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Bien qu’ils représentent une alternative aux médicaments vétérinaires allopathiques et qu’ils soient particulièrement utilisés en bio, les produits à base de plantes sont actuellement encadrés par une réglementation inadaptée à leur usage en élevage à des fins thérapeutiques. L’ITAB et la FNAB travaillent ensemble pour faire évoluer la réglementation et permettre aux éleveurs d’utiliser ces produits en automédication en toute légalité.
Les plantes disposant de propriétés nutritionnelles (non transformées, fraîches ou sèches, entières ou coupées) appartiennent à la catégorie des matières premières pour l’alimentation animale. Dès qu’il y a transformation de ces matières premières (huiles essentielles, tisanes ou autres), ces produits entrent dans la catégorie d’additifs pour l’alimentation animale. De nombreux produits à base de plantes appartiennent ainsi à la sous-catégorie des additifs sensoriels de type aromatique. La substance doit alors faire l’objet d’un enregistrement au registre européen des additifs pour l’alimentation animale (Règlement CE n°1831/2003). Il s’agit d’une autorisation générique, c’est-à-dire que l’additif est utilisable et commercialisable par tous les fabricants. L’usage de ces additifs sensoriels aromatiques doit se limiter à l’aromatisation de la ration.
A contrario, la moindre allégation thérapeutique indiquée sur l’emballage d’un produit à base de plantes entraîne le classement de ce dernier dans la catégorie du médicament vétérinaire. La législation qui s’applique alors impose que ces matières actives disposent d’une autorisation de mise sur le marché et que leur utilisation réponde à une prescription. L’automédication est donc interdite. Aujourd’hui, étant donné le coût des dossiers, très peu de substances à base de plantes font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché au titre de médicament vétérinaire.
Un décret (n°2013-752 du 16 août 2013) propose un cadre pour les médicaments vétérinaires d’usage traditionnel. Pour préciser ce décret, en février 2016, l’ANSES a rendu son rapport sur « l’évaluation des demandes d’autorisation de mise sur le marché de médicaments vétérinaires à base de plantes », afin d’introduire la possibilité de fournir un dossier allégé pour les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires à base de plantes d’usage bien établi, en application du décret n°2013-752 du 16 août 2013. Toutefois, les conclusions de ce rapport et de son groupe de travail sur une « AMM allégée » pour les plantes ne permettent pas de débloquer la situation actuelle et elles maintiennent une réglementation inadaptée aux médicaments à base de plantes.
La seule possibilité pour les éleveurs est de demander à des vétérinaires d’avoir recours à la « cascade ». En effet, l’article L. 5143-4 du Code de la Santé Publique autorise les vétérinaires à prescrire des substances vétérinaires ne disposant pas d’autorisation, en dernier recours, lorsqu’aucun autre médicament n’est plus approprié. Pour autant, cette possibilité ne constitue pas une réelle solution sur le terrain. Peu de vétérinaires sont sensibilisés à la phytothérapie et leur formation ne prévoit pas de compétence dans ce domaine. Mais surtout, le recours à la cascade impose à l’éleveur des délais d’attente forfaitaires contraignants, d’au moins 7 jours pour le lait et 28 jours pour la viande… et qui sont doublés en bio.
Aujourd’hui, la réglementation concernant les produits à base de plantes n’incite donc pas les éleveurs à privilégier leur usage, ce qui semble pleinement contradictoire avec les efforts impulsés dans le cadre du plan Eco Antibio 2017. La situation peut sembler d’autant plus absurde en bio, où il est recommandé de privilégier les produits phytothérapiques aux médicaments vétérinaires allopathiques chimiques de synthèse ou aux antibiotiques (Art. 24.2 du Règlement CE n°889/2008).
Le cadre des extraits aromatiques et apéritifs est un moyen de contourner la loi en utilisant ces plantes à des fins thérapeutiques (les fabricants d’aliments ont d’ailleurs largement employé cette terminologie pour contourner la réglementation). Le Règlement d’exécution 230/2013 a réduit le nombre de substances plantes utilisées comme additifs : de nombreux extraits de plantes traditionnelles favorables à la santé très utilisées en élevage, y compris de plantes alimentaires, telles que la luzerne, l’avoine, l’orge, la millefeuille, l’ortie, le frêne, le gaillet, le plantain lancéolé, le serpolet, des trèfles, des menthes, la sarriette, la sauge officinale, etc.
