Produire de l’orge brassicole bio en région Sud : les enseignements du terrain

Publié le : 30 août 2023

Découvrez les premiers résultats d’une étude de terrain sur l’orge brassicole en région PACA.

Depuis deux ans, La Coopération Agricole Sud, Agribio04, Arvalis et l’association La Bière de Provence s’attachent à acquérir les premières références techniques sur l’orge brassicole bio en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’objectif ? Structurer une filière locale d’approvisionnement pour les brasseries artisanales de la région, en accompagnant notamment les agriculteurs à mieux répondre aux exigences qualité de la filière, à savoir produire des grains de gros calibre (90% > 2,5mm) et à faible teneur en protéines (9,5% – 11,5%). La qualité des lots (impuretés < 2% ; pureté variétale > 93%) et leurs pouvoir germinatifs (95-98% après 3jours) sont également des critères sources de déclassement. Le projet « Orges-Malts-Bières », cofinancé par la Région Sud et l’Union Européenne, a ainsi permis le suivi d’une dizaine de parcelles d’orge brassicole en région PACA !

Des orges marquées par un climat exceptionnel

En 2022, les orges ont été marquées par un climat exceptionnel caractérisé par une sécheresse extrêmement précoce (i.e. -52% de pluviométrie sur la plateforme expérimentale de Dauphin (04300) de janvier à juillet 2022 par rapport à la médiane sur les 20 dernières années) et des températures bien plus élevées que la moyenne (i.e. +2,2 °C en mai 2022 par rapport à la médiane sur 20 ans) impactant fortement toutes les composantes de rendement des céréales à paille.

Une difficulté à atteindre les exigences qualité de la filière

Dans les suivis réalisés chez les agriculteurs, le résultat marquant de cette année 2022 (i.e. losanges verts) est caractérisé par un non-respect quasi généralisé du cahier des charges de la filière brassicole, à savoir un taux de protéines compris entre 9,5 et 11,5% pour les orges, indispensables pour assurer un bon rendement à extraction, une faible turbidité de la bière et une fermentation optimale lors du brassage. Seule une parcelle respectait ce cahier des charges, avec un taux de protéines de 9,5%. Le reste des orges présentaient des taux de protéines inférieurs ou supérieurs à cette fourchette (8,2 à 13,4%). En 2021 (i.e. losanges jaunes), les 3 parcelles suivies ne respectaient pas non-plus ce critère qualité.grandes culture orge bio

Attention aux sols superficiels et à l’absence de fertilisation

Les orges situées les plus au sud de la région (13 et sud – O4) conduites sur des terres superficiels (i.e. réserve utile comprise entre 55 et 72mm) non fertilisées et non irriguées présentaient les rendements et les taux de protéines les plus bas, en lien avec des stress hydriques et azotés bien plus précoces (i.e. indices de nutrition azotée (INN) faibles compris entre 0,29 et ,50). A l’inverse, les orges situées les plus au nord de la région (nord – 04 et 05) conduites sur des terres plus profondes (i.e. réserve utile comprise entre 70 et 150mm) et fertilisées présentaient les rendements et les taux de protéines les plus élevés (i.e. INN compris entre 0,60 et 1,11). Les rendements s’échelonnaient de 15 à 75q du sud au nord de la région.

Ces résultats incitent à privilégier des parcelles à sols profonds avec un bon potentiel de rétention d’eau et à ne pas négliger la fertilisation azotée. Les apports précoces (au semis ou avant tallage) viendront favoriser le rendement au détriment de la protéine et permettront le respect du cahier des charges de la filière brassicole. Les apports tardifs sont à proscrire.

Privilégier les orges d’hiver

Les orges de printemps (e.g. RGT Planet) connues pour être les favorites des malteurs et brasseurs ont démontré une forte sensibilité au contexte pédoclimatique régional. Le stress hydrique précoce rencontré en 2022 et le stress thermique ont nettement affecté la fertilité des épis des orges de printemps et le remplissage des grains, pénalisant ainsi fortement le rendement et le calibre des grains tout en y concentrant la protéine. Les variétés de printemps seront donc à éviter sans irrigation ou sur sols superficiels à faible potentiel de rétention en eau et à réserver à des sols avec d’importantes réserves utiles. L’avancement de la date de semis (i.e. janvier-février) permettra de favoriser le rendement au détriment de la protéine et de limiter l’impact des stress thermique et hydrique. Attention aux semis à l’automne qui, en cas de gelées tardives, peuvent fortement impacter le rendement des orges de printemps. Les essais variétaux réalisés sur la plateforme expérimentale de Dauphin (04300) de 2020 à 2022 mettent en avant la bonne adaptation des orges d’hiver au climat méditerranéen et leurs performances agronomiques en faveur de la filière brassicole. Les variétés d’hiver à 2 rangs (e.g. LG Caiman et Calypso), en présentant les rendements les plus élevés et les taux protéiques les plus bas, sécurisent la réussite de la culture.

rendements orge brassicole

 

Taux de protéines et rendement par variété d’orge brassicole en pourcentage des moyennes annuelles 2021 et 2022 – en jaune les orges de printemps 2 rangs, en vert les orges d’hiver 6 rangs et en bleu les orges d’hiver 2 rangs.

 

Une culture plus rentable en conditions climatiques difficiles

Les calculs de rentabilité économique effectués par Arvalis sur les essais de Dauphin, toutes variétés confondues, démontrent que l’orge brassicole présente une marge nette (€/ha) supérieure au blé tendre, et ce, d’autant plus en conditions climatiques difficiles. L’orge est en effet plus productive et moins sensible aux fins de cycles délicates que le blé tendre. Le rendement est alors mieux sécurisé et la culture mieux valorisée. Ces résultats s’observent également en 2022 alors que l’orge a été déclassée en orge fourragère.

Introduire l’orge brassicole en deuxième paille dans les rotations céréalières biologiques semble donc être une réelle opportunité économique pour les agriculteurs à la recherche de nouveaux débouchés. Les marchés restent en revanche plus petits que pour les blés tendres.

La structuration d’une filière brassicole bio en région se poursuit avec le projet d’installation d’une malterie régionale. Les enseignements du projet ouvrent également de nouvelles perspectives et axes de recherche qui pourront être creuser dans le cadre d’un d’un nouveau projet multipartenarial (i.e. fertilisation, dates de semis, effet précédent etc.)

tableau rendement orge brassicole

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Performances agronomiques et marge nette moyennes du blé tendre et l’orge brassicole toutes variétés confondues testées sur la plateforme expérimentale de Dauphin (04300) en 2021 et 2022. Prix indicatif : blé à 450€/t ; orge de qualité brassicole à 350€/t (2021) ; orge fourragère à 250€/t (2022).

Rédaction et contact  : Clémence RIVOIRE Agribio04 – 07 44 50 30 67 –

en collaboration avec:

Sandrine REGALDO, La Coopération Agricole Sud,

Mathieu MARGUERIE, Arvalis

et Thomas NARCY, La Bière de Provence