Quel foin pour quels objectifs ?

Publié le : 16 juillet 2018
La qualité des foins consommés par les ruminants répond à plusieurs objectifs : besoins de production, besoins de croissance par leur richesse en éléments nutritionnels (UF, MAT, minéraux) ou besoins métaboliques de l’animal par leur rôle mécanique lié à leur fibrosité. Comment les éleveurs peuvent-ils agir sur ces différents facteurs ?

Les éleveurs initiés à la méthode Obsalim® témoignent volontiers de l’importance de la qualité de leur foin « tête de repas ». Ce foin généralement distribué en sortie de salle de traite à 2 kg par repas, consommé au minimum 20 minutes avant la ration de production riche en énergie fermentescible a une mission toute particulière : déclencher un bonne mastication/salivation pour stabiliser le rumen afin d’accueillir dans les meilleurs conditions possibles les sources plus « acidogènes » que peuvent être les ensilages de maïs, les pâturages jeunes, les aliments concentrés. La salive est riche en bicarbonate naturel. La vache en produit jusqu’à 200 litres par jour. En plus de son pouvoir tampon, elle permet le recyclage de l’urée indispensable aux bactéries pour décomposer les fourrages, ce qui permet par ailleurs de faire des économies de concentré azoté ! Certaine rations fibreuses ne montrent pas de signes de déficit azoté au niveau de 16 % de MAT grâce au recyclage salivaire ! D’autres rations à 19 % de MAT avec des bouses fibreuses peuvent montrer des signes de déficit azoté par excès de consommation, ingestion trop rapide, manque de salive, et des tourteaux à dégradation ralentie.

Lorsque le rumen subit un pic d’acidité par un manque de préparation, on observe une zone de léchage dans les heures qui suivent l’ingestion de l’aliment à risque derrière la pointe de l’épaule. C’est le signe « zone pHG » de la méthode Obsalim®.

Le foin « tête de repas » ou « mécanique »

Ce fourrage « tête de repas », une fois ingéré, se retrouve flottant sur le jus de rumen. La mise en contact avec la flore microbienne et l’hydrolyse des concentrés qui suivront est ainsi ralentie ce qui empêche une production brutale d’acides gras volatils responsable d’une acidose de courte durée. Et enfin, par ses fibres dures et piquantes, ce foin va déclencher la rumination : brassage du bol alimentaire dans le rumen, remontée des fibres longues à la mâchoire pour une nouvelle imprégnation salivaire et un nouveau broyage de la cellulose pour faciliter le travail des bactéries.

Souvent, ces foins sont présents dans les fermes mais leur qualité peut être altérée par un passage en mélangeuse pour fabriquer la ration totale mélangée. Les temps de mélange et l’incorporation de fourrages humides dénaturent le produit initial et lui inhibent ses caractéristiques mécaniques. Par ailleurs, les éleveurs expriment les difficultés qu’ils ont à faire consommer ses foins « avancés » mais là encore, il faut anticiper ! Dès le plus jeune âge, les animaux doivent être habitués à consommer un foin « tête de repas », c’est toute une éducation à mettre en place !

Le choix des prairies est important

Pour obtenir ce foin « tête de repas » ou mécanique, il est nécessaire de choisir des prairies où les graminées seront diversifiées pour qu’une partie d’entre elles soient mures alors que d’autres seront encore en stade végétatif et donner de l’appétence au fourrage. Par ailleurs, il faut aussi abandonner certaines croyances sur le pouvoir tampon de certains fourrages. Les analyses « diagnostic de digestion » que propose le laboratoire Accordan Obsalim permettent de constater que même certains foins de luzerne de coupe jeune peuvent avoir un effet acidogène du fait d’une faible teneur en calcium ou autres bases faibles. Ceux-ci restent des exceptions mais il est bon de rappeler que les certitudes sont à mettre de côté dans le monde du vivant. Ces analyses ont pu également mettre en évidence le pouvoir acidogène des trèfles blancs et le pouvoir tampon des fléoles des prés.

Les mélanges binaires dactyle/luzerne répondent sur le papier aux caractéristiques recherchés pour ces foins mais là encore, il faudra être vigilant aux stades de récolte.

Lors d’une implantation de prairies, l’éleveur va donc rechercher la diversité botanique en mélangeant au minimum 8 espèces fourragères avec une répartition équitable entre graminées et légumineuses en nombre de graines/m² pour permettre à la prairie de s’adapter aux différentes conditions pédoclimatiques qu’offre la parcelle sur toute sa surface.

Le stade de récolte = rapport tiges-sucres

C’est le rapport tiges-sucres du fourrage final qui doit déterminer le stade de fauche. Une considération générale : un tiers des plantes au stade floraison est un facteur de sécurité pour le rumen (richesse minérale, équilibre sucre circulant, maturité des tiges, …).

Si les premières récoltes sont très précoces (avant le stade cité), les coupes suivantes seront tardives, plus vers la maturité. Des temps de repousse allongés, de 8 semaines, peuvent permettre de transformer une deuxième coupe habituellement déficitaire en tige en équivalent première coupe à tige fortement active pour produire un foin mécanique ou tête de repas.

La décision de fauche ne peut répondre à un critère universel de maturité. Rien ne vaut un petit passage dans la prairie toutes les semaines.

L’influence de la fauche

Pour ces foins « tête de repas », l’éleveur évitera l’utilisation des faucheuses-conditionneuses qui ont pour missions d’accélérer les temps de séchages en défibrant l’herbe par le passage en fléaux ou en rouleaux.

L’heure de fauche est un élément à prendre en compte. Une fauche tardive, en pleine période de croissance, en fin de journée permet de reculer artificiellement le rapport Sucres-tiges de 7 jours de maturation supplémentaires. Inversement en période de durcissement (fin de croissance, floraison dépassée), une fauche le matin de bonne heure permet de retrouver le rapport sucre-tiges de la semaine précédente.

Certains producteurs initiés à la biodynamie évoqueront aussi l’influence de la lune sur la qualité énergétique des foins, la qualité de la conservation, des arômes.

Et les foins de production ?

Une fois les foins mécaniques récoltés, toutes les autres récoltes auront un objectif de production ou de croissance. Il faudra alors viser la densité énergétique avant toute chose : stade feuillu après un déprimage ou une première coupe, stade montaison-tout début épiaison, fauche le matin tôt, un séchage rapide par beau temps ou en grange et un stockage de très bonne qualité.

Identifier ses foins dans la grange !

Les animaux doivent avoir des repas les plus réguliers possible avec des ingrédients identiques soir et matin pour ne pas perturber la flore digestive. Il est donc primordial d’identifier ses foins lors de la mise en grange pour éviter trop de variation dans les menus. Les foins « têtes de repas » et les foins de production seront bien séparés et accessibles facilement tout au long de l’année.

Article rédigé par Thierry MOUCHARD, conseiller technique élevage et formateur Obsalim® à la FRAB Nouvelle Aquitaine