Aujourd’hui, ces produits ont besoin de trouver un statut adapté entre « additifs », « compléments nutritionnels » et « médicaments vétérinaires », alors que l’on constate une demande croissante des éleveurs, même en agriculture conventionnelle, pour se former à ces pratiques et trouver des solutions alternatives aux traitements allopathiques, et que cette démarche mériterait d’être soutenue pour lutter contre l’antibio-résistance.
De récents travaux ont montré que :
– 57 % des éleveurs de vaches laitières bio utilisent des médecines alternatives (projet CASDAR CedABio) ;
– 78 % des éleveurs de volailles bio utilisent des plantes en curatif et 71 % en utilisent en préventif (projet CASDAR Synergies).
L’ensemble des acteurs des filières animales (éleveurs, vétérinaires, conseillers, laboratoires) expriment le besoin d’une évolution règlementaire, tant sur le décret français concernant les médicaments à base de substances d’origine végétale que sur la révision de la directive européenne relative aux médicaments vétérinaires. Différentes pistes ont été envisagées pour faciliter l’usage des substances à base de plantes à des fins thérapeutiques en élevage.
Le groupe de travail « santé animale » animé par l’ITAB, qui regroupe différents acteurs dont des vétérinaires, des éleveurs et des techniciens, a identifié plusieurs leviers d’actions possibles, pour faciliter l’utilisation de ces produits. Un consensus formule et propose : « une liste de plantes positives et peu préoccupante pour en faciliter l’usage, à usage thérapeutique en élevage, utilisables en automédication, en première intention, sous conditions de formation des utilisateurs qui veulent faire de l’automédication. Cette liste a été réalisée à dire d’experts, et est composé de 223 plantes.
Depuis plusieurs années, l’ITAB et la FNAB sont en lien avec la DGAL au sujet du décalage entre la réglementation sur l’usage des plantes et le besoin d’en favoriser l’emploi dans les élevages. Les éleveurs se trouvent dans l’illégalité s’ils indiquent dans leur cahier sanitaire d’élevage un usage de produits à base de plantes à des fins thérapeutiques.
Sous la coordination de l’ITAB, la FNAB, l’ITEIPMAI, le réseau TRAME et la FNCIVAM se sont réunis, accompagnés d’experts et de conseillers, pour proposer une révision de la réglementation. Les perspectives envisagées pour débloquer la situation actuelle devraient inclure la possibilité de mettre en place un statut de médicament vétérinaire particulier sous la forme par exemple d’un simple enregistrement, tel qu’il existe aujourd’hui pour les médicaments homéopathiques.
Fin 2016, suite à un courrier co-signé des cinq partenaires (ITAB, FNAB, ITEIPMAI, TRAME et FNCIVAM), une rencontre avec le cabinet du ministre et la Direction Générale de l’Alimentation a eu lieu en janvier 2017, afin de présenter au ministère l’état des lieux des attentes et des travaux en cours sur ce sujet, d’échanger sur les pistes d’évolution, et de partager le constat des difficultés rencontrées.
Afin d’appuyer les discussions et négociations de la France avec le Conseil européen dans le cadre de la révision du règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires, l’ITAB, dans le cadre de son groupe de travail « santé animale » auquel la FNAB participe, a élaboré une liste à dire d’experts (vétérinaires, techniciens, éleveurs) de 223 plantes à usage thérapeutique en élevage. Il s’agit de plantes utilisées fréquemment en élevage, leurs modalités d’utilisation (partie, conditions…) et leurs références dans la pharmacopée. Elles pourraient ainsi être utilisables en élevage en première intention, sans AMM ou temps d’attente, et en automédication (sous condition de formation des utilisateurs). Cette liste sera publiée dans la prochaine lettre filière, ainsi que les évolutions concernant ce dossier.
Contact : Catherine Experton – ITAB – catherine.experton[at]itab.asso.fr
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