BEV (mesures du potentiel redox, pH, conductivité, humidité, température, effectuées à 3 profondeurs différentes, taux de potassium, taux de nitrate, taux de calcium),
  • SUR LA CULTURE : sur mesure feuille BEV + Brix (potentiel redox, pH, conductivité, température, Brix, taux de potassium, taux de nitrate, taux de calcium).

Les résultats seront disponibles dès l’automne 2021, n’hésitez pas à nous contacter !

Les participants étaient venus pour «découvrir de nouvelles façons de faire », partager avec d’autres producteurs les problématiques face au changement climatique.
Les producteurs reviennent avec des pistes de travail à approfondir : utilisation du paillage avec de la paille sur fraisiers, tester de nouvelles méthodes de lutte face à la drosophile Suzuki avec l’utilisation de larvasoil, renforcer le travail avec les plantes pour soigner les plantes, tester la litière forestière fermentée…

Cet article est rédigé à partir du compte rendu collectif des participants et des travaux menés par le groupe DEPHY petits fruits d’Agri Bio Ardèche.

 

*Litière Forestière Fermentée: encore très peu connue et développée dans le milieu agricole français, l’utilisation de litières forestières fermentées (LiFoFer) a été largement développée et éprouvée en Asie et en Amérique Latine. Depuis 2016, l’association Terre & Humanisme a mené plusieurs essais concluants de production de LiFoFer et de tests au jardin du Mas de Beaulieu (siège de l’association).

Les effets, selon nos observations, sont multiples : elle améliore la structure du sol, augmente la biodisponibilité de certains microéléments (phosphore, azote), favorise la germination, la croissance et la fructification des plantes, soigne certaines maladies ou tient à distance certains parasites des plantes cultivées. Pour plus de renseignement : Litière forestière fermentée Agroécologie et permaculture (terre-humanisme.org).

Rédaction : Pauline BONHOMME – ARDAB et Fleur MOIROT – Agri Bio Ardèche

Crédits photos :

Article initialement publié dans le n°32 de La Luciole