Vergers : maîtriser l’irrigation et l’enherbement sur le rang par l’installation d’un mulch

Publié le : 19 août 2020

Assurer la bonne gestion en eau de son verger et maîtriser l’enherbement sur le rang font partie des principaux enjeux techniques des arboriculteurs. Face à ce double défi, le CIVAM BIO 66 et plusieurs arboriculteurs ont opté pour le mulch végétal sur le rang. Après deux années d’essais, il semble être une alternative intéressante.

Application de BVC sur grenadiers

Plusieurs arboriculteurs des Pyrénées- Orientales ont utilisé ponctuellement la ressource en déchets verts locale dans un objectif d’entretien de la fertilité de leurs vergers. Il s’est avéré que ce mulch pouvait améliorer la capacité de rétention en eau des sols.

2017, UNE PREMIÈRE ANNÉE PROMETTEUSE

En 2017, suite à ce constat, le CIVAM BIO 66 a lancé plusieurs essais auprès de différents producteurs adhérents visant à évaluer ce mulch. Plus précisément, les objectifs étaient de

  1. mesurer l’impact du BVC sur la capacité de rétention de l’eau du sol et in fine sur la réduction de la consommation en eau dans les vergers et
  2. observer sa capacité à maîtriser l’enherbement sur le rang.

Broyat Vert Criblé (BVC) au SYDETOM 66

Le mulch en question est du Broyat Vert Criblé (BVC). Il a été fourni par le SYDETOM 66 (Syndicat Départemental de Transport, de Traitement et de Valorisation des Ordures Ménagères et déchets). Le BVC n’est autre que des déchets verts collectés auprès de collectivités locales et des espaces verts qui sont ensuite broyés puis criblés.

En 2017, les premiers essais sont lancés sur différentes cultures à savoir grenadiers, plaqueminiers, abricotiers, pêchers et oliviers en haute densité. Deux rangs sont mobilisés pour les essais : un rang sur lequel est épandue une couche de BVC de environ 20 cm d’épaisseur sur une largeur de 1 mètre et un rang nu, sans BVC qui constitue le rang témoin. Sur chaque rang étudié étaient positionnées deux paires de sondes tensiométriques.

L’irrigation est celle raisonnée par les producteurs qui sont équipés soit de goutte-à-gouttes ou de micro-asperseurs. L’objectif de ce dispositif était de comparer les teneurs en eau du sol données par les sondes entre les deux modalités.

UNE MEILLEURE RÉTENTION EN EAU DANS LE SOL

Sur cette première année d’essai, les résultats sont plutôt concluants. En effet, à travers la lecture des sondes on constate une meilleure rétention en eau dans le sol grâce à ce mulch, surtout en période estivale ou la gestion de l’eau est déterminante pour la culture.

 

UNE GESTION DE L’HERBE MITIGÉE

Dans certains vergers, le mulch a permis de contenir le développement d’adventices, mais dans d’autres initialement très « salies » par celles-ci, la gestion a été plus compliquée. La repousse est devenue importante et a nécessité d’intervenir manuellement.

2018 – OBJECTIF : FAIRE DES ÉCONOMIES D’EAU

En 2018, seulement 2 parcelles d’abricotiers sont mobilisées. Le dispositif est le même qu’en 2017 avec la spécificité d’avoir installé un compteur volumétrique sur les gaines d’irrigation afin d’apprécier plus précisément les volumes d’eau apportés aux arbres.

Tableau 1 : Descriptif des parcelles

Dans l’objectif de voir s’il est possible de réaliser une économie d’eau avec le BVC par rapport au sol nu, les périodes les plus humides ont été recherchées à travers la lecture des sondes tensiométriques. Lors de ces périodes, l’irrigation a été coupée à l’aide de la vanne positionnée en bout de gaine. Dès que les valeurs de tension en eau du sol réaugmentent, la vanne était réouverte et l’irrigation reprenait.

Les données suivantes ont ainsi été récoltées : tensiométrie, pluviométrie et dose d’irrigation.

UNE ÉCONOMIE D’EAU INTÉRESSANTE MALGRÉ LES LIMITES DU DISPOSITIF

Un meilleur maintien sous BVC. D’abord l’installation de compteurs volumétriques a permis de se rendre compte de l’inégalité des apports entre les rangs. Ensuite, comme en 2017, un meilleur maintien en humidité sous le BVC est confirmé. En effet, chez le producteur n°1, l’écart entre les deux rangs est significatif lorsque l’on observe les valeurs des sondes en profondeur (50 cm). Ce résultat est à interpréter avec précaution, car une anomalie a été soulevée en fin de suivi sur les sondes positionnées sur le rang nu.

Reprise d’humidité plus rapide. Nous avons néanmoins pu observer qu’après un arrêt général de l’irrigation dans le verger, conduisant pour chaque modalité à un fort assèchement du sol, la reprise en humidité du sol est plus rapide pour le rang mulché que pour le rang nu. Toutefois, le BVC ne permet pas de se passer de l’irrigation, mais des économies d’eau intéressantes ont pu être faites après plusieurs coupures sur cette parcelle mise en évaluation. Le tableau montre en effet, que 315 m3 d’eau (parcelle n°1) ont pu être économisés. L’économie aurait pu être plus importante car le rang avec mulch BVC a été anormalement trop alimenté en eau dès le début.

Tableau 2 : Volumes d’eau apportés pour 5 arbres en parcelle n°1.

Reprise d’humidité plus rapide. Avec une épaisseur plus importante chez le producteur n°2, le résultat s’oppose. Sous le BVC, le sol est plus sec. Cela s’explique par le fait que l’eau qui est contenue par le BVC s’évapore avant d’atteindre le sol. Cette situation peut engendrer un autre problème sur jeune verger où les racines s’installent plus facilement en surface qu’en profondeur. L’observation de l’impact du mulch sur l’enherbement est identique à 2017 : celui-ci ne permet pas de contenir totalement la repousse des adventices et nécessite une intervention manuelle. C’est l’une des limites de cette pratique.

Mise en place chronophage. L’autre facteur limitant est dans la mise en place du BVC, possible pour les arboriculteurs équipés d’un épandeur. Sinon, l’application faite manuellement avec une pelle devient très chronophage.

DE NOMBREUX AVANTAGES

Ces deux années d’essais ont révélé l’intérêt du BVC pour garder une certaine humidité au sol et ainsi permettre des économies d’eau. Le BVC a également pour avantage d’augmenter la fertilité des sols par l’enrichissement de la surface en matière organique et la stimulation de l’activité biologique des sols. Quelques mois après l’installation, on pouvait notamment constater que la terre sous le BVC devenait grumeleuse. Une riche macrofaune était présente.

Bien que les résultats soient assez prometteurs, l’essai n’a pas été poursuivi en 2019. Il serait toutefois intéressant de confirmer les résultats obtenus et de répondre à d’autres questions soulevées telles que l’application de l’engrais, le positionnement et le choix du matériel d’irrigation, la faim d’azote générée par le mulch ou encore vis-à-vis des campagnols. De plus, l’intérêt de poursuivre cet essai serait de voir dans quelles mesures peut-on faire des économies d’eau et obtenir (ou garder) un potentiel de production optimal ?

Article rédigé par Margaux Allix, du Civam Bio 66 et initialement paru dans Le Mag’ de la conversion n°15, mars 2020